Les temps sont durs. Les femmes du monde rural de la région de Matam l’ont constaté à leurs dépens. Elles travaillent nuit et jour pour subvenir aux besoins de leur famille. La pauvreté ayant nettement gagné du terrain dans cette partie du Sénégal, à cause des conséquences désastreuses de la Covid-19. Les hommes ont démissionné, laissant les femmes assurer la pitance.
Au Fouta, ce sont les femmes qui sont aux commandes, dans la gestion des charges familiales. Les hommes restent accrochés aux travaux champêtres, la culture du mil et du niébé principalement. Des revenus aléatoires et qui ne permettent pas de subvenir aux besoins de la famille. Le reste constitue le cadet de leurs soucis.
C’est ce qu’a sans doute compris Fama Camara, qui tient son étal depuis plusieurs années maintenant, pour approvisionner les femmes de son quartier en légumes et subvenir avec les revenus de cette vente aux besoins de son foyer. Elle se bat au quotidien avec ses maigres moyens pour tenir son commerce.
Cette habitante de Thilogne, localité située à 50 km au nord de Ourossogui, région de Matam, parcourt chaque jour une bonne vingtaine de kilomètres pour trouver des légumes frais. Debout avant le lever du soleil, elle prend la direction de Galoya, village situé à une vingtaine de kilomètres de Thilogne. C’est là-bas que cette femme dévouée à son époux polygame se dirige pour s’approvisionner en légumes.
‘’C’est très dur de faire ce trajet, d’autant plus que les voitures mettent un temps fou pour arriver à Galoya. Parfois, je reste plus d’une heure à attendre un véhicule. Une fois que j'arrive, je dois aussi marchander pour avoir les produits à bon prix. En même temps, je dois me dépêcher, car mes clients m’attendent à Thilogne aussi. C'est extrêmement compliqué, mais je m’en sors tout de même’’.
Malgré cette kyrielle d’obstacles, Fama Camara n’abdique pas. Son étal est toujours achalandé, au grand bonheur de ses clientes qui y trouvent leur compte.
Elles sont nombreuses à préférer son étal aux ‘’tables’’ du marché. Chez Fama, les prix sont loin d’être exorbitants et, en plus, il y a toujours possibilité de prendre à crédit. ‘’Je connais la situation des ménages et je comprends les difficultés auxquelles les femmes font face. Nous vivons ensemble et je les connais bien. Alors je n’hésite pas à leur faire du crédit, même si ça plombe mes revenus’’, confie la bonne dame.
Ce petit commerce, bien que fastidieux, rapporte tout de même des revenus non-négligeables. Mais la dame réinvestit la totalité de ses gains pour subvenir aux besoins de sa famille. ‘’J’ai des enfants qui sont majoritairement des élèves. C’est moi qui assure tous leurs frais de scolarité, sans compter leurs habits et autres. Parfois, je ne parviens pas à faire face aux nombreuses charges quotidiennes. Je suis dans l’indigence, mais je n’ai jamais bénéficié de la Bourse de sécurité familiale. Mais ‘alhamdoulilah’’, confesse Fama.
Fama Camara, à l’image de la plupart des femmes en milieu rural, ne ménage pas ses énergies pour tenir la dragée haute à une pauvreté qui gagne clairement du terrain dans les zones non-urbaines. Elles sont partout et s’adonnent à toute sorte de commerce. Certaines quittent très tôt la maison, laissant à leurs filles la charge de la préparation du repas de midi. Pour les autres qui n’ont pas de progéniture pour les seconder, il faut cuisiner d’abord. Maimouna Ndiaye est mariée depuis cinq ans et mère de trois enfants. Elle ne peut malheureusement pas déléguer la cuisine à sa petite fille.
‘’Chaque jour, je vends des beignets, de l’acara et du café-Touba. Je ne vends que l’après-midi, car le matin je dois balayer la maison, laver les bols, faire prendre le bain à mes enfants, avant d’aller au marché. Et quand je reviens, je m’attaque à la préparation du repas. Je sers à 14 h et aussitôt, j’enchaine avec la malaxation de la farine de niébé. C’est très épuisant, mais au plus tard 17 h, je suis déjà installée. Je fais la même chose tous les jours’’, fait-elle savoir. Des efforts colossaux qui ne rapporteraient en tout et pour tout pas plus de 1 200 F CFA de bénéfice. ‘’Avec tout l’effort que je fournis, je gagne juste un peu moins de 1500 F CFA, après avoir mis de côté mes dépenses. C’est peut-être dérisoire, mais c’est avec cet argent que j’achète les couches pour mes enfants et règles mes petites dépenses’’, lâche-t-elle avec une petite gêne.
A thilogne, ville dirigée par Sidy Kawory Dia, 90 % des commerces sont détenus par les femmes. Et malgré cette volonté de travailler, elles n’ont jamais bénéficié de financements. Elles avaient été bercées par des promesses des responsables politiques depuis les premières heures du premier mandat de Macky Sall.
‘’Je n’ai jamais reçu de financements de l’Etat, alors que j’entends régulièrement que des femmes ont été financées, révèle Oumou Sarr, la cinquantaine. Tout ce que j’ai obtenu, c’est grâce à mes initiatives. Je contractais des crédits auprès des structures de microfinance. D’abord, c’était le Pamecas, ensuite le CMS. Malgré les taux d’intérêt assez corsés, je parvenais toujours à rembourser. C’est dommage qu’on finance des femmes en mettant de côté celles qui sont en activité.
Le plus souvent, celles à qui on donne les financements, ce sont des femmes qui font de la politique et qui n’ont jamais exercé une activité génératrice de revenus. Voilà pourquoi l’argent n’est jamais remboursé’’, martèle-t-elle avant de dénoncer une arnaque dont elle serait victime. ‘’On nous avait annoncé en grande pompe des financements pour toutes les femmes. Mais on nous avait demandé de confectionner des projets pour pouvoir bénéficier des fonds. Nous avons toutes payé 15 000 F à un monsieur qui logeait à Dabia. Cela fait aujourd’hui plus de trois ans. Nous n’avons reçu ni financement ni le remboursement de nos 15 000 F.’’
DJIBRIL BA