Les menaces et mises en garde du juge Dème
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A l’image d’autres régions du pays, Thiès vit au rythme de la spéculation foncière. Pour protéger les terres restantes dans le périmètre communal, le Collectif pour la défense du patrimoine foncier de Thiès, regroupant plusieurs organisations politiques et citoyennes et dirigé par l’ex-juge Ibrahima Hamidou Dème, n’exclut pas de traduire les spéculateurs devant la Cour suprême, afin que cessent toutes ces ‘’activités illégales’’.
Cinquante-cinq hectares confisqués au village de Boukhou, dans la commune de Diass, par un promoteur. Pire, dans la forêt classée ! Dans la ville de Thiès, d’est en ouest, du nord au sud, tout ou presque a déjà été morcelé et mis en vente par des bradeurs. En 2017, les spéculateurs fonciers avaient voulu déposer leurs valises dans le département de Tivaouane, plus précisément au village de Ndjitté, dans la commune de Chérif Lô. Mais ils avaient été délogés de force par les populations. Donc, ça brade et accapare à Thiès où il n’y a quasiment plus de réserves foncières.
Pour stopper cette ‘’hémorragie’’, un collectif pour la défense du patrimoine foncier de Thiès a vu le jour. Composée de plusieurs organisations et mouvements politiques dont le Rewmi d’Idrissa Seck, Ensemble, FDS du Dr Babacar Diop, Pastef-Les patriotes d’Ousmane Sonko, le Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), la République des valeurs de Thierno Alassane Sall…, mais aussi la société civile, cette nouvelle plateforme prévoit de saisir la Cour suprême pour ‘’faire cesser les violations graves des droits fondamentaux des Thiessois’’.
Selon son coordonnateur et porte-parole du jour, la gouvernance foncière doit être une priorité pour les pouvoirs publics. Aussi, rappelle Ibrahima Hamidou Dème, l’heure a véritablement sonné pour que cessent toutes ces agressions. ‘’A l’instar des autres régions du pays, Thiès n’est pas épargnée par la boulimie et la prédation foncières. (…). La ville de Thiès et les trois communes qui la composent sont actuellement au cœur d’un bradage et d’une spoliation foncière sans précédent.
Des domaines publics constitués par des espaces verts, des réserves forestières, des espaces non aedificandi sont morcelés sans tenir compte de l’impact environnemental et de l’écosystème, notamment les inondations. Pour couronner le tout, de pauvres citoyens sont dépouillés de leurs parcelles par une procédure de désaffectation manifestement illégale et dépourvue de toute utilité publique’’, a fulminé, hier, Ibrahima Hamidou Dème, lors d’un point de presse. Poursuivant ses récriminations, l’ex-juge affirme que toutes ces parcelles désaffectées ‘’sont purement et simplement’’ vendues par les communes, ‘’attribuées à des personnalités avec la complicité de l’administration territoriale locale qui n’exerce pas, conformément à ses missions, son contrôle de légalité’’.
C’est pourquoi le patron du mouvement politique Ensemble précise que ses camarades et lui sont prêts, quoi qu’il leur coûte, à se battre pour rétablir les honnêtes citoyens dans leurs droits.
Une administration territoriale mise à terre
Comme la ville est debout et presque sans réserve foncière, les prédateurs fonciers se sont attaqués à l’infime partie de terre restante dans la commune. En revanche, le Collectif pour la défense du patrimoine foncier de Thiès se dit prêt à faire face. Pour Ibrahima Hamidou Dème, toutes ces opérations ‘’illégales’’ vont cesser. ‘’Le cas le plus urgent et dans lequel on veut mettre les populations de la ville de Thiès devant le fait accompli, est le morcellement et la vente de la bande de terre partant de l’entrée de la commune de Thiès longeant le quartier Grand Standing et allant jusqu’à la gare routière, sur la route nationale n°2.
Si cet aménagement, qui devait constituer un bois de ville à la suite des travaux de Thiès réalisés pour la fête d’indépendance de 2004, est transformé en maisons et commerces, c’est tout le visage de Thiès qui va changer et le plus important espace vert qu’on va encore nous priver (…)’’, déplore-t-il. Ainsi, ce que regrette davantage ledit collectif, c’est le fait que les opérations de lotissement ont du mal à respecter la norme ou ratio de 10 m2 d’espaces verts recommandés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) aux pays de l’Afrique subsaharienne pour un meilleur cadre de vie.
‘’Malheureusement, toutes les actions des communes de la ville faites avec l’aval des services déconcentrés et de l’administration territoriale sont aux antipodes de ces recommandations. Par conséquent, nous exigeons la publication des procès-verbaux de désaffectation et réaffectation des parcelles dans toute la commune’’, martèle l’ex-juge Dème.
Pour la préservation du patrimoine foncier thiessois, Ibrahima Hamidou Dème et Cie appellent à une mobilisation générale et citoyenne afin de léguer aux générations futures quelques lopins de terre et un meilleur cadre de vie. Car, pour eux, c’est une ‘’question de justice sociale et de justice tout court’’.
GAUSTIN DIATTA (THIES)