Un nouveau témoignage met en cause le général Numbi
Refoulé dimanche à son arrivée à l’aéroport de Kinshasa par les autorités congolaises, le réalisateur belge Thierry Michel, auteur du film "L’Affaire Chebeya", a rendu public, mardi 10 juillet, le témoignage d’un policier affirmant avoir assisté à l’assassinat du directeur de l’ONG La voix des sans voix. Un témoignage qui pourrait relancer le procès en appel qui doit rependre le 17 juillet.
Ce nouveau témoignage, s’il était authentifié, pourrait changer la donne du procès en appel des accusés du meurtre de Floribert Chebeya, qui doit reprendre mardi 17 juillet. Recueilli par le réalisateur belge et auteur du documentaire L’affaire Chebeya, Thierry Michel, il met directement en cause l’ex-inspecteur général de la police, John Numbi. La Haute cour militaire de Kinshasa, seule institution habilitée à le juger, doit statuer le 17 juillet sur la demande des parties civiles de le voir comparaître comme prévenu.
Le témoin est un policier, il s'appelle Paul Mwilambwe. En fuite dans un pays d’Afrique, il a été jugé par contumace dans la même affaire, le 23 juin 2011, pour association de malfaiteurs, assassinat, terrorisme et désertion. Aujourd'hui, il affirme s’être trouvé dans les locaux de l’inspection générale de la police (IGP) lors de l’assassinat de Floribert Chebeya, le 1er juin 2010. Un assassinat qu’il décrit de manière très détaillée et dont il assure qu'il a été intégralement filmé.
Selon Paul Mwilambwe, Chebeya a été assassiné parce qu’il comptait transmettre au roi Albert II, lors de sa visite à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, des informations sur les massacres des adeptes de la secte Bundu dia Kongo, tués par des policiers en 2007 et 2008. Ces documents mettaient directement en cause le bataillon Simba commandé par le second de Numbi, le Major Christian Ngoy, dit-il.
C’est en possession de ces preuves que Floribert Chebeya, accompagné par son chauffeur Fidèle Bazana, se présente à l’Inspection générale de la police, le 1er juin 2010 à 16 H45. Paul Mwilambwe raconte avoir reçu le militant des droits de l’homme seul dans son bureau pendant près d’une heure et demi.
Étouffé avec des sacs plastiques
Les deux hommes sont ensuite rejoints par Christian Ngoy. Ce dernier informe Chebeya que John Numbi n’a pu se déplacer mais qu’il peut l’emmener à son domicile, ce qu’accepte Floribert Chebeya, poursuit le policier. Les deux hommes sortent. Dans les minutes qui suivent, le directeur de la Voix des sans voix est étouffé avec des sacs plastiques dans un hangar de l’inspection. Resté dans son bureau, Mwilambwe raconte avoir assisté à la scène via des caméras de surveillance et dit s'être rendu immédiatement sur le lieu du crime. Il va y découvrir les corps de Floribert, à l’agonie, et de son chauffeur, dont il assure qu’il a été assassiné pendant son entretien avec Chebeya. Il est environ 19 heures 30.
Les corps auraient été ensuite placés dans deux voitures distinctes, puis celui de Bazana finalement enterré. Paul Mwilambwe affirme que les restes de ce dernier se trouvent dans une parcelle appartenant au général Numbi, dont il indique le lieu avec une grande précision.
S’il n’était pas présent lors de l’assassinat, c’est John Numbi qui tirait les ficelles, assure Paul Mwilambwe dans son témoignage. C’est lui qui aurait donné l’ordre au Major Christian Ngoy, aujourd’hui en fuite, d’exécuter Floribert Chebeya contre la somme de 500 000 dollars. Lui aussi qui récompenserait les huit hommes ayant participé aux assassinats. Ou encore lui qui organiserait la fuite de Ngoy. Joint par Jeune Afrique, Thiery Michel assure détenir d’autres témoignages corroborant encore cette version des faits.
"Que toute la lumière soit faite"
Le réalisateur insiste cependant sur le fait que ce témoignage, qu’il a transmis aux avocats et aux autorités congolaises, doit être « vérifié ». Mais il estime qu’il permet d’éclairer « toutes les zones d’ombre de l’affaire. Car les policiers suspectés ont toujours nié que Chebeya ait été assassiné. Les avocats de l’État ont même nié qu’il soit venu dans les bureaux de l’inspection militaire »
Et de conclure : « Je donne au gouvernement des documents pour que la vérité éclate sur une affaire dont le ministre de la Justice congolais a récemment déclaré vouloir que toute la lumière soit faite ».