Publié le 29 Aug 2020 - 21:09
KANEL 

Le pont bricolé emporté par les eaux

 

Le pont situé à Diamouguel, dans la commune d’Aouré, n’a pas résisté à la force des eaux de ruissellement issues des pluies enregistrées ce mercredi. Il a cédé, coupant ainsi en deux la route nationale, dans le département de Kanel. Les populations pointent l’entreprise togolaise en charge des travaux, les corps de contrôle et l’Etat qui a choisi une ‘’entreprise douteuse’’.

 

Les saisons de pluies passent et se ressemblent dans le département de Kanel. L’année dernière, à pareille époque, la déviation à hauteur du pont de Sinthiou Garba avait été engloutie par les eaux, obligeant les travailleurs de la société chinoise à user de grues pour transporter de part et d’autre les passagers. Cette année, la route nationale est encore coupée en deux, dans le même département, mais cette fois dans la commune d’Aouré.

Le pont du tronçon, dont les travaux de réhabilitation avaient été confiés à une société togolaise, s’est affaissé dans la nuit du mercredi au jeudi matin. Les voyageurs en provenance de Bakel et ceux en partance vers Tambacounda ont été bloqués durant de longues heures à Diamouguel.

Les images du pont complètement désintégré par les eaux sont terrifiantes. Elles laissent penser que cet effondrement aurait pu coûter la vie à plusieurs personnes et causer beaucoup de dégâts matériels. Heureusement que les désagréments se sont limités à une impraticabilité de la route. Les autorités, alertées, ont fait appel aux engins de la société chinoise pour colmater une piste de déviation, afin de permettre aux véhicules de circuler. La piste de fortune, faite pour résoudre un problème ponctuel, sera détruite sans difficulté par la prochaine pluie, prédit un jeune homme du village de Diamouguel. ‘’Cette piste était la seule solution pour permettre à la longue file de voitures de continuer le voyage. Mais je peux vous dire qu’à la prochaine pluie, le même problème va se poser, car cette piste de déviation ne pourra pas résister aux ruissellements des eaux. Vous avez vu la dimension du ravin ? C’est beaucoup d’eau en provenance du Diery qui passe par ici. Les autorités doivent rappeler les ingénieurs de la société qui ont construit cette route, pour qu’ils la reprennent. Parce que cette piste en latérite n’existera plus après la prochaine pluie’’, prédit cet habitant de Diamouguel.

La qualité de l’ouvrage pointé du doigt

La destruction de ce pont par les eaux suscite moult interrogations auprès des populations. Les stigmates sur l’ouvrage sont d’autant plus spectaculaires que les travaux ont été terminés, il y a à peine une année. L’entreprise togolaise en charge des travaux est pointée du doigt pour la qualité de ses prestations.

Employé comme manœuvre par l’entreprise en cause, Thiamou confie : ‘’Je redoutais cette situation depuis longtemps. Sans vraiment être un expert dans le domaine, je savais tout de même que les choses se faisaient dans la précipitation. On ne prenait pas le temps le nécessaire pour laisser le ciment se durcir, lors des coffrages.’’

En fait, selon une voix autorisée qui a préféré s’exprimer sous le couvert de l’anonymat, le pont détruit par les eaux pluviales n’a pas été refait par l’entreprise. ‘’En réalité, l’entreprise togolaise a trouvé le pont existant. Les ingénieurs n’ont pas jugé utile de le refaire. Ils ont préféré poser la couche de goudron dessus. C’est une faute grave, car l’entreprise a été payée pour réhabiliter la route nationale sur tout le tronçon. Ils auraient dû détruire tous les ponts existants pour les reprendre avec leur expertise. C’est dommage qu’en moins d’une année, les ouvrages soient détruits. Cela montre que les choses ne sont pas faites avec tout le sérieux requis.’’

Il remet en question la qualité des autres ouvrages. ‘’Qu’est-ce qui nous garantit que les autres ponts vont résister aux assauts des ruissellements ? Nous n’avons aucune garantie. Aujourd’hui, nous sommes en danger, car nous roulons sur ces ponts, en sachant qu’ils peuvent céder à tout moment. Et vous savez parfaitement que cette route est jalonnée de points de passage des eaux de pluie. Alors, le danger est présent à chaque pont. L’idéal serait de demander à l’entreprise de reprendre tous les ponts, mais nous savons tous que nous sommes au Sénégal. Et nous savons comment ça marche. On manque de rigueur, même sur des questions aussi vitales’’.

Les populations, visiblement mécontentes, commencent à s’organiser à travers les réseaux sociaux pour fustiger ce qu’elles considèrent comme ‘’un manque de respect notoire de la part de Macky Sall’’. ‘’Toutes ces situations montrent que le président de la République ne respecte pas le Fouta. S’il nous respectait, les choses ne se passeraient pas ainsi. Sinon, comment expliquer des ponts détruits après moins d’une année de leur réhabilitation ? C’est parce que c’est le Fouta que des entreprises douteuses sont choisies pour réaliser des travaux. Nous méritons des ouvrages de qualité comme ceux qui sont faits dans les autres régions. Cette injustice doit cesser’’, lance Moussa Camara.

Si les populations s’en prennent déjà à l’entreprise togolaise, certaines, plus avisées, trouvent que la grande responsabilité de ces dégâts incombe aux services des missions de contrôle. Abdoulaye, professeur d’histoire et de géographie, est formel.

‘’Avant de critiquer l’entreprise, il faut penser à ceux qui contrôlaient les travaux. Il faut savoir que lorsque l’Etat attribue un marché, il désigne un organe de contrôle qui a pour mission de superviser les travaux, de vérifier la conformité des travaux avec le cahier des charges. Alors, j’estime que les véritables fautifs de cette situation, ce sont les corps de contrôle. Ils sont grassement payés pour, en fin de compte, faillir à leur mission. Ce pont qui a cédé est peut-être un mal pour un bien. Je pense qu’il permettra à tout le monde de savoir que les travaux qui sont réalisés dans les régions périphériques sont le plus souvent bâclés. Regardez bien le nombre d’infrastructures réalisées récemment et qui sont déjà en état de délabrement. La vérité est que personne ne contrôle les travaux’’, conclut-il avec un brin de dépit.

Le pont de Diamouguel emporté par les eaux n’est, en réalité, que la partie visible de l’iceberg, car non loin de la route nationale, les populations du Dandé Mayoo sont quasiment coupées du monde. La seule piste qui les relie au reste de la région est entrecoupée par les eaux de pluie. Les jours à venir risquent d’être particulièrement électriques et la pluviométrie abondante est loin d’arranger la situation.

Djibril Ba

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