Quatre avertissements servis à des médias
Les premières décisions rendues par le Tribunal des pairs du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie des médias (Cored) sont connues. Elles portent sur six affaires.
Installé le 23 septembre dernier, le nouveau bureau du Tribunal des pairs du Conseil pour l’observation des règles d’éthique et de déontologie des médias (Cored) a déjà bouclé ses premiers dossiers. Il a instruit six affaires. Il s’agit de deux auto-saisines et de quatre plaintes.
Pour ce qui est de la première auto-saisine, il concerne le site ‘’Actu221.net’’ pour un article intitulé ‘’Un député appelle les Peuls à prendre des machettes pour défendre la candidature de Macky Sall’’. Le site relate dans l’article ces propos : ‘’Le député Aliou Dembourou Sow valide la troisième candidature de Macky Sall et demande aux Peuls qui n’avaient pas peur de mourir, contrairement aux autres ethnies, à prendre des machettes, au cas où d’autres soutiennent le contraire.’’ Pour le Cored, la sortie du député et président des éleveurs du Sénégal est d’’’une gravité extrême, dans la mesure où elle constitue une incitation à la révolte que rien ne peut expliquer’’.
Ainsi, le Tribunal des pairs du Cored a servi à ‘’Actu221.net’’ un avertissement, en soulignant qu’il ‘’réprouve cette démarche qui, au nom de la recherche du sensationnel et du scoop, sape la cohésion nationale’’.
En effet, en conférence de presse hier à la Maison de la presse, le chargé de communication du Cored, Samba Dialimpa Badji, a soutenu que ‘’le devoir d’informer va de pair avec la responsabilité qui exige que le journaliste fasse droit à une parole contradictoire’’.
La deuxième auto-saisine est contre Madiambal Diagne pour sa chronique ‘’Les lundis de Madiambal’’, sous le titre : ‘’Téliko, juge ou opposant politique’’ publié dans le journal ‘’Le Quotidien’’. Madiambal Diagne a écrit ceci : ‘’Des magistrats s’interrogent également sur l’avenir citoyen de Souleymane Téliko. Il a pris le soin de s’occuper de sa nationalité guinéenne que lui confèrent ses parents. Pour quel projet ? Peut-on avoir une double loyauté ? En tout cas, la magistrature sénégalaise a connu des cas de citoyens guinéens ayant exercé de hautes responsabilités judiciaires au Sénégal et qui ont fini par retourner, non sans certain fracas, en Guinée, pour y occuper de hautes fonctions.’’ A cet effet, le tribunal des pairs dit avoir constaté la référence à la nationalité guinéenne du magistrat Souleymane Téliko.
‘’Madiambal Diagne questionne sur son projet et sème le doute sur sa loyauté. L’éthique et la déontologie ne sauraient s’accommoder de la suspicion jetée sur une personne et de sa stigmatisation’’, a déclaré Samba Dialimpa Badji. Qui a rappelé que l’article 18 du Code de la presse stipule que ‘’le journaliste et le technicien des médias doivent respecter la dignité humaine, éviter toute allusion par texte, image et son à l’appartenance ethnique ou nationale d’une personne, à sa religion, à son sexe, à son orientation sexuelle. En conséquence, le Tribunal des pairs du Cored sert un avertissement à Madiambal Diagne.
Des plaintes
Au-delà des auto-saisines, le Tribunal des pairs du Cored a reçu des plaintes. La première est celle du sieur Abdoulaye Cissé contre le journal ‘’Le Quotidien’’ pour un article intitulé ‘’Téliko en route pour le Conseil de discipline’’. Le plaignant indique que l’article a heurté sa conscience et ajoute que l’auteur de l’article, Mouhamed Guèye, ‘’salit impunément des citoyens en prenant le risque ou le parti de s’immiscer dans un conflit qui n’est pas celui de la presse’’.
Mais le tribunal a jugé sa plainte irrecevable. En effet, il a conclu que le plaignant n’a pas qualité pour porter plainte. ‘’Seules les personnes concernées (personnes physiques, morales) sont habilitées à porter une affaire devant le tribunal, selon les textes du Cored (article 16 du règlement intérieur)’’, a indiqué le chargé de communication, estimant que M. Cissé ne remplit pas ces conditions.
Une autre affaire examinée par le Tribunal des pairs du Cored est une plainte de Birahim Dieng contre le quotidien ‘’L’As’’. Le plaignant, qui a saisi le Cored en qualité de secrétaire général de la section Sutsas de l’ENDSS, ENTSS et des écoles de santé, estime que l’article intitulé ‘’Rébellion au Sutsas : la section Fann, Albert Royer, ENDSS et ENTSS désavoue Mballo Dia Thiam’’, paru le mercredi 16 septembre 2020 dans les pages du journal, ‘’est basé sur des contrevérités’’. Il affirme avoir adressé un droit de réponse qui n’a jamais été publié.
A la suite de la plainte, le Cored a saisi le directeur de publication de ‘’l’As’’. ‘’Dans sa réponse, ce dernier reconnait avoir reçu un communiqué de messieurs Meissa Diouf et Cheikh Yankoba Diedhiou, se présentant comme responsables du Sutsas à l’ENDSS. ‘L’As’ soutient avoir vérifié l’authenticité du communiqué en appelant sur le numéro de téléphone fourni par M. Diouf. Après la publication de l’article, monsieur Birahim Dieng s’est présenté à son tour comme secrétaire général de la section Sutsas de l’ENDSS, ENTSS et des écoles de santé pour user de son droit de réponse et faire des précisions de taille contre les contrevérités contenues dans l’article’’, a détaillé le Tribunal des pairs du Cored.
Poursuivant ses explications, il soutient que ‘’’l’As’ reconnait n’avoir pas publié ce droit de réponse, pour éviter de s’immiscer dans un conflit syndical’’. C’est ainsi que le journal a proposé, à la place, une interview avec la photo du plaignant pour qu’il apporte des précisions sur tout cela. C’est un avertissement que le Tribunal des pairs du Cored a prononcé à l’endroit du quotidien ‘’l’As’’.
En effet, le Tribunal des pairs du Cored a tenu à préciser au rédacteur de l’article en question et au responsable du quotidien ‘’qu’il est de leur devoir et de leur ressort de vérifier les informations de leur interlocuteur. Par ailleurs, le Cored rappelle à ‘l’As’ que le droit de réponse est un droit sacré (article 87 du Code de la presse) et qu’il ne peut lui être substitué par une interview’’.
Pour ce qui est de la plainte du même plaignant Birahim Dieng contre le site d’informations ‘’Dakaractu’’ pour les mêmes griefs que ceux contre ‘’l’As’’, ‘’à la suite de la plainte, le Cored a saisi le coordinateur de la rédaction de ’Dakaractu’. Dans sa réponse, ce dernier reconnait une omission de sa part, alors que le droit de réponse était validé par les responsables de ce site. Il en assume l’entière responsabilité’’, a relaté Samba Dialimpa Badji.
‘’Le tribunal des pairs reconnait l’honnêteté de M. Mine (Youssoupha), mais rappelle à ‘Dakaractu’ et sa direction de rester vigilants sur le principe de publication du droit de réponse’’, a-t-il ajouté. Ainsi, pour ce cas également, le tribunal des pairs a prononcé un avertissement à l’endroit de ‘’Dakaractu’’.
La dernière affaire concerne la plainte de Sidy Lo contre le quotidien ‘’L’Observateur’’. Le plaignant a saisi le Cored en qualité de gérant d’un cabinet d’expert fiscal et foncier. Il accuse le journal de ‘’l’avoir diffamé’’ dans un article intitulé ‘’Contentieux foncier : l’Etat au cœur d’un jeu et micmac à 31 milliards de F CFA’’, sous la plume d’Abdoulaye Diedhiou. Selon le Cored, ‘’L’Observateur’’ a souligné avoir décidé de ne pas publier le droit de réponse, considérant que les faits allégués n’ont rien à voir avec le contenu de l’article’’.
Dans sa décision rendue, le tribunal des pairs a reconnu que ‘’’L’Observateur’ est fondé de ne pas publier le droit de réponse, du fait de sa non-conformité. En effet, il rappelle que le droit de réponse répond à des spécificités données, en termes de longueur’’.
Par ailleurs, le Cored précise que les parties peuvent faire appel de toutes ces décisions, puisque le tribunal des pairs a une procédure de saisine en deuxième instance. Il a aussi annoncé qu’il a une auto-saisine concernant le groupe D-média. Ce dossier étant en instruction, la décision sera rendue prochainement, selon le Cored.
BABACAR SY SEYE