Publié le 28 Jan 2018 - 22:04
ALY BATHILY (DIRECTEUR GENERAL DE LA SODAV)

‘’On ne subira aucune pression’’

 

Après la sortie de l’Association des acteurs de l’industrie musicale, le directeur général de la Sénégalaise du droit d’auteur et du droit voisin (Sodav), Aly Bathily, monte au  front. Et c’est pour  apporter quelques précisions. Ainsi, annonce-t-il que pour 2018, le souhait de son équipe est de procéder à des répartitions trimestrielles, et ce, dès le mois de février. Entretien.

 

Selon certains acteurs culturels, la Sénégalaise du droit d’auteur et du droit voisin (Sodav) n’a fait qu’une répartition en 2017. Qu’en est-il exactement ?

C’est faux ! Ce qui a été dit est à l’opposé de la vérité. C’est vraiment faux. En 2017, nous en avons fait deux répartitions. Une première a été faite au mois d’avril de cette année et elle portait sur le premier semestre de l’année 2015. Il faut comprendre qu’une société qui vient de prendre place doit s’occuper, avant tout, à se stabiliser. Ce qui signifie qu’il faut d’abord apurer le passif qu’elle a trouvé sur place. Et le Bsda (Ndlr : Bureau sénégalais du droit d’auteur) nous a quand même laisser un passif en termes de répartition. L’année 2015, le premier semestre devait être réparti depuis le mois d’octobre. Cela n’a pas été fait. Nous l’avons fait en avril 2017. Cette répartition portait sur un montant de 115 millions, à quelques francs près, et qui portait sur les catégories suivantes : les droits d’exécutions publiques (les concerts, etc.) pour un montant de 65 millions 508 mille 476 francs Cfa, les droits de reproduction mécanique (les Cd support) qui sont vraiment à la baisse avec 1 million 562 mille 576 francs Cfa. On a procédé également au paiement des droits dramatiques et littéraires, c’est-à-dire les émissions radiophoniques, les théâtres, etc., qui n’ont pas été payés depuis des années, à hauteur de 8 millions 226 mille 792 francs Cfa. Les droits numériques de la Sonatel, les Crbt, parce qu’il y a des musiciens qui font leurs catalogues en concert avec des producteurs et qui les remettent à la Sonatel. La Sonatel nous reverse après les droits d’auteur pour les musiciens. Les producteurs gèrent directement avec la Sonatel. Les droits étrangers aussi ont été payés. Il s’agit de ceux qui proviennent de la Sacem pour un montant de 18 millions 639 mille 411 francs Cfa. Ça, c’était la première répartition du mois d’avril 2017.

Et la seconde alors, elle a été faite quand ?

En août de cette même année, à la veille de la Tabaski, nous l’avons réitérée pour un montant de 163 millions 514 mille 657 francs Cfa. La particularité de cette échéance de répartition est que ça portait uniquement sur les droits religieux tirés des sonneries de téléphone. Le numérique a permis à une certaine catégorie, qui s’était sentie exclue du circuit monétique de la culture, de se retrouver parmi les plus grands bénéficiaires. Et c’est normal, si on fait une analyse purement sociologique de la situation. En appelant presque chaque Sénégalais au téléphone, on peut avoir une idée de son appartenance religieuse. Grace au ‘’dalal’’, les choses ont bien marché pour les chanteurs religieux. Ce qui est extrêmement important. Cela a créé beaucoup plus de démocratie dans le secteur, en termes même d’accès aux ressources, aux avantages, aux bénéfices du droit d’auteur.

Quand va être réparti le 2e semestre de 2015 ?

Ce sera au mois de février prochain. On réglera non seulement le 2e semestre de 2015, mais également toute l’année 2016, le premier et le deuxième semestre. Et cela va porter sur un montant approximatif de plus de 200 millions de nos francs.

Si vous analysez bien, on a commencé par 115 millions de francs Cfa, puis 163 millions et aujourd’hui on est à plus de 200 millions. On est donc en train de relever la barre très haut.

Je pense donc que la Sodav est vraiment en train de jouer sa partition et après cette échéance de février, on sera dans la stabilité. On ne trainera plus d’arriérés et nous sommes dans les temps régis par les règles internationales.

A ce propos, les règles disent quoi ?

Elles disent que, normalement, l’échéance, c’est 18 mois. Mais, à la Sodav, l’objectif est de répartir chaque trimestre afin de réduire totalement les délais. On réduira ainsi au moins de 6 mois les échéances de répartition.

Donc, en 2018, il y aura une répartition tous les trois mois ?

C’est notre souhait le plus grand et on fait tout pour le concrétiser. Et s’il plait à Dieu, on y arrivera. Février 2018 va nous permettre de solder le restant des semestres de 2015 et de 2016. Maintenant, après une répartition, il faut s’arrêter et faire le bilan. Il faut que les gens comprennent, dans leur empressement, que la répartition n’est pas une division arithmétique, ce n’est pas une tontine. Ce n’est pas parce qu’on a entendu qu’il y a de l’argent pour en déduire que c’est aux artistes. Il faut savoir quel argent leur est destiné. Quand une personne paie la redevance, il faudra que cette même personne physique ou morale, qui est utilisatrice du répertoire, nous donne l’information nécessaire pour pouvoir procéder à des répartitions justes et équitables. (…) Je suis très à l’aise pour le dire. On n’est pas en politique. On est dans une mission purement technique et nous allons marcher comme des techniciens. On ne subira aucune pression.

On peut alors déduire que ce n’est pas parce que des artistes s’en sont pris hier à la gestion de la Sodav que vous avez décidé de répartir le mois prochain ?

Non. Cette décision a été prise avant cette sortie. On a tenu une réunion en interne, mardi. Des membres de la commission répartition du conseil d’administration, des techniciens de la Sodav et Madame la Président du conseil d’administration ainsi que moi-même, directeur général, y ont pris part. La réunion devait nous permettre de préparer ces opérations de répartition. On associe les ayants droit dans le processus des opérations de répartition.

Ainsi, il ne peut y avoir de parti pris ou de clientélisme. C’est ensemble qu’on définit les catégories à répartir, les montants à mettre en œuvre, les catégories qui seront concernées et voir après, s’il y a des difficultés techniques, qu’on réfléchisse sur comment régler cela et que les techniciens appliquent cela pour que ces écueils soient résorbés. Ce que, je suppose, est une bonne démarche et un excellent exemple de transparence, parce que les membres du conseil d’administration qui représentent les artistes sont pleinement associés dans ces processus jusqu’à un certain niveau. Après, le travail est confié aux techniciens pour qu’il n’y ait pas conflit d’intérêt. Parce que les textes sont très clairs. Les titulaires de droit peuvent être membres du conseil d’administration, mais aucun d’entre eux ne peut être membre de l’administration. On ne peut plus dire que les répartitions sont faites à la tête du client. C’est une vieille chanson qui a été rabâchée depuis des décennies. Les gens ont dépassé ce débat.

De manière très simple, comment se fait la répartition, parce que certains artistes disent ne pas comprendre sur quelles bases sont faits les calculs ?

Vous savez, il y a plusieurs méthodes de calcul. Je vais donner quelques orientations, mais avant cela je tiens à préciser qu’il y a des choses qui sont techniques. On a deux grands systèmes de calcul. Il y a soit le prorata numérique suivant le nombre de passages, la fréquence, soit le prorata temporiste. Pour ce dernier cas, il faut un bon logiciel qui puisse déterminer le coefficient de passages par tant de minutes. L’œuvre qui passe en deux secondes percevra peut-être moins que celle qui est passée sur une minute. Je pense qu’entrer dans ce débat-là, c’est vouloir remuer quelque chose qu’on ne maitrise pas.

En une année, comment êtes-vous arrivé à solder l’essentiel du passif du Bsda ?

Comme je dis, seul le travail paie. On est allé sur le terrain chercher l’argent. Des fois, ce sont des réclamations, une perception pour une période due, etc. Il faut travailler juste. J’aimerais quand même faire une précision : il ne faudrait pas que les gens pensent que c’est grâce au milliard du président qu’on a pu payer les droits. Non. Le milliard du président n’est pas l’argent des redevances, ce n’est pas pour les droits. Il faut que l’on soit clair sur cela. Cet argent ne peut pas faire l’objet de répartition. Il peut tout au plus servir qu’à des investissements et peut-être un volet social si possible. Et pour ce dernier, il ne s’agira pas de faire de la distribution arithmétique par personne. Ce serait même insensé. Nous répartissons des droits, donc c’est l’argent obtenu à l’issue de l’exploitation d’un répertoire. Encore qu’il faut préciser que ce milliard n’est pas encore crédité dans nos comptes. Il est inscrit dans le budget. L’argent qui va être réparti est celui collecté par les agents de la Sodav avec l’aide du conseil d’administration.

Est-ce que les droits que vous devait le Fesman et la dette de la Rts que l’Etat a consenti à payer font partie de ce que vous allez répartir en février ?

Les 400 millions qui servent à payer les dettes du Fesman et de la Rts, l’Etat a décidé de payer, comme vous le dites. Nous lui en sommes très reconnaissants. Mais nous n’avons pas encore l’argent dans nos comptes, parce que ça doit suivre une certaine procédure. Il ne faut pas mélanger cela avec l’argent des répartitions en cours. La lecture qu’il faudra faire, au-delà de ce geste de l’Etat, c’est que c’est le travail bien fait, transparent, clair et brillant qui a été fait en un temps record qui nous a valu ce taux de confiance là et qui a fait que l’Etat a accepté de faire ce qu’il a fait. Ce n’était pas évident au début. La Sodav a démarré avec moins de 40 millions de francs Cfa. Si les gens ont pu travailler, maintenir une certaine stabilité sociale de l’entreprise, c’est parce qu’ils se sont donné corps et âme. On n’a jamais entendu de problèmes d’arriérés de salaires. Nous n’avons aucun découvert bancaire. Nous ne devons rien à personne qui puisse nous astreindre en justice. On a pu faire tout cela par la force de la sueur, du travail, de la persévérance. Il y a une très grande rigueur dans la gestion. Si on n’avait pas pu faire cela, on n’aurait pas pu arriver à répartir de pareils montants. Il y a eu beaucoup de sacrifices du personnel et du conseil d’administration. Ce sont des gens engagés et honnêtes qui sont là. La Sodav constitue aujourd’hui le point focal des organisations internationales.

Je vous donne rendez-vous à la fin de ce mois-ci. Le directeur régional de la Cisac/Afrique sera ici, de même que la directrice générale d’Adagp (Ndlr : Auteurs dans les arts graphiques et plastiques), le secrétaire général de la fédération des sociétés qui gère des droits des acteurs des arts visuels.  En un temps record, la Sodav a bénéficié de la confiance de la fédération. Il y a beaucoup de personnes qui s’activent dehors et qui ne connaissent même pas ce que c’est que la gestion collective. En un temps record, nous avons été admis à la Cisac. Il n’était pas dit, forcément, que là où le Bsda était admis, la Sodav y serait d’office. Nous avons repris tout le processus, nous avons repassé tous les tests et examens, si je puis dire. Nous sommes membres à part entière de l’Ifro (Ndlr : Fédération internationale des organisations de droits et de reproduction). D’autres fédérations nous ouvrent leurs portes, elles nous voient comme un modèle, parce que nous sommes le premier à réussir. Donc, préservons cette œuvre commune et majestueuse que nous sommes en train de mettre en place.

On vous reproche aussi d’avoir un conseil d’administration illégal depuis octobre. Est-ce le cas ?

Un conseil d’administration dont les membres ont été élus par leurs pairs, à l’issue d’une assemblée générale, ne s’aurait être illégale. Maintenant, il y a une chose entre ce que disent les textes et la réalité du terrain. La Sodav a pris fonction en octobre 2016. Est-ce qu’en juin 2017, on pouvait tenir une assemblée générale ? Un bilan ne porte que sur un exercice. Il faut savoir que dans toutes les sociétés, la première année est une année de grâce. Non seulement nous l’avons pris dans une période charnière, il faut que les gens soient raisonnables. Est-ce que, sur la base d’une seule année, on peut apprécier réellement la performance d’un conseil d’administration ? Dieu merci car, pendant cette petite année, nous avons fait de très grands pas. Mais, logiquement, est-ce qu’on peut nous juger ? Ce n’est pas pour rien qu’on donne des fourchettes de temps minimal de 3 où 5 ans pour un conseil d’administration.

Que disent les textes de la Sodav sur le conseil d’administration ?

Le statut parle du 4e jeudi du mois de juin de chaque année. Donc, entre le 6 octobre 2016 et le 4e jeudi du mois de juin, cela ne fait pas une année. Qu’est-ce qu’on aurait pu présenter ? Ils ne peuvent pas nous tordre le bras comme ils veulent. Il faut qu’ils apprennent à se calmer. Logiquement, c’est en juin 2018 qu’on peut organiser une assemblée générale extraordinaire. On dit que le conseil doit fonctionner pour une année, alors que les membres des commissions ad hoc sont élus pour 3 ans.  Nous allons installer les commissions nationales de rémunération équitable. Les membres sont élus pour 3 ans et ils sont les représentants des différents collèges. Comme le disent la loi et les statuts. Parfois, dans les textes, il y a une difficulté d’interprétation. On nous dit de l’organiser au mois de décembre, alors que les textes ne le mentionnent pas. 

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