Publié le 24 Aug 2020 - 23:10
AMATH DANSOKHO, UN AN APRES

Conversations d’outre-tombe avec ‘’Big Dansk’’

 
 
Amath Dansokho, parti sur la pointe des pieds à 82 ans, un 23 août 2019, manque terriblement au Sénégal. Ses sorties musclées contre la mal gouvernance ont longtemps rythmé sa vie. Au paradis, Amath Dansokho fait un tour de table sur les dernières infos du pays et de la sous-région avec les nouveaux arrivants Babacar Touré, Abdourahmane Camara, Kader Diop, pour ne citer que ceux-là. Il était une foi Amath Dansokho.
 
 
 
Au paradis, Amath Dansokho a convoqué une réunion de crise pour parler de la situation au Mali. Ce coup d’Etat 2.0 sans effusion de sang qui a délogé Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) de son somptueux palais. On imagine Amath Dansokho héler Babacar Touré qui vient d’arriver pour échanger sur les dernières informations qui ont secoué ce pays frère. On l’entend d’ici crier de toutes ses forces. ‘’Tout ça, c’est parti avec le ‘Wax Waxett’ d’Abdoulaye Wade. Le troisième mandat va détruire nos pays’’, lâche-t-il de sa gouaille de révolutionnaire, d’éternel contestataire. Là-haut au paradis, Amath Dansokho donne du grain à moudre à tous les journalistes récemment rappelés à Dieu, car ‘’Big Dansk’’ n’a pas changé ; il demeure un sacré client pour les journalistes.
 
Il est du métier. Il en sait les arcanes et a longtemps usé d’atouts du métier pour faire passer ses messages. Là-haut, Dansokho est bien heureux de faire bande avec Kader Diop, Babacar Touré que de fréquenter les politiques. Mais il ne cesse de demander des nouvelles du Sénégal de Macky Sall et de la gestion de la Covid-19 par son régime. Il peste toujours contre les scandales qui ternissent le règne de son fils Macky Sall. S’il pouvait revenir deux minutes pour dire ses vérités et repartir. Car Amath Dansokho a la vérité dans son ADN. Il préfère aider ses amis en leur assénant ses convictions les plus profondes. L’homme n’aime pas les courbettes et il s’est toujours méfié des tartuffes. 
 
Amath Dansokho a toujours été un empêcheur de tourner en rond, celui qui empêche les régimes de s’empiffrer des misères du peuple. L’homme au gabarit imposant a toujours gêné le régime de Senghor qui l’exile à Alger, devenu la capitale des révolutionnaires. Tout respire liberté, tout s’agite à Alger pour chanter la révolution, réclamer une justice sociale. Amath étudie, fait de belles rencontres. Puis Dansokho prolonge son exil vers la belle Prague, capitale de la République tchèque (ex-Tchécoslovaquie) où il poursuit sa vie de journaliste allié aux idées marxistes.
 
Son attachement à la liberté et à la justice sociale en plein Guerre froide l’a amené à condamner l’invasion de Prague par les troupes russes. C’était le Printemps de Prague, le 21 août 1968. Amath Dansokho est indésirable à Prague. Il est obligé de retourner à Bamako, mais il se confronte à une nouvelle réalité entre le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Malien Modibo Keïta. Puisque les deux frères ennemis font la paix et le Mali trouve grand bien à réaliser le chemin de fer Dakar - Bamako. Mai 1968, le pouvoir du président Léopold Senghor vacille à la suite de la révolution des étudiants, des syndicats qui descendent dans la rue pour dénoncer son régime.
 
L’homme ne changera pas d’un iota, au fil des ans ; il lutte contre les extravagances d’un régime socialiste, combat les dérapages du vieux Abdoulaye Wade qui vient d’arriver au pouvoir à la faveur d’une alternance. Maitre Wade et Amath Dansokho, c’est le je t’aime moi non plus ! C’est le début d’une longue série de dénonciations contre Wade. Ironie du sort, c’est dans la salle à manger d’Amath Dansokho que le pôle de gauche va donner la caution qui va permettre à Abdoulaye Wade de gagner la Présidentielle de 2000. 
 
La joie de l’alternance est de courte durée pour Amath Dansokho qui s’oppose, 6 mois après sa nomination, à ce que les forces de l’ordre répriment une marche des syndicats. Avec le cran qui le caractérise, alors que Me Wade fait allusion à lui, Amath Dansokho se lève de son fauteuil en plein réunion du Conseil des ministres. Aucune mouche ne vole. Le silence est total. Amath Dansokho assène ses vérités à Me Wade. ‘’Je suis chef de parti. Nous sommes alliés, mais notre parti est indépendant. Quand il a une opinion, il la dira haut et fort. Je vous rassure, je ne suis pas un comploteur. Maintenant, je vous dis, Monsieur le Président, je ne changerai pas. Si je change, les Sénégalais vont rire de moi et quelque temps après, je suis destitué du gouvernement’’, tonne Amath. Maitre Wade est bouche bée. 
 
‘’Si vous voulez m’empêcher de vivre, empêchez-moi de militer’’
 
Président d’honneur du PIT à l’issue du Congrès de 2010 qui a consacré son remplacement par Maguette Thiam, Dansokho est un monument devant lequel s’agenouille tout militant. D’aucuns lui collent d’ailleurs le sobriquet de ‘’Mandela du Sénégal» pour sa ‘’sagesse et en mémoire à son engagement’’. Dans les rangs de son parti, il est perçu comme ‘’la lumière qui éclaire la route quand il fait tout sombre’’.  
 
Mais qui est cet homme parti sans déranger personne ? Alors que tout le monde le dérangeait pour bénéficier de petits présents sans qu’il ne raille et ne juge ces visiteurs du soir qui aiment toquer à sa porte. 
 
C’est dans l’austère Kédougou, à 746 km de Dakar, qu’Amath Dansokho voit le jour le 13 janvier 1937. L’élève en classe de 1re au lycée Faidherbe à Saint-Louis conduit sa première grève. Il est déjà marqué par les idées communistes et humanistes. Le jeune élève n’aime pas l’injustice et commence à diriger ses premiers mouvements de grève. C’est ainsi qu’il milite sans hésiter, ni calcul au Parti africain de l’indépendance (PAI) de Majmouth Diop. ‘’Il a très tôt été généreux dans ses choix de lutte ou de combat. Il a toujours été un homme de convictions’’, raconte un de ses anciens amis.
 
Amath jeune n’est pas différent du vieillard qu’il est devenu, refusant qu’on l’aide à se tenir debout. Il est têtu, dur d’oreille et ne fait jamais les choses à moitié. Saint-Louis est à ses pieds et les élèves qui lui font confiance pour haranguer les foules ne sont pas déçus. En ce temps où toute pensée contraire à celle de Senghor est vue comme de la prétention débridée, du défi d’en découdre face à un pouvoir qui ne tolère aucun contrepouvoir, le jeune Amath va boire le calice du régime senghorien jusqu’à la lie.
 
A Saint-Louis, le jeune Amath Dansokho se forge un caractère de contestataire. Son âme de rebelle se bonifie. Pourtant, il prend ses études au sérieux, comme si ces contestations n’ont pas estompé ses envies de réussite. Il décroche son Baccalauréat au lycée Faidherbe. 1958 : le jeune Amath Dansokho quitte la capitale du Sénégal, Saint-Louis. Il fait un saut périlleux à l’université de Dakar où il s’inscrit à la faculté des Lettres et sciences humaines de l’université de Dakar. Sa réputation de teigneux meneur de grève l’a déjà précédé à Dakar et Amath Dansokho ne trouve aucune difficulté à être élu vice-président de l’Union générale des étudiants de l’Afrique occidentale française (Ugeao). La suite, on la connait, Senghor l’exile très loin. 
 
Amath Dansokho a longtemps voyagé. Il a rencontré Che Guevara, saisi le sens de la lutte des classes et s’est formé dans le dur pour se faire sa religion sur les hommes. Revenu de ses escapades à l’extérieur, le leader du Parti de l’indépendance et du travail utilise toute son expérience au service de son mouvement politique. Il était respecté, adulé par ses amis. L’homme a toujours aimanté les foules. S’il a été encensé par ses camarades de parti, Amath Dansokho a été cependant critiqué par des détracteurs, qui avaient voulu le voir ‘’prendre de la hauteur et se départir de toute fonction administrative’’, après qu’il a été nommé ministre d’Etat par Macky Sall en 2012. Son recyclage au cabinet du président de la République a longtemps alimenté les discussions dans les grand-places. La réponse de Samba Sy, à l’époque, résumait la vie militante de cet homme : ‘’Amath Dansokho est un monument au Sénégal. Ce jour où il descendait du taxi pour manifester auprès du peuple, pourquoi personne n’a pensé de lui demander de se reposer ?’’ 
 
Mais là, c’était avant ce rendez-vous avec le ciel. De là-haut, il doit aujourd’hui contempler le spectacle qui se passe dans notre sous-région avec désolation et amertume. 
 
 CHEIKH OUMAR CISSÉ

 

Section: 
DÉTENTION ET MISE EN CIRCULATION DE FAUX BILLETS DE BANQUE : Quand un change de 2 000 euros brise une amitié et mène à la prison
KAOLACK - DÉSENGORGEMENT DE LA VOIE PUBLIQUE : Les occupants de l’avenue John Fitzgerald Kennedy déguerpis
LANCEMENT NEW DEAL TECHNOLOGIQUE : Le Gouvernement décline sa nouvelle feuille de route
GAMOU DE GASSANE : Les difficultés de la commune partagées
And Gueusseum
Lutte contre l'insécurité Dakar
CHAVIREMENTS RÉCURRENTS DE PIROGUES DE MIGRANTS : Boubacar Sèye accuse la Tunisie et l’Europe
MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET DE L'ACTION SOCIALE : Un audit du personnel révèle des irrégularités
PORTRAIT DE MONSEIGNEUR ANDRÉ GUÈYE, NOUVEL ARCHEVÊQUE DE DAKAR : Un clerc au service du dialogue interreligieux  
LUTTE CONTRE LA MORTALITÉ MATERNELLE ET NÉONATALE : RÉDUCTION DES DÉCÈS ÉVITABLES : Investir dans la santé des jeunes, selon la présidente de l’ANSFES
PORTRAIT DE BABACAR FAYE, DG DU SIRN : Un expert des études topographiques et géodésiques
KAOLACK -  JOURNÉE NATIONALE DE L’ÉLEVAGE : Les promesses de Diomaye Faye aux éleveurs
CODE PASTORAL, POTENTIEL GÉNÉTIQUE DU CHEPTEL, VOL DE BÉTAIL… : Ce que les éleveurs attendent de Bassirou Diomaye Faye
Vigile trafiquant
Maire de Rufisque
Complexe Mouride
SAES
LUTTE CONTRE LA CRIMINALITÉ FINANCIÈRE ET LA CORRUPTION EN AFRIQUE La Bad et Interpol conjuguent leurs forces
DÉBATS D’IDÉES ET RENCONTRES - “SYMBIL ET LE DÉCRET ROYAL” : Fatimé Raymonde Habré lève le voile sur la traite arabe
ACCUSÉS DE LIENS AVEC UN GROUPE TERRORISTE : Deux commerçants sénégalais acquittés