Publié le 6 May 2022 - 00:05
ZIGUINCHOR - MUSEE-MEMORIAL DU NAUFRAGE DU BATEAU LE JOOLA

Les travaux avancent à grands pas !

 

Le musée-mémorial dédié à l’une des plus grandes catastrophes de l’histoire de la navigation maritime et aux victimes du bateau ‘’Le Joola’’, a fini de sortir de terre. Prétextant de grands pas constatés dans l’avancement des travaux de cette revendication centrale des familles des victimes, ‘’EnQuête’’ a rencontré Elie Jean Bernard Diatta, en charge des affaires juridiques de l’Association nationale des familles des victimes du naufrage. Au-delà du musée-mémorial, il évoque, ici, l’an 20 de la commémoration de cette tragédie qui se profile à l’horizon.

 

Lorsque l’on fait un détour au marché Escale et près de la gare maritime de Ziguinchor, l’on se rend vite compte de l’avancement des travaux de réalisation du musée-mémorial du naufrage du bateau ‘’Le Joola’’. Avez-vous le même sentiment ?

Le 17 février 2022, j’avais effectué une visite de chantier, conformément aux directives du chef de l’Etat qui nous a demandé de l’envoyer un rapport tous les mois pour qu’il puisse disposer d’informations concrètes sur l’état d’avancement des travaux. On m’a fait revisiter tous les plans pour que j’aie une idée claire du projet. Au cours des échanges, le chef du projet m’a fait part de quelques difficultés qu’ils ont rencontrées dans l’exécution du projet. Il s’agit de la nature des sols qui sont vaseux, la proximité du fleuve et l’éloignement de la carrière. Il fallait se rendre au Cap-Skirring pour avoir le sable adéquat. Il fallait aussi installer 212 copieux à 20 mètres de profondeur. Il y avait aussi d’autres contraintes inhérentes aux chantiers de cette nature. C’est ce qui explique les lenteurs notées. Tous ces écueils ont négativement impacté sur les délais d’exécution du chantier.  Mais des solutions ont vite été trouvées.

Pour faire face à ces difficultés, le personnel a été renforcé. Tout comme le matériel. Le travail s’opère, depuis, de jour comme de nuit.  Le projet avance à grands pas, malgré le petit retard accusé.  La livraison du chantier devait, en principe, se faire durant le premier semestre de l’année en cours.  Nous pensons que d’ici le 26 septembre 2022, l’inauguration sera faite, conformément aux directives du chef de l’Etat, mais surtout pour permettre aux familles des victimes de disposer d’un mémorial tant recherché dans la lutte contre l’oubli.

 

L’érection du musée-mémorial fait partie des revendications centrales du dossier du ‘’Joola’’. Aujourd’hui que cette doléance est en passe d’être réglée, quel sentiment éprouvez-vous ?

Les familles des victimes se réjouissent de l’intérêt tout particulier que le président de la République, Macky Sall, accorde à ce projet. Il a personnellement demandé que nous lui produisions un rapport mensuel sur l’avancement des travaux. Nous saluons cette étroite collaboration avec la plus haute autorité, mais également avec le ministère de tutelle, celui de la Culture et de la Communication qui ne ménage aucun effort pour la réalisation de ce chantier. Nos rapports et comptes rendus relativement au projet sont envoyés directement à la présidence de la République. Encore une fois, nous nous félicitons de cette étroite collaboration. Nous remercions l’autorité pour la réalisation de ce projet.

Cela a pris du temps, mais mieux vaut tard que jamais. Seulement, nous avons eu, par le passé, à déplorer la gestion cavalière du projet par son administratrice, Madame Sokhna Gaye. Elle a passé tout son temps à torpiller le dossier, à modifier les plans. Nous avons demandé que sa gestion soit auditée. Nous réitérons cette demande. Elle nous a écartés de ce dossier, contrairement à l’Office des pupilles qui nous associe dans la mise en place du budget pour les orphelins du naufrage et son exécution. L’office nous présente, chaque année, les états financiers.

Revenons au musée-mémorial. Au-delà de l’architecture et de sa position qui ne passeront pas inaperçues, vous voudrez bien nous parler de son contenu ?

Le musée sera habillé. Il comportera un espace d’échange et un autre qui va servir aux commémorations. Ce dernier espace dispose de trois fétiches que nous avons trouvés sur place.

Des fétiches ?

Oui, des fétiches qui appartiennent aux femmes du bois sacré de Djibélor, à la périphérie de Ziguinchor, sur la route qui mène à Oussouye. Ils sont gérés par madame Marie Rosalie Coly, la présidente régionale des femmes des bois sacrés de la Casamance. Nous allons procéder à leurs aménagements pour permettre aux croyants de la religion traditionnelle d’y faire leurs libations et leurs prières. Parce que les victimes sont de toutes les confessions religieuses au Sénégal. Il y aura aussi une partie ou les musulmans et les chrétiens pourront se recueillir. Un autre lieu va accueillir des formations. Parce l’impact recherché du musée-mémorial n’est pas seulement l’aspect du ‘’Joola’’, c’est-à-dire celui du deuil, du souvenir, de la prière, du recueillement et de l’introspection, mais celui du développement.  

Pour revenir sur l’aspect du ‘’Joola’’, nous allons exposer les photos de nos chers disparus, leurs noms, mais particulièrement les objets qu’on aura sortis du bateau. Cet aspect nous semble fondamental. Il faut, après la réalisation du mémorial, procéder à la prochaine étape, à savoir le renflouement du navire, afin de retirer tout ce qui se trouve au fond de l’Océan pour habiller le mémorial. Il y a aussi des artistes-plasticiens internationaux qui ont prévu de mettre un contenu artistique qui va symboliser beaucoup de choses. Il est prévu de grands hublots dans le mémorial. Les écrivains joueront aussi leurs partitions par le biais de livres traitant de la question. Tout comme la presse avec différentes publications.  Tout ce qu’on aura amassé au sein des familles des victimes sera, par ailleurs, destiné au musée. 

Il y a l’aspect économique que j’ai évoqué un peu plus haut, parce que le musée-mémorial va accueillir des touristes et visiteurs en provenance du pays, de tous les coins et recoins du monde. Certains pour une simple curiosité, d’autres pour faire ce travail de mémoire et d’introspection.

Vous avez tout à l’heure indiqué que vous souhaitez vivement que le musée-mémorial soit inauguré par le président Macky Sall, à l’occasion du 20e anniversaire du naufrage du ‘’Joola’’ qui se profile à l’horizon. Outre l’inauguration, quelles sont les autres activités prévues dans le cadre de cette commémoration ?

La réfection des cimetières constitue une vieille doléance des familles des victimes. Lors de la célébration du 19e anniversaire, l’association des familles des victimes a bénéficié de 10 millions de francs CFA gracieusement mis à sa disposition par le chef de l’Etat qui a répondu favorable à notre demande pour l’entretien des cimetières. Au départ, il s’agissait d’un budget destiné au cimetière de Kabadio, dans la commune de Kafountine. Nous remercions l’autorité d’avoir accepté de mettre ce montant à notre disposition. Nous avons profité pour réfectionner le cimetière de Kantène, à la périphérie de Ziguinchor, qui est présentement le plus beau cimetière du pays. Ce cimetière n’est plus un dépotoir d’êtres humains. Il est une véritable dernière demeure. Il respecte la dignité humaine et permet, véritablement, aux familles de se recueillir quelque part.

Par conséquent, il doit être entretenu et embelli. Nous interpellons l’autorité locale, notamment les maires de commune qui abritent les différents cimetières. Présentement, il y a une ruée des populations vers ce cimetière. Elles y vont pour visiter, c’est une première ! Il ne passe plus inaperçu. Des artistes-plasticiens locaux et internationaux nous y ont gratifiés de très belles fresques. Ce sont des messages très significatifs qui vous calment et apportent du baume au cœur. Je profite de l’occasion pour remercier tous ceux qui ont contribué à la réalisation de ce projet, le président Lamine Tamba des artistes locaux, mais également MM Guissé, Kanacassi, Éric et Joël qui sont des artistes de renommée internationale. Je me suis aussi rendu au cimetière de Kabadio. Avant d’arriver sur les lieux, des larmes coulaient de mes yeux. Mais quand j’ai vu les fresques et les messages, j’ai cessé de pleurer. Tellement les messages sont forts, les fresques très belles. Ils calment la douleur. Au cimetière de Bassori, en Gambie, c’est désormais le même décor que Kantène et Kabadio.

Toujours et en prélude de cette 20e commémoration, nous avons mis en place un comité national qui sera chargé de l’organisation de journées de prières, de randonnées pédestres et tant d’autres activités jusqu’au jour de l’anniversaire, parce que nous voulons plus sensibiliser les populations sur cette question.  Parallèlement, nous avons lancé, au niveau international, un autre projet pour l’érection de monuments. Ce projet a démarré en Gambie avec l’ambassadeur Bassirou Sène que nous remercions au passage. Il va saisir les autorités gambiennes pour l’érection d’un monument là où a eu lieu la catastrophe. Objectif : montrer que ‘’Le Joola’’ est la plus grande catastrophe de l’histoire maritime que le monde entier se doit de commémorer.

PROPOS RECUEILLIS PAR HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)

 

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