Racep Tayyip Erdogan ne lâche pas le mouvement Gulen, fondateur des écoles Yavuz Selim. La fermeture des  écoles du prédicateur turc par le Sénégal a renforcé l’axe Dakar-Ankara, dont les échanges commerciaux ont atteint le seuil record de 250 millions de dollars. Et la Turquie est loin de dire son dernier mot. Elle est également à l’assaut du tourisme des infrastructures ferroviaires, ainsi que des hydrocarbures et mines du Sénégal.

‘’Epaule contre épaule’’, Racep Tayyip Erdogan et Macky Sall veulent ‘’surmonter les obstacles’’ qui se dressent sur le chemin du Sénégal et de la Turquie. C’est du moins ce qui ressort des déclarations du président turc hier, en marge de la visite officielle qu’il effectue au Sénégal. Cette volonté ne cesse de se confirmer depuis le coup d’Etat avorté qui a eu lieu à Ankara le 15 juillet 2016. Depuis cette date, le régime turc mène une guerre sans merci au mouvement Gulen, accusé d’être l’instigateur de cette tentative de putsch.

Une guerre qui se mène sur tous les fronts. L’un des théâtres d’opération est le Sénégal. Et le moins que l’on puisse dire est que le gouvernement sénégalais a été un bon élève sur ce coup. Macky Sall ayant matérialisé la volonté d’Erdogan de fermer les écoles Yavuz Selim. Hier, ce dernier l’en a vivement remercié. Il déclare : ‘’Le Sénégal est pour nous un ami précieux et un partenaire stratégique. Il l’a prouvé en des temps difficiles, le 16 juillet 2016. Je remercie le gouvernement sénégalais pour la solidarité dont il a fait montre lors du coup d’Etat traître du 15 juillet. Nous n’allons jamais oublier cette attitude noble.’’

En fait, contrairement à certains pays occidentaux qui ne cessent de critiquer la purge menée contre les proches du mouvement Gulen depuis cette date, le Sénégal, lui, a pris fait et cause pour le régime d’Erdogan. Allant jusqu’à fermer les différentes écoles du groupe Yavuz Selim présentes dans le pays. Pendant que les parents d’élèves ruaient dans les brancards, le président turc en était ravi. Il avoue : ‘’La fermeture des écoles est très importante. Nous allons continuer avec détermination la coopération que nous avons avec le Sénégal, concernant la lutte contre le mouvement Gulen’’. Toutefois, rassure le président Erdogan : ‘’Nous allons former, dans les écoles que nous mettons en place avec la fondation Maarif, des générations qui aiment leur patrie et qui travaillent pour leur pays et leurs familles.’’

Le soutien du Sénégal à la Turquie ne se limite pas seulement à la fermeture des écoles Yavuz Selim. A en croire le président turc, ce soutien englobe aussi l’implantation de la fondation Maarif au Sénégal, ainsi que l’accompagnement des différentes entreprises turques qui œuvrent dans le pays. A ce niveau également, l’axe Dakar-Ankara semble filer le parfait amour. L’évaluation du volume des échanges a montré que tous les objectifs fixés en 2013 ont été atteints. Les chefs d’Etat en veulent pour preuves l’augmentation du volume des échanges qui, en 2017, a atteint pour la première fois la barre des 250 millions de dollars, plus de 132 milliards de francs CFA, largement favorable à la Turquie. C’est d’ailleurs pour réduire ce déficit que Macky Sall a proposé à son homologue l’arachide sénégalais.

La Turquie prend sa part dans les hydrocarbures

Après les Britanniques, les Américains et les Français, les Turcs plongent leurs mains dans les hydrocarbures au Sénégal. L’annonce a été faite hier, lors du point de presse conjoint au Palais de la République. Les deux chefs d’Etat ont déclaré avoir signé 4 accords dans les domaines du tourisme, des infrastructures ferroviaires, des hydrocarbures et des mines. Comme s’il faisait un marquage à la culotte aux Français présents dans ces divers secteurs, le président turc se dit très attaché à ces domaines pour accompagner l’effort de modernisation du Sénégal. Malgré ces progrès, Erdogan semble loin d’être rassasié. Il sollicite encore plus de places pour les entreprises turques, dont 150 chefs l’ont accompagné dans sa tournée africaine.

Pour sa part, le président Macky Sall informe que le nouvel objectif commercial est de porter le volume des échanges à 400 millions de dollars (plus de 210 milliards F CFA). ‘’Nous saluons, dit-il, l’action du gouvernement turc qui a permis au Sénégal de réaliser des infrastructures majeures dans la nouvelle ville de Diamniadio. Grâce à une ligne de financement de 300 millions de dollars, nous avons pu construire le CICAD, l’hôtel Radisson, le Complexe sportif Dakar Aréna, le marché d’intérêt public national et la Gare des gros-porteurs. Nous poursuivons également les négociations pour que le Sénégal puisse exporter de l’arachide en Turquie pour atténuer notre déficit commercial.’’

Erdogan clashe l’Europe

Si les relations entre le Sénégal et la Turquie sont au beau fixe, ça sent de plus en plus le roussi entre Ankara et les pays de l’Occident. Le président Erdogan ne rate en effet aucune occasion pour s’en prendre vigoureusement aux pays occidentaux, coupables de ne pas l’accompagner dans sa traque au mouvement Gulen. Devant Macky Sall et la presse, le président turc a rappelé pour s’en désoler les atrocités commises par l’Europe sur les Africains, à travers la traite négrière. Il peste : ‘’Dans nos relations avec l'Afrique qui remontent à plus de dix siècles, il n’y a jamais eu de traces telles que l’Ile de Gorée qui symbolise le massacre et l’exploitation au plus haut niveau. A chaque fois que je me souviens de la visite que j’ai effectuée dans cette île  il y a 5 ans, j’ai honte au nom de l’humanité. La position de mes frères et sœurs africains, face à ces massacres, est digne de respect.’’

Il faut noter qu’en 5 ans, Racep Tayyip Erdogan a effectué deux visites officielles au Sénégal et une escale en 2016. Ce qui dénote, selon Macky Sall, de l’excellence des relations entre les deux pays.

MOR AMAR