Publié le 14 Nov 2017 - 23:50
MACKY SALL SUR LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME

‘‘Il faut régler le problème militaire d’abord’’

 

Le chef de l’Etat pense que remporter en priorité la bataille militaire, dans la lutte contre le terrorisme, est vital. A l’ouverture de la 4e édition du Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité, le président sénégalais a également théorisé la réforme de la philosophie d’action de l’intervention onusienne.

 

Vendredi dernier, Macky Sall assurait que le Sénégal est un pilier de la paix et de la stabilité internationale, à l’occasion de la Journée des forces armées. Hier, il était, à la limite, d’un discours martial sans complexe pour établir l’ordre des priorités dans le combat contre le terrorisme et l’extrémisme violent. ‘‘De toute évidence, et en premier lieu, la réponse militaire sur le terrain contre les terroristes est vitale. Il ne faut pas faire la fine bouche. On ne peut pas, avec des fleurs, régler les problèmes au Sahel. Il faut régler le problème militaire d’abord. C’est inévitable ! Nous ne pouvons pas laisser le champ à des forces dont le seul objectif est de semer la mort et le chaos’’, a déclaré le président sénégalais à l’ouverture du 4e Forum de Dakar sur la Paix et la Sécurité.

Son allocution était d’ailleurs une marque de solidarité envers le voisin malien en proie à des soubresauts séditieux de groupes terroristes armés dans sa partie nord. Ce pays, qui fait plus d’un million 242 mille km2, est la cible de fréquentes attaques, depuis 2012, où sédimentent plusieurs factions djihadistes ou sécessionnistes, comme le Mouvement national de libération de l'Azawad (Mnla), Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), Ansar Dine et Mujao. Le Sénégal, qui compte déjà un contingent dans la Mission intégrée des Nations Unies pour la stabilisation du Mali (Minusma), a réitéré son soutien à son voisin. ‘‘Je renouvelle notre solidarité agissante envers le Mali. Le Sénégal est de tout cœur avec la république sœur du Mali. La paix au Mali, c’est la paix au Sénégal, mais surtout dans le Sahel. Il faut saluer l’effort courageux pour la réconciliation nationale et la lutte contre le terrorisme, dans le cadre du G5 Sahel’’, a-t-il déclaré en soulignant toutefois la complémentarité des politiques de développement.

L’intervention à la place du simple maintien de la paix

Si preuve en était besoin du discours militariste de Macky Sall, c’est toute la philosophie de maintien de la paix onusienne que le président sénégalais a appelé à réformer. Après le représentant du gouvernement japonais, M. Sato, qui a demandé qu’on remédie au plus vite à l’absence de l’Afrique au Conseil de sécurité de l’Onu, Macky Sall a théorisé l’intervention comme nouvelle philosophie de l’action onusienne, à la place du simple maintien de la paix. ‘‘Face aux nouvelles menaces, les missions classiques de maintien de la paix ne sont plus adaptées. C’est le cas avec la Minusma, avec le harcèlement quotidien, la mission est la plus meurtrière dans l’histoire des Casques bleus. L’heure me semble venue de repenser sérieusement la doctrine du maintien de la paix du système des Nations Unies. On ne peut maintenir la paix là où elle n’existe pas, en combattant des groupes dont la violence est le seul mode d’action’’, a-t-il plaidé.

Le dénouement de la lutte anti-terroriste dans les théâtres d’opération éloignés du continent n’est pas sans conséquences pour celui-ci. La chute du bastion de l’Etat islamique, Raqqa en Syrie, et la déroute du même groupe en Libye, posent le problème du repli stratégique dans un continent où beaucoup reste à faire en matière de défense. ‘‘Il faut intégrer les risques dus aux Etats faillis. C’est un sanctuaire de rêve pour tous les réseaux mafieux et criminels. Les djihadistes vaincus ailleurs vont chercher des zones de repli en Afrique. Ce sera une erreur fatale de sous-estimer ce risque. Le terrorisme et ses causes doivent être traités partout avec la même détermination et le même ordre de priorité. C’est ça aussi l’approche intégrée’’, a défendu le chef de l’Etat.

Réalisme froid

Pour le thème de cette édition, ‘‘Défis sécuritaires actuels en Afrique : pour des solutions intégrées’’, la rencontre de Dakar a réuni un aréopage de hautes personnalités africaines. Contrairement à l’année dernière où le président nigérian avait sauvé la rencontre d’une déconfiture diplomatique, ce quatrième forum a vu la participation d’autorités importantes. Le président malien, Ibrahim Boubacar Keïta, et le chef du gouvernement tchadien Albert Pahimi Padacké, dont les pays sont la ligne de front du combat terroriste, le président Rwandais Paul Kagamé et surtout la Commission de l’Union africaine dont l’absence de l’année dernière a suscité plusieurs commentaires, ont relevé le prestige de cette rencontre annuelle. D’ailleurs, son président, Moussa Faki Mahamat, a appelé de ses vœux à africaniser les solutions théoriques et les moyens mis à disposition pour des solutions adéquates.

Dans le même sillage que Macky Sall, il estime que les forces de maintien de la paix ont atteint leurs limites. ‘‘Le système international de maintien de la paix est tributaire des conditions historiques de son émergence. Lorsqu’il a vu le jour, les formes actuelles de violences n’avaient pas cours. Les missions de maintien de paix éprouvent des difficultés, lorsqu’elles sont déployées, à s’adapter à l’environnement dans lequel elles sont censées opérer. Elles manquent de flexibilité et les limites qu’imposent leurs règles d’engagement handicapent leurs actions. Quelquefois, elles sont contraintes de consacrer l’essentiel de leurs efforts à leur propre protection au détriment de celle des populations civiles’’, a-t-il fait remarquer, dans la même logique de combiner moyens de coercition et plans de développement.

Quant au président rwandais Paul Kagamé, il est d’avis que ‘‘l’insécurité éclot là où l’on manque de coopération. Quelles que soient les difficultés, nous pouvons les surmonter en travaillant ensemble’’. ‘‘En tant qu’Africains, si on laisse les autres définir les challenges et régler les problèmes pour nous, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes. Mais ceci ne veut pas dire qu’on doit laisser périr la coopération avec nos partenaires extérieurs’’, a-t-il poursuivi, mettant l’accent sur la gouvernance inclusive des citoyens et du secteur privé, pour exclure toute marginalisation qui ferait le lit de la propagande extrémiste.

‘‘Afrocentrisme’’

La question qui a fait l’unanimité chez ces décideurs, c’est que le règlement de la question terroriste sur le continent doit être ‘‘afrocentré’’. Avant le président Sall, qui pense qu’il ‘‘faut éviter les solutions toutes faites, conçues et appliquées aux Africains sans concertation’’, c’est la ministre française des Armées, Florence Parly, qui a invité les dirigeants du continent et extérieurs à ‘‘laisser l’Afrique parler d’elle, la laisser choisir ses propres orientations et trouver les moyens d’assurer sa propre défense. En quelques mots, trouver en Afrique les solutions aux maux de l’Afrique’’. L’Hexagone, qui est à la pointe de la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, avec l’opération Barkhane, rassure toutefois que son ‘‘engagement est intact’’, car ‘‘la France n’abandonne pas ses partenaires’’, déclare Mme Parly qui estime qu’il ne faut s’enfermer dans aucun modèle, être pragmatique, créatif et juger chaque situation à l’aune du terrain’’, a-t-elle suggéré.

 Le serment d'IBK

‘‘Chaque fois, nous sommes Gros jean comme devant, chaque fois que les camps de la Minusma sont attaqués. Quelquefois, c’est cette armée malienne qui intervient et qui rétablit la situation. C’est une question de dignité. Je ferai tout ce je pourrai, jusqu’à mon dernier souffle, pour que mon pays ait les moyens de se défendre. Nous ne connaissons pas l’origine des moyens de ceux contre qui nous combattons, mais ils sont colossaux. On ne sait pas par quel miracle le ciel s’ouvre pour eux, mais il y a un truc. Tout ce trafic dans le Sahel, le Sahara, il n’y a pas de miracle. La drogue est en circulation. Il y a aussi la migration forcée. Je ne tire aucun honneur de voir mes enfants se perdre dans le désert. C’est le cœur lourd d’un père qui parle. Je leur souhaite un autre destin’’.

LES COULISSES D’UNE RENCONTRE

Macky et les 0,2 %

‘‘Le Tchad estime que l’engagement de ces Etats membres demeure trop théorique’’. Le Premier ministre, représentant Idriss Déby Itno, Albert Pahimi Padacké, a été critique, hier, sur la torpeur des pays africains. Le financement de l’Union africaine et de sa force intégrée illustre ce problème. En 2016, le Sénégal était à la tête de la résolution 2320, qui réaffirme qu’il incombe aux organisations régionales de mobiliser les ressources humaines, financières, et logistiques dont elles ont besoin, et s’est assuré de l’engagement de l’Union africaine à ‘‘financer 25 % du coût des opérations de soutien à la paix qu’elle mène d’ici à 2020’’. 

Cette formule qui voulait que l’Onu fournisse les 75 % restant, semble avoir du plomb dans l’aile. Suffisant pour que le président Macky Sall interpelle ses pairs dans une volonté de moins dépendre de l’aide extérieure. ‘‘Il faut que les Africains mettent en œuvre la décision qui a été arrêtée à Kigali sur le financement de l’Ua, en donnant 0,2 % de leurs importations sur le continent africain’’, a-t-il lancé, hier, assurant avoir donné des instructions au ministre de l’Economie, Amadou Ba, dans ce sens. Annoncé depuis juillet 2016, lors du Sommet de l’Union africaine dans la capitale rwandaise, cette taxe sur les importations devrait rapporter 1,1 milliard d'euros par an, avait annoncé le ministre rwandais de l'Economie et des Finances, Claver Gatete.

PRESSE REBELLE

Comme à l’accoutumée, dans des grandes rencontres du genre Forum Paix et Sécurité, c’est la presse sénégalaise qui a failli trinquer pour l’organisation approximative. L’accès à la salle de conférence restreint, les organisateurs ont proposé, hier, aux journalistes sénégalais de suivre le panel des hauts dirigeants dans un chapiteau aménagé pour regarder en direct la retransmission. Une requête que la presse a gentiment envoyé bouler, puisque, dans le même temps, les militants du parti au pouvoir rejoignaient en masse la salle des conférences. ‘‘Comment pouvez-vous laisser les militants de l’Apr remplir la salle, alors que vous nous avez invité pour couvrir la rencontre ?’’, s’exclame un confrère. ‘‘Si vous ne voulez pas de la presse, ne l’invitez plus, c’est plus simple’’, proteste un autre. C’est depuis les marches d’escalier d’une salle archicomble que les journalistes ont dû suivre les débats.

YELLA DE MACKY

Restons justement avec les militants de l’Apr, ou plutôt une griotte du président. Annoncé par le maitre de cérémonie pour faire son speech, le président Macky Sall a été accueilli au pupitre par la voix stridente d’une femme dans le public, qui a entonné une chanson traditionnelle. D’autres choristes allaient la suivre, quand le président a coupé net : ‘’Il ne faut pas m’exciter avec le Yella, c’est une musique exceptionnelle. Merci Oumou !’’ Avant d’entamer son discours aussitôt.

OUBLI PRESIDENTIEL

Quel est le comble pour un président de la République ? Oublier son discours, au moment de le prononcer. Cette scène cocasse est arrivée, hier, au président malien Ibrahim Boubacar Keïta. Au moment de se diriger sur l’estrade de la salle de conférence du Cicad, il a maugréé ce que beaucoup ont découvert plus tard, en écoutant la bande sonore de son intervention. ‘’Mon texte, il est où ? J’espère que quelqu’un doit bien avoir mon texte, ici… Bon, je vais improviser’’, a-t-il finalement consenti à lâcher, avant de se lancer dans un discours extraordinairement plus long que ses homologues, sur le présidium. C’est ce qui arrive quand on improvise.   

OUSMANE LAYE DIOP

 

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