En Afrique de l’Ouest, le rendement moyen diminuerait de 13 %
Le scénario de changement climatique le plus pessimiste entrainera, en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, une baisse de 13 % du rendement moyen des produits agricoles. C’est ce qui ressort du rapport sur le climat en Afrique rendu public hier par la Commission économique pour l’Afrique, en partenariat avec l’Union africaine et l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Les changements climatiques n’ont pas seulement des conséquences sur l’atmosphère, ils touchent aussi la sécurité alimentaire. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), depuis 2012, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 45,6 % dans les pays d’Afrique subsaharienne exposés à la sécheresse. ‘’L’agriculture est l’épine dorsale de l’économie africaine. Elle englobe la plupart des moyens de subsistance du continent.
Le continent est donc très exposé et vulnérable aux impacts de la variabilité du climat et du changement climatique. Les projections du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) suggèrent que le réchauffement aura des effets dévastateurs sur la production agricole et la sécurité alimentaire. Parmi les principaux risques pour l’agriculture, figurent la baisse de rendement des cultures due au stress thermique et hydrique et l’augmentation des dégâts causés par les ravageurs, les maladies et les inondations sur l’infrastructure des systèmes alimentaires’’, informe le rapport sur le climat en Afrique rendu public hier par la Commission économique pour l’Afrique, en partenariat avec l’Union africaine et l’Organisation météorologique mondiale (OMM).
Une telle situation compromettrait ‘’gravement’’, d’après la même source, la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance des ménages, des régions et des nations. D’ici le milieu du siècle, le rapport montre que les principales cultures céréalières d’Afrique seront touchées, avec toutefois des différences en fonction des régions et les cultures.
‘’Selon le scénario de changement climatique le plus pessimiste, le rendement moyen diminuerait de 13 % en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale, de 11 % en Afrique du Nord et de 8 % en Afrique de l’Est et en Afrique australe. Le millet et le sorgho sont les cultures les plus prometteuses, avec une perte de rendement d’ici 2050 limitée à 5 % et 8 %, respectivement, en raison de leur plus grande résistance au stress thermique, tandis que le riz et le blé devraient être les cultures les plus malmenées, avec une perte de rendement d’ici 2050 estimée à 12 % et 21 %, respectivement’’, précise le document.
Au-delà de l’agriculture, l’économie des pays africains sera aussi impactée par le phénomène. Et selon le Fonds monétaire international (FMI), les conséquences négatives du changement climatique sont surtout ressenties dans les régions à climat relativement chaud. Dont font partie un nombre excessivement élevé de pays à faible revenu. Le rapporte informe que le Centre africain pour la politique en matière de climat estime qu’une augmentation de la température mondiale entraînerait une ‘’baisse considérable’’ du produit intérieur brut (PIB) des cinq sous-régions africaines. Pour des scénarios allant d’une augmentation de 1° C à 4° C des températures mondiales par rapport aux niveaux préindustriels, le PIB global du continent diminuerait de 2,25 % à 12,12 %. L’Afrique de l’Ouest, l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Est seraient, selon notre source, ‘’davantage pénalisées’’ que l’Afrique australe et l’Afrique du Nord.
D’ailleurs, le secrétaire général de l’OMM a relevé, lors du lancement virtuel de ce rapport, que le changement climatique a un ‘’impact croissant’’ sur le continent africain. ‘’Il frappe plus durement les plus vulnérables et accroît l’insécurité alimentaire, les déplacements de populations et les pressions exercées sur les ressources en eau. Ces derniers mois, nous avons assisté à des inondations dévastatrices et à une invasion de criquets pèlerins. À présent, la perspective inquiétante d’une sécheresse causée par un épisode La Niña se dessine. La pandémie de Covid-19 a aggravé le bilan humain et économique’’, souligne Petteri Taalas.
Pour sa part, la commissaire à l’économie rurale et à l’agriculture de la Commission de l’Union africaine a indiqué que les données scientifiques sur le climat représentent un pilier du renforcement de la résilience, ‘’une pierre angulaire’’ de l’adaptation au changement climatique. Ainsi qu’un ‘’terreau fertile’’ pour les moyens d’existence et de développement durables.
‘’Le rapport sur l’état du climat en Afrique a donc un rôle essentiel à jouer à cet égard, notamment pour étayer les mesures que nous prenons afin d’atteindre les objectifs de l’Agenda 2063 pour l’Afrique’’, a expliqué Josefa Leonel Correia Sacko.
‘’Les données fiables et opportunes sur le climat sont rares’’
L’une des raisons pour lesquelles les services d’information sur le climat sont ‘’peu utilisés’’ pour planifier et mener des activités de développement en Afrique est, d’après, la secrétaire exécutive de la CEA, que les données ‘’fiables et opportunes’’ sur le climat sont ‘’rares’’.
Ainsi, Vera Songwe estime que ce rapport, qui se concentre sur l’Afrique, contribuera largement à combler cette lacune. ‘’La Commission économique pour l’Afrique a pris part à sa rédaction, par l’intermédiaire du Centre africain pour la politique en matière de climat, afin de mettre en évidence le lien qui existe entre le changement climatique et le développement, et de souligner que pour mieux rebondir après la pandémie de Covid-19, il faut envisager un développement vert, durable et résistant au changement climatique, fondé sur les meilleures données scientifiques disponibles. La participation de multiples institutions et organismes à l’établissement de ce rapport renforce nos principes et méthodes de travail collaboratifs’’, dit-elle.
Il convient de relever que la dégradation et l’érosion des côtes constituent également un problème majeur, en particulier en Afrique de l’Ouest. ‘’Environ 56 % des côtes du Bénin, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Togo sont en train de s’éroder et cette situation devrait s’aggraver. L’élévation du niveau de la mer n’est actuellement pas le facteur dominant des changements environnementaux, mais elle devrait se combiner par la suite à d’autres facteurs pour en exacerber les conséquences négatives’’, lit-on dans le rapport.
Le document révèle également que la hausse des températures de même que la modification des régimes de précipitations ont également un impact significatif sur la santé des populations africaines. ‘’L’augmentation des températures et des précipitations rend l’habitat plus favorable aux insectes piqueurs et à la transmission de maladies à vecteur comme la dengue, le paludisme et la fièvre jaune. Par ailleurs, des maladies apparaissent dans des régions où elles n’étaient pas présentes. En 2017, on estime que 93 % des décès dus au paludisme dans le monde sont survenus en Afrique. Les épidémies de paludisme se déclenchent souvent après des périodes de précipitations exceptionnellement fortes. En outre, le réchauffement des hauts plateaux d’Afrique de l’Est permet aux moustiques porteurs du paludisme de survivre à des altitudes plus élevées’’, rapporte notre source.
MARIAMA DIEME