Si minoritaires, si précieux !
Autant, ils ont rarement été aussi peu nombreux pour ne pas dire jamais, autant ils n’ont jamais été aussi forts et courtisés à l’Assemblée nationale où leurs voix peuvent être prépondérantes, aussi bien dans l’élection des bureaux que dans le vote des lois.
Ils ne sont que trois sur 165, soit moins de 2 % des députés, beaucoup moins que dans la précédente législature où ils étaient au nombre de 18. Mais paradoxalement, malgré cette infériorité numérique, ils n’ont jamais été aussi forts, aussi courtisés, aussi médiatisés. A tel enseigne que certains n’ont pas hésité d’en déceler quelques présidentiables…
Eux, ce sont les députés qui ne peuvent, pour le moment, être rattachés ni au camp du pouvoir ni à celui de l’opposition la plus significative. Il s’agit plus précisément des représentants des Serviteurs (Pape Djibril Fall), Aar Sénégal (Thierno Alassane Sall) et Bokk Gis Gis (Pape Diop). Tous auront droit au chapitre dans la prochaine Assemblée, bien que députés grâce au plus fort reste.
Déjà, ces députés font l’objet de toutes les convoitises dans la perspective de l’installation prochaine de la 14e législature. Et les enchères ne manqueront pas de pleuvoir pour obtenir leurs suffrages.
Dernièrement, il a même été agité l’idée selon laquelle la coalition Yewwi Askan Wi aurait fait la proposition à Pape Diop, ancien Président de l’Assemblée nationale, de faire son come-back en échange de son ralliement. Mais l’information a vite été démentie par les amis d’Ousmane Sonko.
Il n’en demeure pas moins que le suspense reste entier, si l’on sait que dans ladite coalition, il y a peu de profils avec l’expérience requise pour diriger une Assemblée aussi plurielle.
En l’absence des principaux leaders dont les candidatures ont été invalidées, beaucoup d’observateurs voient en Barthélémy Dias l’une des rares alternatives. Mais un tel schéma pourrait difficilement agréer les alliés de Wallu Sénégal, en particulier le Parti démocratique sénégalais, dont l’ambition de prendre les rênes de l’opposition n’a jamais été cachée. Si les libéraux ont un net désavantage vis-à-vis de Yewwi qui compte beaucoup plus députés (une cinquantaine contre une vingtaine pour Wallu), ils ont l’avantage d’avoir des députés bien plus expérimentés.
En effet, en dehors d’Abdoulaye Wade qui est donné sauf surprise comme futur démissionnaire, Wallu compte dans ses rangs des élus expérimentés comme Mamadou Thiam qui a été durant plusieurs législatures questeur de l’Assemblée nationale, Mamadou Lamine Diallo, personnalité moins clivante avec une expérience parlementaire riche de plusieurs législatures…
A moins de forcer Barthélémy Dias ou de dénicher quelqu’un comme le président Pape Diop, les amis de Déthié Fall pourront difficilement trouver une solution qui mettrait d’accord toutes les parties. Cette dernière alternative a pourtant été catégoriquement rejetée par la coalition leader de l’opposition.
Chez les libéraux, on préfère jusque-là manœuvrer dans la plus grande discrétion. Tous les responsables interpellés sur ce sujet ont fait semblant de n’être informés de rien. Comme à l’accoutumée, l’on peut aisément comprendre que les choses vont surtout se décider sur l’axe Doha - Point E, avec comme courroies de transmission, le maire de Kébémer et mandataire de la coalition Mamadou Lamine Thiam, ainsi que Mamadou Lamine Diallo. En conférence de presse, il y a quelques jours, ils se sont limités à cette affirmation : ‘’Nous exaltons l’opposition à renforcer son unité, ce qui est déjà acquis au niveau de l’intercoalition Yewwi Wallu. Les trois autres coalitions ont battu campagne sur les mêmes thèmes que Yewwi-Wallu. Ils ont promis comme nous aux Sénégalais de changements au niveau de l’Assemblée nationale.’’
C’est pourquoi, ajoute le mandataire de Wallu, ils les appellent vivement ‘’à rejoindre la grande majorité Yewwi-Wallu, pour aller vers les changements que nous avons promis aux Sénégalais, c’est-à-dire peser sur la marche du pays et mener l’ensemble des réformes que nous avons promises aux Sénégalais. Même les députés qui sont au niveau de BBY et qui nous font des clins d’œil, nous les appelons à rejoindre cette nouvelle majorité voulue par le peuple’’.
Mais il faut le reconnaitre, cette unité tant proclamée est plus facile à dire qu’à matérialiser. Même si certaines sources soutiennent avec assurance qu’une solution consensuelle a déjà été arrêtée et sera rendue publique dans les tout prochains jours.
Au-delà du perchoir, les tractations vont également se jouer sur les autres postes du bureau de même que sur la constitution des commissions. Là aussi, les députés issus du plus fort reste ont énormément de cartes à jouer en raison, d’une part, de leur nombre limité, d’autre part, de la configuration de l’Assemblée nationale. Du fait de leur nombre (3), ils peuvent tous être satisfaits sans préjudice pour les autres coalitions majoritaires.
Pour rappel, le bureau de l’Assemblée nationale est composé, en sus du président, de huit vice-présidents, six secrétaires élus et deux questeurs. En ce qui concerne les commissions, elles sont près d’une quinzaine et seront au cœur des tractations.
En outre, il y a la conférence des présidents qui est l’instance au niveau de laquelle les décisions seront prises. Il faut relever que cette instance est composée du président de l’Assemblée nationale, des vice-présidents, des présidents des commissions, du rapporteur de la Commission chargée de l’économie et des finances, des présidents des groupes parlementaires, ainsi que des représentants des non-inscrits. Malgré les tractations, certaines coalitions de l’opposition semblent peu favorables à un ralliement au bénéfice de l’un quelconque des groupes majoritaires. Elles comptent, sauf changement de dernière minute, rester non-inscrites pour préserver leur identité.
Par ailleurs, si lors des précédentes législatures, leurs votes passaient presque inaperçus, dans la prochaine, elles peuvent être déterminantes pour départager les camps antagonistes de l’opposition et du pouvoir.