Publié le 21 Sep 2016 - 09:12
MUTINERIE A LA PRISON DE REBEUSS

La grogne des détenus vire au drame

 

Les détenus de Rebeuss ont initié hier un mouvement d’humeur pour dénoncer les longues détentions préventives. Une mutinerie sévèrement réprimée par les forces de l’ordre.

 

Des cris, des coups de feu, le bruit assourdissant des grenades, ainsi qu’un ballet d’ambulances entrant et sortant de la prison de Rebeuss toute sirène hurlante. Les parents des détenus de la célèbre prison ont eu hier la désagréable surprise d’y assister. Sous les yeux éberlués de ces proches et des habitants du quartier se jouait une mutinerie qui s’est révélée, par la suite, meurtrière. Pour compléter le tableau, il faut ajouter la présence massive des éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi), d’éléments pénitentiaires d’intervention (Epi) et de policiers. Qui se sont déployés en masse pour mater la rébellion.

Venue d’une localité reculée du Sénégal, Bineta ne tient plus sur ses jambes. Le regard hagard, elle marmonne sans cesse des bouts de phrases et ne quitte pas des yeux la porte qui s’ouvre et se referme derrière les voitures. Vêtue d’un grand boubou en  voile jaune, elle dit se détresse : ‘’mes deux fils et mon frère sont détenus ici, depuis plus de deux ans’’. La dame âgée environ d’une  quarantaine d’années semble perdue. ‘’Ils étaient mon soutien, et actuellement, je suis obligée de mendier pour survivre’’, pleurniche-t-elle.

‘’Abrogez la loi Latif Guéye’’

Comme Bineta, ils sont nombreux à faire le pied de grue devant la citadelle du silence, pour avoir des nouvelles de leurs proches détenus derrière ces hauts murs. Bol de repas à la main, on chuchote tout bas devant la vigilance des policiers. Plus loin, quelques-uns se livrent et dénoncent  les mauvaises conditions de détention des prisonniers. Abdou est un  ex-détenu qui a purgé sa peine, dans les années 2000. Aujourd’hui, il se souvient de sa mésaventure et tente d’éclairer sur les mauvaises  conditions de vie des prisonniers. ‘’La ration journalière d’un détenu qui est de 500 F (Ndlr : aujourd’hui, il est de 700F) doit être respectée. Mais ici, on ne se nourrit que d’insectes. La prison doit contenir 600 personnes, alors  que la chambre 9 accueille, à elle seule,  500 détenus. Ce qui fait un  total 5000 prisonniers dans ce geôle’’, dit-il avec sérieux.  

L’ex- détenu reconverti en rappeur invite l’Etat à abroger la loi Latif Guèye relative à la criminalisation de la drogue qui, selon lui, est à l’origine de tous les maux des détenus. ‘’On ne peut pas continuer à appliquer la loi Latif Guèye. Au Sénégal, on vit une justice à deux vitesses. Il y a ceux qui sont emprisonnés pour des délits mineurs, alors que d’autres  font des choses plus graves et hument l’air de la liberté’’, se désole-t-il. Il faut signaler que les parents des détenus ont arboré des brassards rouges pour protester contre la décision des matons de ne pas prendre les repas qu’ils ont amenés. Les agents pénitentiaires ont refusé de les prendre, en arguant que les détenus sont en grève de la faim.

HABIBATOU TRAORE

 

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