Diversité dans tous les sens
C’est parti pour l’année culturelle à Eiffage. Avant la Biennale des arts de Dakar prévue en mai prochain, ici, on baigne déjà dans la ferveur des vernissages, avec la première exposition de l’année ouverte en fin de semaine dernière.
Ils sont autant d’artistes que de techniques à découvrir actuellement à Eiffage. La première exposition de l’année 2018, qui marque l’ouverture de l’année culturelle d’Eiffage et s’inscrit également dans les activités organisées en prélude à la visite du président français au Sénégal, Emmanuel Macron. Ils sont une quinzaine de plasticiens hommes et femmes à faire preuve de créativité à travers une cinquantaine de toiles. Comme celles proposées dans cette collection d’Asta Diaw. Entre collage et broderie, en passant par du patchwork à travers un ‘’Métissage’’, elle ‘’dessine’’ un visage ou plutôt un masque apparait.
Manoa Ricou est loin de cet univers. Ses toiles sont en gouache faites sur du papier. Chez lui, la peinture abstraite avec des couleurs vives et des couleurs terre. En regardant de plus près ces créations, l’on se demande si Ricou est réellement dans l’abstrait. Diverses formes géométriques, des labyrinthes, des voitures renversées se dégagent, se précisent quand on les regarde plus attentivement. L’imagination peut guider, ici, vers tout comme elle mène la barque d’Ousmane Niang qui prend lui également part à cette exhibition. Il donne une touche ‘’récupération’’ à cette dernière. Avec du fil de fer sur bois, des pointes, il ‘’confectionne’’ une personne. A première vue, on la prendrait pour un ouvrier avec sa mallette qui ressemble à une boite à outils, mais elle n'en est pas un. C’est un transhumant qu’il représente ici. Ousmane Niang titille la peinture également. Il a pu dessiner un oiseau au beau plumage, avec des formes hybrides par moments. A travers ‘’Dictature’’, il représente une hyène majestueusement assise dans un fauteuil avec ses couleurs multiples qui contrastent avec le noir et blanc de Mbaye Babacar Diouf.
En quête d’un ‘’Idéal’’, l’artiste rufisquois est convaincu que tout se fait dans la communion et l’entraide. Sur une toile de 200 sur 300 cm, il dessine de petits personnages qui s’accrochent les uns aux autres. La file est longue. A un moment, certains se portent même pour avancer ou sont reliés par un fil. Le même système est repris dans ‘’Mane ak gnome’’. Il montre qu’au finish, un seul arrivera au sommet grâce à sa sueur et au soutien de tous, c’est-à-dire les humains. Ces humains représentés dans un tableau au titre éponyme.
Le projet ‘’Native’’ d’Aliou Diack ‘’Badou’’ représente peut-être une solidarité chez les animaux. Ces formes rappellent des races canines. Sa technique est différente de celle de Serigne Ibrahima Dièye. Cet artiste donne l’impression d’être un enfant qui joue avec son crayon noir. Seulement, ça ne part pas dans tous les sens. Au contraire, ce qui pourrait sembler, au début du dessin, à des gribouillis, se terminent en formes précises. Des formes humaines ou animales. Une scène transparait même d’ailleurs. Des messages, il y en a également. "The right man in the right place’’, prône l’artiste. Dièye valse entre le noir et rouge, et son tableau laisse imaginer une multitude de messages.
Après ces toiles, on tombe, dans un couloir, sur celles d’Alioune Guèye. Lui est dans la peinture abstraite qui, dis-je, montre des paysans travaillant la terre. Il faut bien regarder pour bien les voir. Il ne peint pas un univers plus lumineux, tout de même. Au contraire, on est toujours dans le lugubre. C’est pour cela que pour des profanes fans de couleurs vives, après un tour, quand on tombe sur les tableaux d'Ibrahima Wane, on est comme aveuglé par ses couleurs vives. Il les plonge dans un ‘’halo de lumière’’, tellement ses tons sont gais, les formes nettes, les scènes saisissables et compréhensibles.
On sent ainsi facilement toute l’animation du ‘’Carnaval nocturne’’ au milieu de Dakar avec ses ‘car rapides’, ses charrettes, ses motos et ses taxis. Une vraie bouffé d’oxygène. Et ces couleurs contrastent avec celles de Samba Diouf ‘’Bathiz’’ où domine le noir.
Ces changements de tons et de techniques font le charme et l’intérêt de cette exposition ‘’Ca kanam, la nouvelle scène de la peinture sénégalaise’’. ‘’D’un côté, on reconnait, de la part de ces artistes, une prise de conscience des exigences du milieu, une professionnalisation et un abandon progressif des illusions romantiques du statut d’artiste’’, a dit l’un des commissaires de cette exposition, Mauro Petroni. Il précise également que lui et son équipe n’ont ‘’pas la prétention de représenter toute la scène artistique sénégalaise, qui est beaucoup plus grande et plus importante : la nôtre n’est qu’un point de vue, un exemple’’.
BIGUE BOB