Y en a marre monte au créneau
Le temps d’une conférence de presse, après six mois de mutisme, le mouvement Y en a marre s’est exprimé ce jeudi pour jouer son rôle d’alerte. Pour cette nouvelle sortie, après ces moments de silence et d’observation, les membres de Y en a marre se sont insurgés contre la résurgence des lois dites liberticides.
C’est par principe que le mouvement Y en a marre est monté au créneau ce jeudi, à l’occasion d’une conférence de presse pour dénoncer certaines pratiques judiciaires qui rappellent le défunt régime du président Macky Sall.
En effet, entouré des rappeurs et activistes, dont Thiat et Fou Malade, le coordonnateur de l’organisation, Alioune Sané, n’a pas mâché ses mots sur une situation judiciaire devenue subitement préoccupante. "Pas plus tard qu’hier, environ neuf mois en arrière, nous nous battions pour le renforcement de la démocratie, la liberté d’opinion, l’indépendance de la justice, entre autres principes. Aujourd’hui, grande est notre surprise de constater que des lois liberticides que nous avons combattues face au régime de Macky Sall sont utilisées contre des hommes politiques et des journalistes", a soutenu Alioune Sané.
Selon lui, cette prise de parole est animée par le souci de prévenir contre cette direction politico-judiciaire prise par le nouveau régime. "Face à ces décisions impopulaires et contre-productives, nous sommes amenés aujourd'hui à prendre la parole. Notre devoir est de nous exprimer de la même manière que nous l'avions fait par le passé. Car il ne peut pas y avoir de vérité à géométrie variable. Et pour ces cas de figure de délits d’opinion, Y en a marre estime que la détention doit toujours être l’exception, la liberté doit être l’idéal. Nous nous réjouissons tout de même que Bougane Guèye Dany, Kader Ka et Yérim Seck, des arrestations qui ont constitué la goutte d’eau de trop pour nous, soient tous relaxés".
Le membre de Y en a marre a poursuivi pour nuancer sa position : "Mais, car il y a bel et bien un mais, liberté d’opinion ne signifie pas médisance ni diffamation. On peut s’exprimer librement avec de vrais arguments sans jamais empiéter sur l’honneur ou la dignité de son vis-à-vis. Ainsi, nous appelons tous les acteurs à mettre la main à la pâte afin d’assainir et d’épurer le débat public pour l’intérêt supérieur du Sénégal."
La lumière sur les événements de mars 2021 et juin 2023
Le rappeur du groupe Keurgui Crew, Thiat, estime que l’on se trompe de dossiers prioritaires. "À Y en a marre, nous pensons sérieusement que les priorités sont bien ailleurs. La reddition des comptes, par exemple, est une bonne chose, nous applaudissons. Mais là également, nous ne voudrions pas que cela se mue en un règlement de comptes ou en une chasse aux sorcières. En outre, si la justice veut vraiment être là au nom du peuple sénégalais, les événements de mars 2021 et de juin 2023, avec leurs lots de dégâts et de pertes en vies humaines, doivent être examinés, car le Sénégal mérite que la lumière soit faite afin que les responsabilités soient entièrement situées".
Dans cette priorisation, Thiat et ses acolytes auraient souhaité que les nouveaux dirigeants se penchent davantage sur comment alléger la "cherté de la vie", car l’ouverture des classes approche. "Les abris provisoires sont toujours là et certains parents vont encore remuer ciel et terre pour dégotter l’inscription de leur progéniture".
Pour conclure, le rappeur a jugé nécessaire de préciser que leur sortie répond juste à une doctrine même de leur mouvement, basée sur la préservation des libertés et des acquis démocratiques : une question de principe.
"Que les choses soient claires, d’ores et déjà : cette sortie n’a rien de politique. Nous aurions aimé être ailleurs dans nos propres affaires, mais si nous sommes là, c’est parce que nous n’avons pas eu le choix. La réussite de ce nouveau régime, c’est tout ce que nous pouvons souhaiter, car si jamais c’est l’échec, tout Sénégalais en pâtira".
MAMADOU DIOP