Publié le 18 Aug 2021 - 19:49
REMISE DES PRIX DU CONCOURS GENERAL 2021

L’Ecole sénégalaise face aux défis du numérique 

 

Une centaine d’élèves ont été récompensés, hier, pour leurs performances scolaires. La cérémonie de remise de prix a également servi à poser le débat de la transformation pédagogique par le numérique.

 

Après une année d’interruption, la traditionnelle cérémonie de remise de prix du Concours général a célébré, hier, l’excellence. L’élève Ndèye Awa Sarr (18 ans) en classe de première S2 de la Maison d’éducation Mariama Ba (Memba) a été sacrée Meilleure élève du Concours général. Littéraire dans l’âme, elle arrive également en tête de liste des meilleurs élèves de première. La dauphine du concours n’est autre que Fatoumata Diop (S1) du lycée scientifique d’excellence qui remporte la première place des classes de terminale, tandis que Khadidiatou Coulibaly, élève en classe de première S1 (Memba), est reconnue comme l’élève la plus polyvalente du concours. L’établissement devrait, dès la rentrée prochaine, faire partie des lycées d’excellence du Sénégal.

Le président Sall a, en outre, décidé d’instituer des classes préparatoires aux grandes écoles, qui offriront deux années de formation aux bacheliers remplissant les critères requis. Et ce, dès octobre 2022, en commençant par le lycée d’excellence scientifique de Diourbel.

Cette année, 107 distinctions ont été décernées dont 63 en classe de première et 44 en terminale, sur les 2 132 candidats inscrits. Il s’agit de 55 prix et de 52 accessits, et les filles totalisent 54 distinctions sur les 107, soit 50,46 %. Autre fait marquant : 80 lauréats (première et terminale) viennent du public, contre 27 pour le privé. L’édition 2021 compte 96 lauréats (47 filles et 49 garçons) avec en première 54 élèves (34 filles et 20 garçons) et 42 en terminale (13 filles et 29 garçons).

Cette année encore, les élèves des séries scientifiques (51 lauréats) et particulièrement ceux de la série S1 (34 lauréats sur les 51) ont remporté la plupart des distinctions, y compris dans les disciplines des séries littéraires, aussi bien en première qu’en terminale. ‘’Mon secret, s’il y en a, c’est le travail. Il faut avoir le goût constant de l’effort, savoir se fixer des objectifs et tout donner pour les atteindre’’, conseille Fatoumata Diop qui plaide pour une augmentation des bacheliers scientifiques. De l’avis de la nouvelle bachelière, ‘’nous avons besoin de scientifiques et de sciences pour se développer. Il faut qu’on incite les élèves à éliminer cette peur qu’ils ont des matières scientifiques’’.

La meilleure élève du concours, quant à elle, invite l’Etat du Sénégal à soutenir les apprenants des zones les plus reculées du Sénégal qui n’ont souvent ni connexion ni appareil adapté au télé-enseignement. Ndèye Awa Sarr dénonce, de ce fait, ‘’une inégalité des chances’’.

Pour sa part, le chef de l’Etat qualifie de ‘’moyennes, voire faibles’’ les performances de cette année dans les filières scientifiques, en citoyenneté et Droits de l’homme, en histoire et géographie, en français et surtout en philo où aucun prix n’a été décerné. D’où la nécessité, selon Macky Sall, d’organiser une réflexion globale sur les voies et moyens d’améliorer les performances des candidats au Concours général. ‘’Les indicateurs de ces dernières années sont assez fiables pour nous interroger sur le niveau général de notre système éducatif et travailler à son amélioration’’, souligne-t-il. Aux élèves récompensés, il n’a pas manqué de livrer des conseils pour le reste de leur parcours.

Tout porte à croire que le ‘’cas Diary Sow’’ demeure frais dans les esprits. ‘’Cette étape n’est pas une fin en soi, mais ouvre la porte à d’autres défis. Soyez confiants, restez humbles et concentrés sur vos études. Si vous voulez aller loin, évitez les grands pièges de l’ère moderne dont celui principalement des réseaux sociaux, parce que les réseaux sociaux flattent l’ego. Rien n’est plus nuisible au progrès que l’ego. La performance vient toujours de la remise en cause de soi, à la quête du savoir. Prenez comme bouclier protecteur le savoir-être, car le savoir est comme une lumière. Quand on possède son savoir, on illumine son chemin et celui des autres. Quand on est possédé par son savoir, on est ébloui par sa propre lumière et celui qui est ébloui par sa propre lumière perd ses repères et le sens de l’orientation. Sur le chemin de l’excellence, l’Etat sera toujours à vos côtés’’. 

‘’Les pratiques doivent évoluer’’

Ce rendez-vous des cracks s’est tenu selon le thème ‘’Pédagogie innovante à l’école en contexte de Covid-19 - L’apport du numérique pour des enseignements et apprentissages de qualité’’.  Partant du fait que le système éducatif sénégalais doit tirer les leçons de cette pandémie, le professeur Dieynaba Diouf de la Maison d’éducation Mariama Ba invite ses collègues à exploiter les immenses possibilités qu’offrent le numérique.

Si l’éducatrice salue l’intégration du numérique visant à achever une année scolaire difficile en raison de la Covid-19, elle reconnaît cependant que les défis liés à son appropriation et sa mise à l’échelle restent tenaces.  ‘’Après toute situation difficile, la reconstruction devient aisée quand elle est soutenue par une forte capacité de résilience animée par le courage, la détermination et la volonté d’aller de l’avant. L’usage du numérique à l’école a démontré qu’elle doit être en mesure de s’adapter, de mieux s’outiller pour accueillir de nouvelles situations et contextes pédagogiques. Les pratiques doivent évoluer, car les enfants d’aujourd’hui sont des enfants du numérique. Il semble donc important d’améliorer le niveau d’appropriation du numérique par l’Administration, les enseignants, les parents d’élèves, en multipliant les initiatives en la matière’’, explique le professeur de lettres modernes.

L’enseignant, insiste Mme Dieynaba Diouf, doit être toujours en phase avec son époque, pour jouer pleinement son rôle d’acteur de développement. Surtout que par son caractère dynamique, l’enseignement est un métier en perpétuelle mutation.  ‘’L’enseignant ne peut plus faire fi des Tic, car elles constituent aujourd’hui le catalyseur de toute activité pédagogique. Ses outils développent plus d’aisance et plus d’assurance, et chez l’élève, une étude montre que l’élève le plus timoré arrive à faire des performances, lorsque le numérique entre en jeu. Avec cet outil, le savoir n’est plus délivré à l’élève, mais à construire à travers une interaction avec ses pairs. Les Tic motivent les élèves et valorisent les aptitudes de chaque élève. Elles servent aussi à la création de bibliothèques numériques et à lutter contre la baisse de niveau. Car les apprenants sont plus des acteurs dans la construction du savoir et l’enseignant plus un médiateur dans ce processus de construction du savoir par l’élève. Changeons la donne en donnant plus de place au numérique dans les enseignements et apprentissages’’, indique-t-elle dans son discours d’usage.

Toutefois, pour une appropriation de cette nouvelle approche, il va falloir une utilisation optimale de l’équipement mis à la disposition des écoles par l’Etat du Sénégal. S’il est avéré que les ordinateurs sont disponibles dans un grand nombre d’écoles, leur utilisation n’est pas optimale, certains enseignants ayant du mal à se départir de leur routine de classe.

De l’avis de l’enseignante, ils devront reconstruire progressivement leurs pratiques, en exploitant les immenses possibilités offertes par le numérique (gain de temps, faciliter d’accès au savoir...). Une reconstruction qui nécessite l’aménagement du numérique dans la totalité des 46 départements du Sénégal. ‘’Il ne faudrait pas que la facture du numérique, précise-t-elle, générée par l’aménagement de nouveaux espaces, soit réduite à néant par une fracture du numérique due au défaut de formation, au manque d’infrastructures d’accueil, à la réticence au changement, mais surtout aux difficultés liées à la connectivité. L’utilisation du numérique se heurte à l’impréparation des enseignants, l’inadaptation des contenus et au déficit d’appropriation des usagers du numérique. Nous devons lutter contre toutes les initiatives non accompagnées et les enseignants emmurés dans des pratiques pas nécessairement adaptées ou parfois désuètes’’.

La clé de réussite de ce projet entamé bien avant la pandémie réside, selon Mme Diouf, dans le sens d’un travail coopératif et pluridisciplinaire et surtout dans une lutte contre les inégalités éducatives par une répartition équitable de la connectivité sur l’étendue du territoire. Elle invite les acteurs de l’école à davantage s’associer pour co-construire des espaces pédagogiques en suivant les pistes d’ouverture nées en 2020, aux premières heures de la Covid-19 au Sénégal.  Plusieurs projets entrent dans le cadre de la transformation pédagogique du système éducatif sénégalais (Simen, Puda, Paquet...).

Par ailleurs, Le chef de l’Etat considère le numérique comme un ‘’catalyseur de progrès et de soutien à la formation de ressources humaines de qualité’’. Ce qui, selon lui, justifie la naissance du Grand Prix du Président de la République pour l’Innovation.  A cet effet, le gouvernement prévoit l’installation d’un réseau de fibre optique de 6 000 km, couvrant l’ensemble des 46 départements du Sénégal, l’intensification de l’électrification rurale grâce à l’extension progressive du réseau de la Senelec.

Selon Macky Sall, ‘’on ne peut assurer l’équité dans l’enseignement par le numérique sans l’accès de tous à l’électricité’’. Il a instruit les ministres de l’Education nationale et de la Formation professionnelle de valoriser davantage le réseau de fibre optique de l’ADIE, ainsi que les possibilités offertes par le Datacenter et le supercalculateur de Diamniadio.

L’école n’est pas un champ de bataille’’

On se souvient que les trois derniers mois de l’année scolaire ont été entachés d’actes d’incivisme et de vandalisme de plusieurs élèves, dans différentes localités du pays. L’occasion a été donnée au président de condamner ces actes, non sans appeler à une mobilisation générale, pour une observance rigoureuse de la discipline à l’école. ‘’L’Etat veillera à faire respecter, à tous les niveaux, les règles disciplinaires de la vie à l’école. Mais ce n’est pas seulement l’affaire de l’Etat ; il faut l’implication des familles et parents d’élèves dans la sensibilisation des élèves.

Par effet de mimétisme, des élèves se permettent, dans des challenges insensés, de s’attaquer à des enseignants et au personnel d’encadrement, et de détruire des infrastructures scolaires. Je dois réitérer ici ma ferme condamnation de ces actes totalement inacceptables. Chacun doit savoir que l’école n’est ni un champ de bataille ni une scène de gladiateurs. L’école doit, à tout prix, garder sa vocation d’espace de diffusion du savoir, de fraternisation et de construction citoyenne. Les casseurs, ceux qui s’adonnent à la triche, à la violence et aux actes d’incivisme n’ont pas leur place, ni à l’école ni à l’université. Nous ne devons pas laisser pousser la mauvaise graine’’, s’est-il exprimé, intransigeant.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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