Silence, ça tourne !
C’est parti pour une semaine de cinéma dans la capitale sénégalaise grâce au retour des Rencontres cinématographiques internationales de Dakar (Recidak). La cérémonie officielle s’est tenue en début de week-end et le ministre de la Culture Abdou Latif Coulibaly a assuré que cette reprise sera pérenne.
Du monde, il y en avait vendredi soir au Grand-théâtre. Entre boubous et costards, cinéastes, acteurs, actrices, cinéphiles et officiels ont rivalisé d’élégance. Il ne peut en être autrement lors d’un rendez-vous du septième art. L’ouverture officielle de la 10e édition des Rencontres cinématographiques internationales de Dakar (Recidak) s’est faite dans le chic et le raffinement. Cette manifestation reprend, après plus d’une dizaine d’années de non tenue, sur de belles notes d’espoir. Venu présider la cérémonie d’ouverture, le ministre de la Culture, Abdou Latif Coulibaly, a rassuré l’assistance sur ‘’l’intérêt et la considération que l’Etat du Sénégal porte à la reprise et à la tenue régulière des Rencontres cinématographiques internationales de Dakar (RECIDAK), espace international de la réflexion structurante sur le cinéma et de valorisation des créations et des productions cinématographiques, voire artistiques’’.
Les autorités ont également compris que ‘’les Recidak sont un atout essentiel pour le développement du cinéma sénégalais. Qu’elles constituent également une belle opportunité pour établir des relations de partage et d’échanges avec les cinémas d’Afrique et du monde’’, a dit M. Coulibaly. Aussi, ‘’en considérant les différentes thématiques de votre colloque intitulé : ‘’Cinéma et développement’’, je tiens à souligner combien ce rendez-vous du 7ème art à Dakar contribuera à replacer davantage le cinéma au cœur de l’animation culturelle de la capitale Dakar’’.
Par conséquent, il faudra tout faire pour le tenir régulièrement. Une reprise pérenne et sans interruption, c’est ce que souhaitent les réalisateurs sénégalais et les initiateurs de cet évènement dont Annette Mbaye D’Erneville. Elle a été d’ailleurs célébrée, vendredi. Parlant au nom du Président de la République, le ministre de la Culture a exprimé la reconnaissance de la Nation à l’endroit de celle que beaucoup appellent affectueusement ‘’Mère bi’’ ou encore ‘’Tata Annette’’ et fondatrice des Recidak en 1990. ‘’Cette grande dame s'est toujours attachée, pendant de nombreuses années, et s’est sacrifiée, avec une équipe dévouée, à défendre une conception du cinéma et de la production cinématographique respectueuse du pluralisme, faisant confiance aux créateurs, aux artistes sénégalais et africains, au moment où cette confiance leur manquait singulièrement ailleurs.
Elle l'a toujours fait avec une élégance et une compétence que tout un chacun lui reconnaît aujourd’hui’’, a témoigné Abdou Latif Coulibaly. ‘’Tata Annette, j’ai envie, comme Edgard Faure qui, prononçant le discours d’installation de Léopold Sédar Senghor à l’Académie française, lui dira : « Chez vous, le nom se décline et se déclame, on le psalmodie. Il sonne comme la prose de la journaliste, la générosité de l’humaniste, la sagesse de la femme engagée pour toutes les causes justes, en particulier pour celles de la femme, et enfin, comme la créativité du cinéma et l’amour de l’esthétique artistique ». Tata Annette, merci pour ce que vous avez fait’’.
La costumière Oumou Sy, qui a travaillé avec de grands noms du septième art dont Djibril Diop Mambety, a elle aussi été célébrée, vendredi. A son tour, elle a rendu hommage à Annette Mbaye D’Erneville, grâce à qui elle a pu exceller dans ce monde des images, en prenant exemple sur elle et en suivant ses conseils. Conceptrice du costume de ‘’Linguère Ramatou’’ parmi tant d’autres, Oumou Sy est sans conteste la meilleure dans son domaine en Afrique.
Un autre cinéphile, acteur du développement du cinéma à qui l’Etat a rendu hommage : Noureddine Saïl. Ancien directeur du Centre cinématographique du Maroc, Noureddine Saïl est ‘’un ami du Sénégal’’. Il a assisté et participé à la naissance des Recidak. C’est pourquoi lui également a magnifié et vanter le mérite de ‘’Tata Annette’’ représentée à cette fête par sa famille dont son fils et non moins talentueux réalisateurs, Ousmane William Mbaye. Vedette du jour, elle a eu également droit à un magnifique portrait réalisé par le Berger de l’île de Ngor, Abdoulaye Diallo.
Ouverte sur un tableau chorégraphié par le danseur Jean Tamba et racontant l’histoire du cinéma, la soirée s’est terminée sur une projection d’un film de haute facture. Etalon d’argent de Yennenga au dernier festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco), Sylvestre Amoussou a présenté, à Dakar, ‘’L’orage africain : un continent sous influence’’. Il a été très bien accueilli et beaucoup applaudi, après la projection.
NOUREDDINE SAIL (Ancien directeur CNC MAROC) ‘’Dakar est destinée à être la capitale des cinématographies africaines’’ ‘’Cet hommage me fait d’abord énormément plaisir, ça m’honore. J’estime que les Recidak sont un festival qui doit absolument reprendre sa place parmi les festivals africains, et je souhaite qu’elles deviennent l’un des plus grands. Parce que, j’ai toujours considéré que Dakar est destinée à être la capitale des cinématographies africaines, depuis les années 1970. Il y a eu des éclipses. Il y a eu des retours, mais moi, je pense que, là, il y a une telle énergie chez les jeunes cinéastes, il y a une telle concentration de talents, que… Je crois vraiment au Sénégal. Je crois vraiment que ce cinéma-là est possible, est souhaité. Donc, être honoré dans des conditions comme ça, moi, je trouve ça très, très gentil de la part des organisateurs des Recidak, et puis, ça me permet d’avoir une pensée pour Annette Mbaye d’Erneville. Elle a été à l’origine de cette idée et à qui j’ai rendu visite plusieurs fois, quand c’était elle qui dirigeait les Recidak. J’ai une pensée très émue pour elle. Elle ne pourra pas être des nôtres, aujourd’hui, mais, je pense qu’elle sera très brillamment représentée par son fils, Willy, donc voilà ! Je suis très content, très heureux d’être ici et d’être honoré. Les Recidak, moi j’ai été dans les tout premiers, et puis après je me suis absenté, parce que ce n’était pas régulier. Après, elles se sont arrêtées… La dernière édition de 2014 était déjà une reprise, mais, ça a fait long feu. Là, je pense qu’il y a une vraie volonté du Sénégal de permettre aux Recidak d’exister et, d’après ce que j’ai entendu dire ce matin par Monsieur le ministre de la Culture, je pense qu’il y a une vraie volonté de donner sa chance au festival et de le faire exister. Donc, je suis doublement content que les Recidak redémarrent et que le cinéma sénégalais soit appelé à bien se porter’’. OUSMANE WILLIAM MBAYE (REALISATEUR) ‘’Je milite pour le cinéma sénégalais et africain’’ ‘’C’est avec beaucoup de fierté et d’honneur que je reçois, à la place de madame Annette Mbaye d’Erneville, cet hommage, cette distinction et ce beau cadeau. Parce que le travail qu’elle a abattu pour le cinéma sénégalais et africain est reconnu à Dakar, aux Recidak 2018 et cela ne peut être qu’agréable. Une chose positive pour moi. Elle a voulu simplement dire qu’elle est heureuse de la reprise des Recidak, parce qu’elle s’est battue pendant huit (8) ans pour qu’elles se tiennent. Après, il y a eu des problèmes financiers et elle a confié l’organisation à l’Etat du Sénégal, dans l’espoir qu’il aurait les moyens de les pérenniser et c’est ce qui est fait avec la reprise. Donc, pour elle, voir les Recidak continuer, et comme elle l’a dit dans son message, c’est qu’elle prie pour qu’il n’y ait plus d’interruption. Moi, je suis pour qu’il y ait plusieurs rencontres cinématographiques, parce que je milite pour le cinéma sénégalais et africain » OUMOU SY (COSTUMIERE) ‘’Cet hommage est pour nous tous’’ ‘’Je suis vraiment très fière et contente, parce que c’est un métier que je n’ai pas appris. Je suis tombée dedans par hasard, et à force d’écouter tata Annette Mbaye d’Erneville…Quand on était petits, on était à Saint-Louis, et elle avait une émission qui s’appelait «L’antenne est à nous» : c’était des poèmes, des récitations (…), moi je voulais apprendre à parler le français, et il fallait que j’écoute les récitations, les poèmes, pour que je puisse, moi, argumenter comme il faut, et Tante Annette, je ne cesserai jamais de la remercier. Si nous, nous avons le courage aujourd’hui , si nous avons osé certaines choses, surtout moi, c’est parce que c’est une référence pour moi, Annette Mbaye d’Erneville. C’est pourquoi, je lui souhaite une très longue vie, beaucoup de santé. Mère-Bi, Tante Annette, c’est notre tante à nous tous, c’est notre mère, et je remercie aussi les gens de la Culture, les gens du Cinéma, qui ont accepté que je puisse être dans le cinéma, que je puisse en arriver là. Cet hommage est pour nous tous. Je dédie ce cadeau à tous les gens du Cinéma, jusqu’aux machinistes, aux ramasseurs de bagages, aux porteurs de charrettes. Ce prix vous appartient. A tous, merci’’. |
BIGUE BOB