Publié le 29 Nov 2017 - 14:50
ACCÈS À LA COMMANDE PUBLIQUE

Espoirs et inquiétudes des artisans

 

L’accès des artisans aux premiers marchés de l’Etat suscite beaucoup d’espoir. Cependant, il y a des inquiétudes nées du fait qu’il y a des prédateurs hors du secteur qui cherchent à leur chiper le fromage. Une conférence de presse a été organisée, hier, pour alerter.

 

L’Organisation nationale des professionnels du bois (Onp bois) a tenu, hier, une conférence de presse. L’objectif est de faire le point sur la mise en œuvre de la décision du chef de l’Etat d’attribuer 15 % de la commande publique aux artisans locaux. En 2016, début de la matérialisation de l’instruction, l’artisanat national en a bénéficié pour un montant d’un milliard, d’après Saloum Ndiaye, le coordonnateur du Programme de mobilier national. Les menuisiers bois en ont bénéficié. Si l’on en croit le président de l’Onp bois, Masseck Diop, les 18 entreprises attributaires d’un marché de mobilier de la Direction du matériel et du transit administratif de l’Etat (Dmta) se sont partagé une enveloppe de 449 millions de francs Cfa.

M. Diop s’est d’ailleurs félicité de l’importance de cette mesure qui, selon lui, commence déjà à profiter grandement aux acteurs du secteur. ‘’Cela va toucher le menuisier bois et métallique, le tapissier du coin, la quincaillerie du coin, le vendeur de tissus, le matelassier et même la vendeuse de cacahouètes installée à côté’’, se réjouit-il.

Selon lui, les ateliers s’étaient vidés parce que les jeunes avaient déserté. Mais, maintenant, l’activité reprend petit à petit. Il n’y a pas que la menuiserie, qu’elle soit bois ou métallique, qui est impactée. D’autres filières comme le textile sont aussi concernées. Par exemple, affirme M. Ndiaye, 79,8 % de la production des tenues militaires et civiles sont assurés par les couturiers. La filière peau et cuivre sera bientôt prise en compte. Elle devra se charger de tout ce qui est bottes militaires, baudriers, étuis d’armes…

Le tableau allait être parfait. Seulement, Masseck Diop ne cache pas son inquiétude. Selon lui, des individus étrangers à leur domaine cherchent à se positionner pour prendre les marchés à leur place. ‘’Nous devons être vigilants pour que ces actions ne soient pas détournées par des gens qui n’ont rien à voir avec la menuiserie. Nous devons ouvrir l’œil sur le marché du mobilier national, car, dans un passé récent, il a servi à enrichir des individus haut placés dans certaines structures de l’Etat et des hommes d’affaires’’, alerte-t-il.

D’après Saloum Ndiaye, ces velléités s’expliquent par le fait que les artisans n’arrivent pas à occuper la place qui leur est accordée. C’est ce vide que certains opportunistes cherchent à combler. En fait, selon M. Ndiaye, il y a 4 fondamentaux (les 4 F) à régler pour que les menuisiers puissent accéder à la commande publique. Le premier est le foncier. Les menuisiers comme les mécaniciens et autres n’arrivent pas à trouver des locaux. ‘’Nos urbanistes ont prévu tout sauf des espaces de production. Il n’y a que la Sodida qui, finalement, a été dévoyée’’, regrette-t-il.

Impossible de gagner des marchés

Il y a ensuite la formalisation, car l’Etat ne travaille pas avec des informels. Il faut qu’ils soient identifiés. Mais le constat est que la majorité des acteurs sont dans les coins des quartiers. ‘’Ces gens-là ne peuvent pas gagner des marchés’’, soutient-il. Cette question de la formalisation implique également le troisième point qui est le financement.

En effet, dans certaines conditions, aucun système financier n’acceptera d’octroyer des crédits. En plus, travailler pour l’Etat suppose d’avoir la capacité de produire en amont avec ses propres moyens, puisque le paiement intervient après service rendu. Or, pris isolément, les menuisiers n’ont pas les moyens.

Vient, enfin, la dernière exigence qui est la formation. De l’avis de M. Ndiaye, il faut mettre l’accent sur la capacité de production, afin de rendre les menuisiers compétitifs pour satisfaire la demande nationale. ‘’La fibre patriotique ne suffit pas. Il faut savoir répondre aux besoins des Sénégalais’’, invite-t-il. D’ailleurs, de l’avis de M. Ndiaye, l’Etat doit aller plus loin, en leur permettant d’avoir accès aux cahiers de menuiserie des grands chantiers. Cet agent du ministère de la Formation professionnelle dit être en contact avec la délégation du Pôle urbain de Diamniadio pour plus d’opportunités.

Par ailleurs, il se pose une autre question épineuse : la disponibilité de la matière. Le Sénégal perd 45 000 ha de forêt par an. Or, le menuisier a besoin de bois pour travailler. Il suffit de voir ce qui se passe dans le sud du pays pour comprendre la difficulté du problème.  En effet, il y a la nécessité, à la fois, de trouver la matière d’œuvre et de respecter l’environnement. Aujourd’hui, le menuisier sénégalais utilise du bois essentiellement importé du Gabon, de la Côte d’Ivoire et de la Centrafrique. Avec les taxes douanières qui font grimper les coûts de production, le produit final, nécessairement, coûte cher.

Il y a lieu, donc, de trouver des alternatives, mais aussi de leur trouver un quota. Une mesure qui doit être accompagnée par des plantations d’arbres pour assurer la pérennité de la ressource. L’Onp bois semble avoir compris les enjeux. Elle s’est fixé un objectif de 140 000 arbres d’ici la fin de l’année. 

BABACAR WILLANE 

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