Comme un cheveu dans la soupe déjà très amère
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Déjà absorbé par la gestion de la crise sanitaire, le ministère de la Santé et de l’Action sociale va devoir, désormais, en découdre sur le front judiciaire, après sa plainte contre le docteur Babacar Niang, Médecin-Chef de Suma Assistance. Si son recours devant la justice est jugé légitime, ils sont nombreux à penser que le ministère devrait plutôt se concentrer sur la gestion de la crise et apporter des réponses aux questions posées par les Sénégalais, relativement à la gestion de la 3e vague.
C’est une véritable tempête qui risque de ne pas laisser indemne le secteur de la santé, déjà très éprouvé par le coronavirus. Où sont donc passés les lits achetés par l’Etat du Sénégal, dans le cadre des vagues précédentes de coronavirus ? Cette question soulevée, dans un premier temps, par le journaliste Madiambal Diagne, commence à pourchasser le ministre de la Santé et de l’Action sociale comme un véritable boulet.
A la suite du patron du groupe Avenir Communication, le médecin-chef de Suma Assistance, Docteur Babacar Niang, est venu infliger un vilain coup à Abdoulaye Diouf Sarr dont la gestion a, pourtant, été salué par beaucoup de Sénégalais. Du moins jusqu’à l’avènement de la 3e vague avec son lot de morts dus à des défaillances dans le système de prise en charge.
Joint par téléphone pour donner sa position sur cette affaire aux allures de scandale, le docteur Yéri Camara, Secrétaire général du Syndicat autonome des médecins du Sénégal (Sames) invite les uns et les autres à plus de raison et de sérénité. L’urgence étant ailleurs, selon ses propos. ‘’C’est une question, dit-il, qui survient à un moment inopportun, un moment où on annonce 29 cas de décès dus au coronavirus ; un nombre important de cas de contamination. L’heure est vraiment à la concentration. Cette question est survenue au mauvais moment et elle nous perturbe’’.
Cela dit, le médecin est aussi d’avis que la lumière doit être faite sur cette brûlante question. Ne serait-ce que pour édifier les Sénégalais et éclairer la lanterne de plusieurs acteurs, dont les personnels de l’ombre en charge des équipements du ministère de la Santé et de l’Action sociale.
Mais d’autres organes de l’Etat plus habilités, comme l’Agence judiciaire, auraient, pu s’en occuper. Docteur Yeri Camara : ‘’En tant que Sames, nous considérons que c’est une déclaration privée. On se garde donc de faire un commentaire dans un sens ou un autre. Maintenant, je pense que le ministère de la Santé devrait surtout se concentrer sur la lutte contre la Covid-19, d’autant plus que le Dr Niang n’est pas le premier à soulever cette question. L’agent judiciaire aurait pu se constituer et gérer cette affaire, et laisser le ministère se concentrer dans la gestion de la crise sanitaire.’’
Par ailleurs, rapporte le SG du Sames, cette affaire mérite d’être clarifiée. Il déclare : ‘’Dans le secteur de la Santé, nous connaissons ceux qui s’occupent de l’équipement. Ce sont de jeunes ingénieurs très dévoués et très importants dans le fonctionnement du système, qui travaillent dans l’ombre. C’est leur rendre justice de lever toutes suspicions éventuelles à leur endroit.’’
En quête de réponses
Au-delà de la plainte contre le docteur Babacar Niang, ils sont nombreux les Sénégalais à attendre des réponses aux questions soulevées. Pourquoi tous les CTE n’ont pas été fonctionnels dès le début de la 3e vague ? Pourquoi le gouvernement n’a pas fait grand-chose pour anticiper sur la vague, malgré les alertes des experts comme le professeur Moussa Seydi, entre autres ?
Sur la 7TV, le Pr. Seydi disait : ‘’Le gouvernement a certes fait des efforts très importants qu’il faut saluer. Mais il faut aussi reconnaitre qu’il y a eu quelques failles. Le principal, c’est le retard. On l’avait noté, lors de la première vague. On l’a aussi noté lors de la troisième. Nous ne savons pas pourquoi, mais il y a eu un retard.’’
Pourtant, huit semaines avant, le chef de la prise en charge des malades de Covid avait alerté.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le retard dans le déclenchement de la prise en charge a eu des impacts colossaux dans le système de prise en charge. Le Pr. Seydi disait : ‘’Je ne sais pas ce qui l’a amené, mais il y a un retard dans la réactivation des CTE. Si vous prenez la semaine entre le 19 et le 25 juillet, on a eu une augmentation du nombre de décès d’au moins 90 % par rapport à la semaine précédente. Durant la même période, le nombre de cas avait augmenté de 44 %.’’
‘’Est-ce que vous l’imputez au retard dans le déclenchement des opérations ?’’, avait relancé la journaliste. Et le professeur de répondre diplomatiquement : ‘’Cela ne peut pas être dû à un seul facteur. C’est beaucoup plus complexe que ça. Mais pour moi, le facteur retard dans la réactivation des CTE y a joué un rôle. C’est évident. Mais ce n’est pas seulement ça. On peut aussi invoquer l’augmentation du nombre de cas. Plus il y a de cas, plus il y a des cas graves et plus il y a de décès. Il y a aussi le profil des malades qui entrent en question. Mais ce qui est important, c’est de savoir que le retard de la réaction du médecin a forcément des impacts. C’est évident. C’est vraiment le manquement majeur. Nous estimons qu’il faut des réactions plus rapides par rapport aux évènements.’’
Le même médecin avait aussi soulevé le déficit en oxygène, même s’il a également passé son temps à magnifier les efforts faits par l’Etat, dans le cadre de la gestion de la crise.
Pour en revenir à ces efforts, il faut rappeler qu’à la date du 32 mars, l’Etat avait mis plus de 105 milliards F CFA sur des engagements de 112 milliards, alors que le budget initial était de 77,800 milliards. Ce qui avait permis de relever considérablement les capacités, en matière de prise en charge des cas graves de Covid-19.
Quelques semaines plus tard, le journaliste Madiambal Diagne s’indignait en ces termes : ‘’… Cette 3e vague a montré que bien des choses que l’on pouvait considérer comme acquis, n’existaient que dans les discours et autres rapports officiels. En effet, si tant est que les centaines de lits d’hospitalisation avaient été acquis dans le Programme d’urgence de riposte contre la Covid-19, où sont-ils passés ? Où sont passés les dizaines de respirateurs artificiels et les unités de production d’oxygène, pour qu’on en arrive à devoir en commander à nouveau dans l’urgence ?’’
Les Sénégalais attendent toujours des réponses à ces questions que beaucoup estiment légitimes.
AFFAIRE DR BABACAR NIANG CONTRE MSAS Des témoins auditionnés à la Brigade de recherches Pour le moment, tout se joue devant les enquêteurs de la Brigade de recherches de la gendarmerie où les parties sont en train d’en découdre. Comme annoncé, le médecin-chef de Suma Assistance était, hier, face aux pandores pour s’expliquer sur ses accusations. Selon certaines sources peu prolixes contactées par ‘’EnQuête’’, tout s’est passé dans un contexte convivial et que le Dr Niang a même déjeuné avec les enquêteurs. Toujours, rapportent nos interlocuteurs, les choses se sont très bien passées et que des témoins ont aussi été auditionnés par les pandores de la Brigade recherches. Nos informateurs ont, toutefois, convoqué le secret de l’instruction pour ne pas entrer dans les détails. Pour rappel, comme le souligne le site du groupe emedia, face à Mamoudou Ibra Kane, le Dr Niang avait tenu les propos suivants : ‘’Du matériel du public est vendu aux structures sanitaires du privé. La maison Keur Serigne Bi et d’autres revendeurs qui ont pignon sur rue, te sortent tout le matériel que tu veux. Ce n’est pas normal. Tout ministre de la Santé qui vient, la première recommandation qu’on lui fait, c’est de ne pas soulever ce lièvre. On achète par des revendeurs qui sont agréés. Il y a d’autres même qu’on voit, c’est des bricoleurs. Même eux, ils ont le formulaire. (Pour) les gants de protection, actuellement, si vous ne mettez pas 7 000 F CFA, vous n’avez pas une paire’’, écrit emedia. |
MOR AMAR