L’Association des femmes magistrates à Ziguinchor pour susciter des vocations

La journée de sensibilisation sur l’égalité des droits, organisée à Ziguinchor, par l’Association des femmes magistrates, ambitionne d’impliquer les filles dans les problématiques du futur en leur montrant l’apport des femmes dans l’exercice des professions juridiques, en particulier dans la magistrature, afin de les motiver à poursuivre leurs études.
La capitale méridionale du pays a été la première étape d’une campagne de sensibilisation que l’Association des femmes magistrates du Sénégal (AFMS) compte dérouler sur l’ensemble du territoire national. Organisée le samedi 1er juin 2024, la première journée de sensibilisation sur l’égalité des droits, axée autour du thème ‘’Maintien des filles à l’école et la féminisation des professions juridiques au Sénégal’’, vise à renforcer l’ancrage des filles dans le milieu scolaire en les sensibilisant sur la connaissance de leurs droits. Il s’agit également de leur faire prendre conscience de l’importance de leur maintien à l’école et de l’apport dans l’exercice des professions juridiques, en particulier dans la magistrature.
Outre des filles en milieu scolaire (collège et lycée) de la région de Ziguinchor, cette journée est aussi destinée à leurs enseignants, membres des équipes pédagogiques qui sont le pilier de la prise en compte des spécificités liées au genre en milieu scolaire et aux responsables de l’Action éducative en milieu ouvert (AEMO). ‘’Nous sommes 102 magistrats femmes sur presque 600 magistrats que compte le pays. La gent féminine est faiblement représentée dans la magistrature et nous voulons, à travers l’organisation de cette journée, offrir des modèles aux jeunes filles. Nous espérons qu’au sortir de cette rencontre, nous aurons beaucoup de vocations de femmes magistrates’’, a déclaré Marie Odile Thiakane Ndiaye, la présidente de l’Association des femmes magistrates du Sénégal (AFMS).
Selon elle, l’écart injustifié entre le nombre d’hommes et de femmes dans certaines professions, notamment la magistrature, pousse à s’interroger sur une des causes profondes de cette inégalité qui est la question du maintien des filles à l’école.
L’organisation de cette journée a été rendue possible grâce au partenariat avec le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) qui a développé une stratégie d’égalité de sexe (2022-2025) qui se veut inclusive et qui vise à rétablir les inégalités qui existent entre les hommes et les femmes de manière générale. ‘’Ce gap de magistrats femmes nous alerte et nous pousse à travailler davantage, à sensibiliser les filles, mais également les communautés à accompagner les filles à se maintenir à l’école, à accéder à des études supérieures pour rentrer dans les métiers juridiques. Plus on aura des femmes dans la magistrature, plus on aura la garantie que les droits des filles sont respectés’’, soutient Khadidiatou Samb, chargée du point focal genre du PNUD à Dakar.
Équité, droit, maintien des filles à l’école et masculinité positive dans la région de Ziguinchor…
L’inspecteur d’académie de Ziguinchor, Cheikh Faye, qui prenait part à la rencontre, s’est félicité de l’organisation de cette journée de sensibilisation à l’égalité des droits. ‘’C’est une initiative que nous saluons, que nous avons accompagnée et soutenue parce que tout simplement, il s’agit d’une préoccupation partagée parce que l’association, dans son plan d’action, ambitionne de soutenir l’éducation des filles pour contribuer à la résorption des inégalités de chances qui persistent dans certaines localités’’, a indiqué l’inspecteur de l’enseignement.
Préoccupation partagée parce que, relève-t-il, la problématique de l’éducation des filles et surtout de l’égalité et de l’équité entre garçons et filles est un souci majeur au niveau du ministère de l’Éducation. En témoigne, renseigne-t-il, l’audit dont le rapport a été validé tout récemment. Un audit qui doit déboucher sur l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie d’institutionnalisation de l’égalité et de l’équité garçons-filles dans l’éducation assortie d’un plan d’action.
Pour le cas spécifique de Ziguinchor, Cheikh Faye se félicite ‘’des acquis réels notés sur le plan de l’accès, parce que du préscolaire au secondaire, l’indice de parité est en faveur des filles’’. Des acquis qui cachent mal une réalité : celle du maintien. ‘’Si nous interrogeons le taux d'achèvement, l'on constate une baisse de l’élémentaire au secondaire. Cela veut dire qu’il y a une forte déperdition scolaire. Déperdition certes plus importante chez les garçons, mais également très préoccupante au niveau des filles’’, souligne l’inspecteur d’académie.
Il explique que la déperdition chez les garçons est plutôt liée à une question d’état d’esprit, en ce sens que la plupart des jeunes sont pressés, n’ont plus la patience et la résilience nécessaire pour mener des études très longues parce que ne trouvant plus l’éducation comme un moyen d’ascension sociale. Du coup, ils sont plus orientés vers des activités génératrices de revenus qui peuvent tout de suite et maintenant leur rapporter des ressources.
Pour les filles, il estime que le décrochage est surtout lié à des questions d’équité arrimées avec leur situation de vulnérabilité, mais également à des questions de droit. Selon lui, les questions des mariages précoces et des grossesses précoces sont, d’abord, les causes qui sont jusqu’ici quantifiées comme étant les principales sources de décrochage pour les filles au niveau de la région. Le deuxième élément est la question des violences à l’école ou sur le chemin de l’école. Violences dont les principaux auteurs sont les élèves garçons. L’inspecteur pense que le concept de masculinité positive doit être vulgarisé pour que ces élèves garçons apprennent à protéger les filles au lieu de les violenter.
Il souligne aussi que les méthodes pédagogiques ne prennent pas suffisamment en compte la dimension genre, créant ainsi des disparités et des inégalités dans l’apprentissage.
Parmi les causes de décrochage, figure aussi la question liée à l’absence de blocs séparés au niveau des toilettes ou leur inexistence qui accentue l’absentéisme des filles, surtout pendant les périodes de menstruation. Pour lui, cette situation conduit à des insuffisances de résultats et finalement au décrochage.
En conclusion, l’inspecteur d’enseignement soutient que l’essentiel des facteurs qui entraînent le décrochage chez les filles est d’ordre soit du droit soit de l’équité. C’est pourquoi il est important d’aborder ces questions dans le fond pour les intégrer dans la stratégie de prise en charge des questions genre au niveau du ministère de l’Éducation nationale.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)