Le difficile vécu de paysans sud-américains
Les images, l’atmosphère, l’environnement, tout est presque noir dans ‘’Terre et ombre’’. Seuls les champs de cannes à sucre, avant d’être calcinés, sont verts et quand la fumée et les cendres s’envolent, il n’en reste plus rien. C’est dans ces conditions de pollution quasi-perpétuelle que vivent des paysans. C’est ce que montre le cinéaste Cesar Augusto Acevedo.
Avec, à leur tête, le cinéaste marocain Faouzi Bensaïdi, le jury international de la 22e édition du Festival international du cinéma d’auteur de Rabat a décerné son Grand Prix au film ‘’Terre et ombre’’ de César Augusto Acevedo. Le titre campe et le décor et l’histoire. Le réalisateur a tourné dans un village où il y a des champs de cannes à sucre à perte de vue, qui symbolisent la terre, cette terre fertile qui fait le bonheur de riches producteurs sud-américains. L’ombre est présente à travers ce rideau de fumée qui couvre ce patelin. En outre, ‘’Terre et ombre’’ est l’histoire de paysans sud-américains surexploités, racontée à travers le retour d’un père de famille, Alfonso, qui a divorcé, il y a 17 ans. Sa séparation avec sa femme Alicia est due à sa décision de quitter sa ferme et d’aller s’installer en ville. Son fils, Gerardo, a décidé de rester avec sa mère.
Malheureusement, l’environnement étant pollué à cause des champs de cannes à sucre brûlés avant leur abattement, le fils tombe malade. Le village étant une zone habitée majoritairement par des pauvres, l’hôpital qui y est implanté est trop petit et ne peut accueillir grand-monde. Ainsi, il ne peut recueillir Gerardo, malgré son cas critique. Marié et père d’un enfant - Manuel - ce dernier, convaincu par son épouse Esperanza, décide d’appeler son père, après cette longue séparation. De retour, ce dernier s’occupe des travaux ménagers, parce que son ex-femme, malgré son âge avancé, et sa belle-fille vont travailler dans les champs. Elles abattent les cannes à sucre et sont payées à la journée. Elles sont les seules femmes paysannes à travailler dans ces champs-là. Elles sont obligées de le faire pour vivre, puisque le seul homme de la maison est alité.
C’est également le prétexte, pour le réalisateur, de montrer et de dénoncer les dures conditions de travail des paysans évoluant dans les champs de cannes à sucre, mais également leur désespoir. Aujourd’hui où les machines ont fini de remplacer les hommes dans les champs, dans les pays même émergents, en Amérique du Sud, ce sont encore des hommes qui font le travail le plus dur. Les producteurs s’enrichissent sur leurs dos, en leur payant des miettes. Qu’ils peinent d’ailleurs à recevoir. Dans le film de César Augusto Acevedo, c’est après une grève qu’ils ont pu recouvrer leur dû. Encore que certains travailleurs ne voulaient pas rallier le mouvement au début, craignant d’être renvoyés et d’être remplacés par des machines qui feront le travail à leur place. Seulement, ils ne savent pas qu’ils coûtent moins cher que ces moteurs.
Malgré ces dures conditions de travail et de vie, Alicia refuse de partir. Il en est de même pour Gerardo qui, de jour en jour, a encore plus de problèmes pour respirer normalement. Ne tenant plus et étant renvoyée de la ferme où elle travaillait, Esparanza décide de partir avec ou sans le consentement de son mari. Comme elle s’y attendait, Gerardo refuse toujours de partir et de laisser seule sa mère. Son cas allant de mal en pis, sa mère l’y contraint, mais avant son départ, il meurt. Bien dommage. Le grand-père repart avec son petit-fils et sa belle-fille, laissant maintenant Alicia seule, sans travail, ni compagnie. Elle tient à sa ferme bordée de cannes à sucre et à son village qui n’est maintenant que ‘’terre et ombre’’.
BIGUE BOB (Envoyée spéciale à Rabat)