Vers une réduction des peines de René et Ampoy ?
À défaut de l'acquittement pur et simple de René Capain Bassène et d'Omar Ampoy Bodian, on s'achemine inéluctablement vers une réduction très sensible de leurs peines. Le ministère public a demandé à la Cour d'appel, hier à Ziguinchor, de ne pas retenir les délits de participation à un mouvement insurrectionnel et de sortie irrégulière, pour René Capain, de correspondances.
Le procès en appel de la tragédie de Boffa-Bayotte s’est poursuivi, hier, à Ziguinchor. Les débats contradictoires, par moments houleux, ont tourné autour des charges pesant sur les coaccusés, le journaliste René Capain Bassène, chargé de communication au sein de l’Agence nationale pour la relance des activités économiques en Casamance (Anrac) et l’agent des postes Omar Ampoy Bodian, par ailleurs membre de l’aile politique du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC). Ces charges concernent l’association de malfaiteurs, la participation à un mouvement insurrectionnel, la complicité d’assassinat et, pour René Capain Bassène, la sortie irrégulière de correspondances.
Dans son réquisitoire, le ministère public a demandé à la cour de ne pas retenir le délit de participation à un mouvement insurrectionnel puni par les articles 85, 86 et 87 du Code pénal, qui prévoient des peines allant de 10 à 20 ans et, au-delà, la réclusion criminelle à perpétuité, comme décidé en première instance. Il fonde sa conviction sur le fait que le massacre de Boffa-Bayotte ne relève pas d’actes insurrectionnels.
‘’Du coup, l’accusation reconnaît que ce procès n’est pas celui du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC), alors que les premiers juges ont répété, à chaque fois, que c’est le mouvement rebelle qui était responsable. À partir de ce moment, rien n’implique César Atoute Badiate, le chef du front Sud. Donc, il ne peut pas y avoir d’intelligence de complicité entre César, René et Ampoy Bodian’’, a relevé Me Clédor Ciré Ly.
De plus, le ministère public a demandé à la cour de ne pas considérer l’infraction de sortie irrégulière de correspondances, pour René Capain. ‘’Je suis d’accord avec la défense. Un manuscrit est visiblement destiné à quelqu’un. Pis, l’auteur n’a jamais été entendu, en l’espèce’’, a indiqué l’avocat général qui, par ailleurs, n’a pas suivi la défense concernant les délits de complicité d’assassinat et d’association de malfaiteurs.
Sur ces deux cas précis et pour fonder sa religion, le ministère public s’est basé sur les témoignages et aveux des ex-codétenus de René et Ampoy, sur les mails, les relevés téléphoniques et les communiqués attribués à René ainsi que leur supposée participation à des réunions préparatoires au massacre, notamment celle du 3 janvier 2023 ainsi que sur le déplacement d’Omar Ampoy pour rencontrer César Atoute Badiate en Guinée-Bissau.
Si la cour donne une suite favorable à la demande du ministère public, on peut aisément déduire que l’on s’achemine, inéluctablement, vers une réduction des peines infligées, en première instance, à René Capain et à Oumar Ampoy, à défaut d’un acquittement pur et simple demandé, avec insistance, par la défense.
Le délibéré est prévu le 29 août prochain.
La défense optimiste…
‘’J’ai déjà une très grande satisfaction, dans la mesure où l’accusation m’a rejoint sur deux points fondamentaux : en reconnaissant que les éléments du délit n’étaient pas établis relativement à la sortie irrégulière de correspondances et à la participation à un mouvement insurrectionnel. Suivant mes arguments, les juges suivront aussi les raisonnements du ministère public qui étaient purement juridiques’’.
Ainsi s’est exprimé Me Clédor Ciré Ly à la fin de l’audience. L’avocat s’est félicité du bon déroulement du procès, à l’occasion duquel, reconnaît-il, le droit a été dit, de part et d’autre, aussi bien au niveau de l’accusation qu’au niveau du collectif de la défense. ‘’On verra maintenant ce que dira le juge sur ces deux points’’, a ajouté Me Ly.
Relativement à la complicité de tentative d’assassinat et la complicité d’assassinat, de même que l’association de malfaiteurs, la robe noire regrette le fait que le ministère public ait maintenu sa position. ‘’Mais nous avons retenu que, sur une heure vingt-cinq minutes de réquisition, une heure cinq a été consacrée à la reprise du procès-verbal de la police que tout le monde sait avoir été établi dans des conditions catastrophiques de violation des Droits de l’homme et des personnes détenues, avec des violences, des tortures et des mauvais traitements, jusque dans les familles, dont la femme de René Capain Bassène’’, a fait savoir Me Clédor Ciré Ly.
Selon lui, sur les vingt dernières minutes du réquisitoire du ministère public, dix ont été utilisées pour les rejoindre et dix autres pour balayer les arguments de la défense. Il garde l’espoir que les juges, du point de vue du droit, retiendront les arguments de la défense et qu’on pourrait aller vers un acquittement pur et simple.
‘’Je suis très confiant par rapport à ce qui s’est passé. En tout état de cause, nous avons espoir et nous pensons, nous souhaitons que ces innocents puissent retrouver leurs familles’’, a-t-il conclu.
Hubert Sagna (Ziguinchor)