Cette fois, il n’y a pas eu de casse !
Après l’élection du président de l’Assemblée nationale avant-hier, les autres membres du bureau ont été choisis hier dans une ambiance relativement calme, malgré l’attitude irresponsable de Farba Ngom qui a voulu voter par la force pour Mimi Touré. Cette dernière avait pourtant déclaré publiquement avoir retiré sa délégation de vote.
Tout était pourtant très bien parti. Dès l’ouverture de la séance par le tout nouveau président Amadou Mame Diop, lequel a lu les propositions des différents groupes, à l’exception de Yewwi Askan Wi, concernant les postes de vice-présidents, le président du groupe parlementaire Yewwi Askan Wi a demandé la parole pour une interprétation du règlement intérieur. Très calme et posé pour son premier discours, Birame Souleye Diop est revenu sur le pourquoi du refus de son groupe de donner les noms de ses représentants pour les postes de vice-président. Il explique : ‘’Nous n’avons pas donné de noms, parce que nous ne sommes pas d’accord sur le mode de calcul. Nous sommes d’accord pour le poste de premier vice-président qui revient à Benno Bokk Yaakaar ; nous sommes aussi d’accord pour le poste de 2e vice-président de BBY ; nous sommes également d’accord pour le 7e réservé à Wallu. Mais nous pensons que si on fait bien le calcul, les 3e, 5e et 8e vice-présidents devaient revenir à Yewwi’’.
Au-delà du choix des vice-présidents, M. Diop a voulu surtout éviter que cette méthode soit reprise dans la répartition des commissions. ‘’Je veux attirer votre attention sur une chose : ce problème risque de nous rattraper dans les commissions. Si on suit cette logique, pour les commissions, BBY risque de s’accaparer les sept premières commissions, Yewwi les cinq suivantes et Wallu les deux restantes. C’est aussi pourquoi nous posons le débat ici en plénière’’.
Jusque-là, tout se passe bien dans l’hémicycle, avec un débat juridique de haute facture entre partisans de Yaw et de BBY. Jusqu’à ce que Guy Marius Sagna s’en mêle pour ramener sur la table le débat sur les ministres-députés et assurer qu’ils sont prêts à refaire la même chose, tant qu’il y aura des violations du règlement intérieur ou que des lois injustes soient amenées à l’Assemblée nationale. ‘’Pour éviter ce qui s’est passé la veille, a-t-il souligné, il faut respecter le règlement intérieur et celui-ci dit que les ministres ne peuvent pas être présents ici’’. À ces mots, les démons de la controverse resurgissent, mais sans les jets de pierres et autres coups de poing.
Les réserves de Birame Souleye sur la répartition des autres postes du bureau
Prenant la parole, Oumar Youm a surtout répondu à Birame Souleye pour signifier qu’ils (les trois vice-présidents) étaient tous d’accord sur la répartition des postes de vice-présidents. ‘’Nous avons échangé sur le sujet hier (avant-hier), après la suspension des travaux, nous les trois présidents de groupe parlementaire, et nous avions trouvé un consensus. Nous avions tous reconnu que la loi était respectée par rapport au mode de calcul qui avait abouti à cette répartition (sus-indiquée). Je jure sur mon serment d’avocat, mais aussi je prends à témoin les deux autres présidents de groupe parlementaire qui peuvent, après, venir donner leur version. On s’était mis d’accord. Comme le dit la loi, le groupe qui a plus de représentants doit choisir en premier. J’ai alors choisi les quatre premiers postes, ensuite Birame Souleye a choisi et Lamine Thiam a choisi. Il faut aussi qu’on se dise la vérité’’.
Ce dernier n’a pas manqué de prendre la parole pour approuver en partie les propos du président du groupe BBY. Selon Mamadou Lamine Thiam, il y avait effectivement un début de consensus la veille (avant-hier). ‘’… Hier soir, nous avons discuté de la question suite à tout ce qui s’est passé la journée, car c’est dans le dialogue que nous parviendrons à trouver des solutions. Nous nous sommes donc retirés et nous sommes convenus qu’il faut se mettre d’accord sur les calculs pour la répartition des postes. En discutant, nous sommes tombés d’accord.
Je dois dire que Birame a demandé si on ne peut pas revenir sur l’ordre qui ne l’agréait pas totalement. Je leur ai dit que tout ça, c’est des discussions. Puisque chacun avait des contraintes, on a proposé à chacun d’aller discuter avec son groupe. Vers 23 h, devant l’impossibilité de trouver une solution et compte tenu du fait que la loi ne nous permet pas de continuer les travaux au-delà de minuit, nous avons dit qu’il fallait attendre aujourd’hui (hier) pour continuer les échanges. Comme il n’y avait toujours pas de solution, Birame a proposé de venir poser le débat en plénière. Dans tous les cas, moi je pense que c’est dans les échanges que tout va se décanter’’.
Pour arrondir les angles, les députés sont alors convenus, vers 13 h, de suspendre la séance pour une heure, avant de se retrouver. Finalement, c’est aux alentours de 17 h 30 qu’ils reviendront en salle pour partager le consensus et procéder au choix des vice-présidents qui sont au nombre de huit. Le reste va se dérouler comme lettre à La Poste, selon le même schéma.
Le dialogue réussit à décanter la situation Après une première journée où les parlementaires ont surtout fait parler leurs muscles sans aucun résultat, hier, ils ont recouru au dialogue, conformément aux usages et courtoisies républicaines. Là où les coups de poing ont échoué, le dialogue a réussi. À la suite d’une suspension de plus de cinq tours d’horloge, les députés se sont retrouvés dans l’hémicycle et le vote s’est déroulé comme sur des roulettes, à un incident près causé par le griot du président, Farba Ngom. Devant sa volonté de voter par la force pour Aminata Touré absente, les députés de l’opposition se sont dressés comme un seul homme pour s’y opposer. D’Oumar Youm à Abdoulaye Daouda Diallo, en passant par Aly Ngouille Ndiaye, toutes les personnalités du régime présentes à l’Assemblée nationale ont tenté de le raisonner, en vain. Il aura fallu l’intervention musclée et ferme d’une de ses collègues de BBY pour le clouer à son siège, lors de l’élection des vice-présidents. Ce qui a coûté à la séance un retard d’une trentaine de minutes environ. Pour rappel, avant-hier, lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale, Aminata Touré avait publié un communiqué pour informer qu’elle a retiré sa délégation de vote et qu’elle avait pris le soin d’informer le président du groupe parlementaire BBY El Hadj Oumar Youm. Hier, au moment des échauffourées, elle a fait une nouvelle publication sur son compte Twitter pour réitérer sa décision. ‘’Comme je l’ai dit hier, je n’ai pas donné procuration au député Farba Ngom pour voter en mon nom… Je rappelle la raison : je ne suis pas d’accord avec la prédominance de l’appartenance familiale au détriment du mérite militant’’, a-t-elle réaffirmé. Pour empêcher Farba Ngom de voter à la place de Mimi, Guy Marius Sagna s’est encore emparé de l’urne et l’a amenée à son siège pour le mettre à l’abri. Finalement, tout est rentré dans l’ordre et les parlementaires ont pu poursuivre le reste du processus dans le calme. À la publication des résultats, beaucoup se sont en effet demandé quelle était l’intention de Farba Ngom, si l’on sait que le consensus a été respecté par la plupart des députés. La seule liste qui a été proposée et qui consacrait l’ordre préétabli par les présidents de groupe a eu 154 voix sur les 158 votants. Composition du nouveau bureau Voici la composition du nouveau bureau de l’Assemblée nationale : Président Amadou Mame Diop ; vice-présidents dans l’ordre : Abdoulaye Diouf Sarr (BBY), Aissatou Sow Diawara (BBY), Dr Malick Diop (BBY), Yeta Sow (BBY) ; Modou Bara Gaye (Yewwi), Mame Fatou Guèye (Yewwi) ; Mamadou Lamine Diallo (Wallu) et Gnima Goudiaby (Yewwi). Pour les postes de secrétaire, il y a Ndèye Lucie Cissé, Karim Sène, Astou Ndiaye pour BBY ; Babacar Mbaye, Awa Diène (Yewwi) et Abdoulaye Diop (Wallu). Quant aux questeurs, ils sont dévolus à Daouda Dia de BBY (1er questeur) et Aicha Touré de Yewwi. LE SERMENT DE YOUM ‘’Nous ne voterons aucune loi favorisant un bradage des terres pour les céder à Macky Sall’’ Sur un autre registre, les députés de l’opposition, en particulier Guy Marius Sagna, ont aussi profité de la séance d’hier pour invoquer à nouveau la question de l’homosexualité, pour montrer qu’ils s’opposeront avec détermination à toutes les mauvaises lois. Saisissant cette occasion, le président du groupe parlementaire du camp présidentiel, Oumar Youm, a réaffirmé la ligne de défense de la majorité. Selon lui, il n’a jamais été question et ne sera jamais question de vote de lois qui aillent à l’encontre des mœurs. Il enchaine : ‘’Je prends l’engagement, en tant que président du groupe parlementaire de la majorité, de vous dire que nous ne voterons aucune loi légalisant l’homosexualité. Nous ne voterons aucune loi favorisant le bradage des terres pour les céder à Macky Sall. Nous ne voterons aucune loi qui foulera aux pieds les valeurs de notre société et de notre République.’’ L’hymne national devenu un jouet pour les députés Il est devenu comme une arme que l’opposition entonne à chaque fois qu’elle entre en guerre dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Cela avait commencé avant-hier lundi. En pleine bataille entre députés de l’opposition et du pouvoir, Barthélemy Dias et Cie entonnent l’hymne national dans une salle remplie de gendarmes. Pour une fois, ces derniers ne seront pas au garde-à-vous. Ils avaient continué à se concentrer sur l’objectif : protéger l’urne et un bon déroulement du vote. Pendant ce temps, les députés de BBY avaient commencé à siffler, avant de revenir à de meilleurs sentiments. Hier, les députés de Yaw ont remis ça, en entonnant debout l’hymne national en début de séance. Les représentants de BBY, y compris le président de l’Assemblée nationale, qui perçoivent cette attitude comme des tentatives de sabotage, sont restés de marbre. |
Babacar Sy SEYE et Mor AMAR