La vérité sur un report qui sème la confusion
Inquiets et désappointés, ils sont nombreux les usagers à s’étonner du report de leur rendez-vous, alors qu’ils étaient convoqués en ce mois de mai pour prendre leur deuxième dose d’astrazenneca. Selon le ministère, cela procède d’une ‘’erreur’’ sur les convocations, mais le délai normal d’attente est de trois mois et non deux.
‘’Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, votre rendez-vous du 21 mai 2021 pour la prise de votre deuxième dose de vaccin contre le Covid-19 est reporté au 21 juin 2021. Nous nous excusons pour ce léger contretemps’’. Ce message du district sanitaire Dakar ouest a semé inquiétude et incompréhension chez bien des candidats au vaccin d’Astrazenneca, qui ont pris leur première dose, depuis le mois de mars. Ce candidat à la deuxième dose précise : ‘’J’ai eu ma première dose le 16 mars. On m’avait convoqué le 21 mai. Là, j’ai reçu un nouveau message qui me dit que je dois finalement attendre jusqu’au 21 juin. Cela fait trois mois et aucun motif ne nous a été communiqué’’.
Interpellé sur la question, le médecin-chef du district, Abdou Karim Diop, apporte quelques éclairages : ‘’En fait, c’était une seule équipe. Au lieu des trois mois requis, l’équipe a donné deux mois. C’est juste ça. Nous avons d’ailleurs appelé les populations concernées pour leur demander d’attendre trois mois au lieu de deux. C’est juste ça. Il n’y a aucun souci à se faire. Et je précise que c’est une seule équipe’’.
Dans la même veine, le directeur de la Prévention et porte-parole du ministère de la Santé et de l’Action sociale, Dr El Hadj Mamadou Ndiaye a tenté de rassurer les usagers. Selon lui, il s’agit juste d’une erreur qui a été corrigée. Il explique : ‘’Effectivement, j’ai eu écho que sur certains centres de vaccination, le vaccinateur s’est trompé sur la date de rendez-vous. Ce qu’il faut savoir, c’est que pour le vaccin Astrazenneca dont il s’agit, on a commencé à vacciner, dans la première semaine du mois de mars. Donc, les gens ne devaient pas être convoqués avant début juin. Le délai d’attente est en effet de trois mois, soit 12 semaines’’.
Selon le porte-parole du MSAS, dès que le département a été informé de la convocation de certains, au bout de deux mois d’intervalle, des dispositions ont été prises pour rectifier le tir. ‘’J’ai été informé, souligne-t-il, que dans certains districts, on s’est trompé sur la date de rendez-vous. On a instruit à ces districts d’envoyer des SMS pour donner la bonne date aux personnes concernées. La bonne date, c’est à partir du mois de juin pour la première cohorte. C’est en ce moment que les gens devraient envisager les deuxièmes doses pour Dakar qui a été le premier district à commencer’’.
Impact sur l’efficacité du système immunitaire
Cela dit, il se pose la question de savoir s’il y a des gens qui ont déjà réussi à prendre leur deuxième dose d’Astrazenneca, sans attendre le délai de 12 semaines. ‘’En principe’’, la réponse est ‘’non’’, rétorque le Directeur de la Prévention. Avant de préciser : ‘’A ce jour, si cela a été le cas pour certains, c’est par erreur, parce que ce n’est pas conforme à notre protocole. Contrairement au Sinopharm dont l’intervalle est de trois semaines, pour Astrazenneca, le délai est de trois mois’’.
Mais selon certaines sources, il existe effectivement des candidats qui ont réussi à passer entre les mailles. Sous le prétexte de devoir voyager pour une longue durée, ils ont réussi à prendre leurs deuxièmes doses. ‘’Mais c’est une infime partie’’, soutient un interlocuteur. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les conséquences ne sont pas du tout graves. En effet, dans la plupart des pays, le délai retenu entre les deux injections varie entre deux et trois mois.
Chez les usagers, les questions sont multiples. Mais l’une des plus fréquentes, c’est quel est l’impact de ce report sur l’efficacité du système immunitaire ? Selon Dr Mamadou Ndiaye, il n’y a pas de soucis à se faire à ce niveau. Bien au contraire ! En fait, renseigne-t-il, il y a un délai-plancher, mais pas de plafond. ‘’Quand on dit trois semaines, il ne faut pas prendre avant les trois mois. Mais après les trois mois, il n’y a pas de restrictions particulières’’.
La question des délais d’espacement entre deux doses
En outre, il faut souligner qu’il a fallu tout un processus et un concours de circonstances pour en arriver à ce délai maximum de trois mois pour les vaccins à ARN. Avant, le délai avancé pour la plupart de ces vaccins était de 28 jours (Moderna et Pfizer), 8 semaines pour Astrazenneca dans certains pays. Mais face aux tensions sur le marché et à l’accumulation des cas dans les hôpitaux, il s’est posé la question de savoir s’il fallait maintenir les délais initiaux ou les allonger de deux mois à trois mois, selon les cas ? La Grande Bretagne, co-fabricant du vaccin Astrazenneca, a été le premier pays à opter pour un espacement de trois mois, en ce qui concerne le vaccin Astrazeneca.
Selon une étude menée par l’Université de Birmingham en collaboration avec Public Health England, les anticorps contre la covid-19 sont trois fois et demi plus élevés chez les personnes ayant reçu leur deuxième dose, après 12 semaines. ‘’Les scientifiques ont analysé des échantillons sanguins de 175 personnes âgées de plus de 80 ans, après leur premier vaccin et de nouveau deux à trois semaines après le rappel. Parmi les participants, 99 ont eu la seconde dose après trois semaines, tandis que 73 ont attendu 12 semaines. Tous avaient alors des anticorps contre la protéine de pointe du virus, mais le taux était 3,5 fois plus élevé dans le groupe de 12 semaines’’, informe LCI qui reprend The Gardian.
Ces études ont été faites sur Pfizer et confirment d’autres qui ont été faites en Ecosse sur les vaccins à ARN messager. En France, dans un avis du 1er mars, la Haute autorité de santé a porté l’intervalle entre les deux doses à 12 semaines comme en Grande Bretagne pour le vaccin Astrazeneca ; de 28 jours à 42 jours pour Pfizer et Moderna, dans l’optique de booster la stratégie vaccinale.
Aussi, ces évolutions s’expliquent par la publication de plusieurs études qui, d’une part, confirment une immunité protectrice assez robuste, dès la première dose ; d’autre part, une plus grande efficacité pour une administration de la deuxième dose à un délai plus éloigné pour les vaccins à ARN). Pour le vaccin Sinofarm qui est également utilisé au Sénégal, les délais restent inchangés, c’est-à-dire trois semaines.
‘’Pour Astrazneca, quatre semaines, c’est le délai conseillé par le laboratoire, mais…’’
Revenant sur le mécanisme d’immunisation par le vaccin, Dr Idrissa Talla explique : ‘’En matière d’immunologie, quand le premier contact est fait, l’organisme commence à secréter des anticorps, mais qui ne sont pas à un taux suffisant pour protéger. La deuxième dose va donc booster ces anticorps qui vont arriver à un niveau protecteur. Pour chaque type de vaccin, il y a des délais qu’il faut respecter’’. Pour Astrazenneca, tient-il à préciser, quatre semaines, c’est l’idéal, ce qui est conseillé par le fabriquant.
Maintenant, des études ont montré qu’on peut aller jusqu’à 12 semaines. ‘’Il n’y a pas de soucis à se faire à ce niveau. C’est comme si on leur avait injecté leur deuxième dose dans l’intervalle retenue. Ils vont arriver à un niveau protecteur. Il n’y a pas d’inquiétude à se faire’’, rassure l’épidémiologiste.
Mais, avec les tensions sur le marché, l’on se demande si le délai de trois mois pourra être respecté pour la première cohorte de candidats ? Interpellé, le directeur de la Prévention réagit : ‘’On devait recevoir des doses, dans le courant de ce mois de mai. Mais à cause de la tension due à la situation en Inde, il y a eu des reports. Mais normalement, on doit en recevoir dans le courant du mois de juin ou fin juin’’. En ce qui concerne la mobilisation des Sénégalais, le bilan est plutôt satisfaisant. Dr Mamadou Ndiaye : ‘’Les gens viennent effectivement. La preuve, nous sommes autour de 430.000 Sénégalais vaccinés, pour un total de doses disponibles qui tourne autour de 530 000 doses. Pour Sinopharm, c’est 200000 doses. Le reste c’est Astrazenneca’’.
MOR AMAR