Notre part de vérité pour élever la mémoire des victimes
‘’La mort tombe dans la vie comme une pierre dans un étang : d’abord, éclaboussures, affolements dans les buissons, battements d’ailes et fuites en tous sens. Ensuite, grands cercles sur l’eau, de plus en plus larges. Enfin, le calme à nouveau, mais pas du tout le même silence qu’auparavant, un silence, comment dire : assourdissant.’’ (Christian Bobin)
Mame Mbaye Ndiaye et Ousseynou Mbaye étaient là avec nous. On avait souhaité les voir, les rencontrer et leur parler en toute occasion le plus longtemps possible, mais Dieu en a décidé autrement. Notre sèche et sombre douleur est profonde et s'étale sur tout le royaume d'Espagne, notre pays d'accueil. Aujourd'hui, nous leur devons un hommage, des pensées pieuses et franches pour élever et honorer leur mémoire. C’est pourquoi nous nous sommes décidés à faire savoir à l'opinion, par devoir de vérité, comment les faits se sont déroulés, afin de ne pas laisser l'amalgame et la confusion détruire le climat de convivialité qui prévaut entre les Sénégalais de Madrid et qui sont l'œuvre de personnes malintentionnées.
A l’annonce de la triste nouvelle, le jeudi 15 mars 2018 par la presse nationale sénégalaise et la presse espagnole, les Sénégalais de Madrid se sont regroupés spontanément à Lavapies, pour exprimer leur douleur. Aussitôt, Son Excellence le Président Macky Sall appela au téléphone notre camarade Mama Diallo pour témoigner de son soutien et de sa solidarité indéfectibles à l’endroit des Sénégalais de l'extérieur, car l'ayant vu à partir d'une vidéo braver la foule pour exprimer de vive voix le manque de considération des autorités sénégalaises qui ont en charge la diaspora. Au même moment, Son Excellence le Président de la République a donné ordre au ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'Extérieur de prendre toutes les dispositions nécessaires pour mettre la lumière sur ce cas survenu à quelques semaines d'intervalle d’avec l’assassinat de notre compatriote Idy Diène, froidement tué en Italie.
Les questions qui nous taraudent, à première vue, après les réactions de ces soi-disant autorités : au moment des faits, où étaient ceux qui ont été cités dans les différents articles commandités, postés sur les différents sites et différents organes de presse ? Où étaient le consul général Mouctar Belal Ba et le directeur des Sénégalais de l'Extérieur Sory Kaba qui ont foulé le sol du tarmac de l'aéroport de Madrid le lundi 20 mars au petit matin, alors que la mairesse de Madrid a illico presto écourté son séjour pour rallier Madrid ce même jeudi 15 mars, jour du drame ? Pourquoi Son Excellence l'Ambassadeur du Sénégal en Espagne est venu sur les lieux le lendemain du drame vers 11 h où il a échappé de justesse à un lynchage ?
Voilà des questions qui méritent moult réflexions de la part de l'Etat.
Venons-en aux actes posés jusqu'ici par les autorités en charge de cette affaire. Dès sa venue en Espagne, M. Sory Kaba ne devrait-il pas aller jusqu'à l'endroit où Mame Mbaye Ndiaye a rendu l'âme pour y observer une minute de silence, pour lui rendre hommage et peut-être dérouler devant tous les Sénégalais le message du président de la République et de toute la nation ? Seuls quelques présidents d'association ont vu M. Kaba qui était vautré dans la résidence de l'ambassade. Pour annoncer la rencontre de Sory Kaba avec les Sénégalais de Madrid, Son Excellence le Consul général Mouctar Belal Ba a fait exprès d’annoncer deux lieux différents : Casino de la Rena et Calle Olivar, confirmant la bonne adresse (Calle Olivar) à ses thuriféraires et laissant les autres Sénégalais dans le doute. Certains sont allés jusqu'au Casino de la Rena et n’y ont trouvé personne, avant de retrouver la salle où se tenait la rencontre (Calle Olivar).
L'argent qui était destiné au rapatriement des corps et remis au directeur des Sénégalais de l'Extérieur sera utilisé à d'autres fins, peut-être pour appuyer les familles des disparus, car les membres du Dahira Touba-Madrid ont décidé de se cotiser pour couvrir tous les frais de rapatriement, histoire de s'acquitter d'une dette envers les victimes qui étaient des piliers de l'entité.
Lors de la réunion dans la salle, le maître de cérémonie a reçu des ordres de ne pas donner la parole à Mama Diallo et à notre frère Thié Dione de Madrid, sous prétexte que la rencontre était finie et qu’ils étaient venus en retard. Ils ont beau insister, mais en vain, le consul général en avait décidé ainsi. Pourquoi ? Mystère et boule de gomme.
Un autre fait troublant réside aux termes du protocole signé avec la municipalité de Madrid sur la formation et l'insertion des marchands ambulants. D'après les informations lues dans la presse et relayées par notre frère Momar Dieng Diop, 15 jeunes vont démarrer la phase initiale pilote et ce, pendant 9 mois. Cette session de formation existait déjà, il y a plus de cinq ans de cela. Comment les jeunes seront choisis ? Les sans-papiers seront-ils pris en charge comme il n'a jamais encore été le cas jusqu'ici ? S'agissant de la carte municipale, elle a existé depuis longtemps, mais les Sénégalais sans-papiers le voyaient comme un moyen de bien les localiser et de pouvoir les rapatrier à tout moment. Pour la régularisation des sans-papiers, nous demeurons très sceptiques là-dessus, car la régularisation touche toutes les autres nationalités étrangères vivant à Madrid et est du ressort de la police nationale et non d'une municipalité. Donc, c'est un problème d'ordre général au plus haut sommet.
Dans ces genres de situations, il faut tirer l'émotion des cœurs avec la VÉRITÉ qui sied. Peut-être notre objection pour élever la mémoire des disparus est venue poser le débat de fond afin que l'Etat puisse voir de plus près ce qui s'est réellement passé.
Nous avons remarqué aussi que le directeur des Sénégalais de l'Extérieur a traité le problème à la hâte. Venu à Madrid le lundi, Sory Kaba et rentré sur Paris le lendemain (mardi 20 mars 2018) sans épuiser la vraie question : la suite réservée aux familles des disparus. Alors qu’on a aperçu Bougane Guèye Dani et Boubacar Seye de Horizons sans frontières parmi les manifestants lors de la cérémonie du mercredi 22 mars 2018. Comme d'autres compatriotes tombés en terre espagnole - Mor Sylla (Salau), Abdoulaye Mbengue (Palma de Mallorca), Maguette Fall (Almeria), El Hadj Ndiaye (Pamplona), Amadou Wade (Murcia) - nous craignons que cette affaire ne soit rangée dans les tiroirs et que justice ne sera jamais rendue par faute de constitution de partie civile. (…)
A Son Excellence le Président Macky Sall, nous lui disons que ses attentes sont pour la plupart trompées par ceux à qui il a confié des responsabilités et qu'il est temps de revoir son arrière-garde en faisant les déplacements vers les pays où nos compatriotes rencontrent d’énormes difficultés, afin d'être plus soigneux avant 2019.
Collectif de la Diaspora sénégalaise pour l'Emergence/Espagne