Madiambal, dans la peau du romancier
Loin de la politique, des commentaires satiriques sur les aptitudes et capacités du régime, le journaliste Madiambal Diagne publie son tout premier roman, dans lequel il raconte les drames de la société, en particulier de l'émigration irrégulière.
Ceux qui attendaient un nouvel essai sur la politique, des révélations et des diatribes contre le nouveau régime qu'il aime tant tourner en dérision, vont vite déchanter. Cette fois, le journaliste Madiambal Diagne a non seulement changé de genre littéraire, mais aussi de thématique. Loin de la politique, il parle de phénomènes sociaux qui font des ravages dans une société sénégalaise où les femmes sont généralement confrontées à des difficultés de tous ordres : droits des femmes, procédures judiciaires, mais surtout la lancinante question de l'émigration irrégulière qu'il raconte délicieusement.
C'est, en tout cas, le témoignage de l'ancienne ministre des Affaires étrangères Aissata Tall Sall, tombée sous le charme du dernier-né de l'auteur, son tout nouveau roman. “Ce livre, je l'ai lu goulument. Je l'ai presque avalé. Dès que j'ai commencé, je n'ai plus arrêté. Il m'arrivait même de lire en session, quand le débat devenait un peu ennuyeux”, commente celle qui a été choisie pour présenter le livre.
Pourtant, le titre est un peu bluffant. Il y parle de Maison-Blanche, de dîner qui n'y aura pas lieu. Mais en réalité, l'ouvrage parle principalement de l'émigration et de ses drames. “Le livre nous raconte l'histoire de Kéthiel, le surnom de Aissata, qui vit dans un milieu conservateur et qui subit la violence d'un viol. Honnie, rejetée avec sa mère par son père, elle s'est bien battue et a réussi à s'en sortir, grâce aux petits business qu'elle faisait à Saint-Louis, où elle s'était établie. Mais comme beaucoup de jeunes, elle finit par décider de tout abandonner, pour aller vers une nouvelle aventure, celle de l'émigration. Mais hors de question, pour Kéthiel, de prendre les pirogues. “Kéthiel a sa personnalité. On lui propose les pirogues, elle dit : ‘Non, avec cet océan qui est devenu un cimetière sous nos yeux, je ne prendrais jamais le risque de passer par la pirogue.’ Elle finit alors par prendre le chemin des États-Unis, via le Nicaragua, un pays qui, nous apprend le livre, ne demande pas de visas aux ressortissants sénégalais. Ce qui en fait une opportunité pour les candidats au départ.
L'histoire de ce livre est partie d'une anecdote que l'auteur n'a pas manqué de raconter lors de la cérémonie de dédicace. Tout est parti, selon lui, d'une rencontre fortuite, au détour d'un voyage. “Au détour d'un voyage, je rencontre une horde de jeunes qui partent, des gens désespérés qui n'avaient plus la raison. Et ils étaient conscients des risques qu'ils encouraient ; c'est un peu le côté bestial de l'aventure. Ce qui a interpellé ma conscience. Je ne pouvais pas ne pas parler de ce fléau. C'est donc un cri du cœur, un témoignage, pour inviter ces jeunes à ne plus prendre ces chemins dangereux, à croire qu'ils peuvent bien trouver le bonheur dans leur pays”, souligne-t-il.
En quittant les jeunes, le journaliste, curieux et plein d'empathie, n'a pas manqué de prendre leurs numéros. “Tout le long de leurs pérégrinations, ils ont partagé avec moi leurs peines, leurs inquiétudes, leurs angoisses... Des témoignages, des images qu'ils m'envoyaient, et c'est tout cela, en plus de mon expérience personnelle dans ces pays qu'ils ont traversés, qui constitue le produit de ce livre. C'est pourquoi je dis que je raconte une histoire vraie. Je peux dire que j'ai utilisé peut-être le genre journalistique du reportage, pour faire ce roman”.
Au-delà du livre, les débats ont aussi tourné sur la réalité du phénomène migratoire, avec tous ces jeunes qui arrivent à se retrouver dans les pays de l'Occident, mais qui ne savent pas quoi faire, parce que n'ayant aucune qualification. Émigrer, selon Madiambal, c'est une chose, mais qu'est-ce qu'il faut faire sur place ? “C'est la grande question. Beaucoup arrivent sur place, mais ne savent pas quoi faire. Si vous ne savez rien faire, il est difficile d'être employé même dans son propre pays”, commente M. Diagne.
Lectrice et ancienne ministre des Affaires étrangères, Aissata Tall Sall explique : “La plupart de ces jeunes sont employés dans les champs. Ils ne savent pas grand-chose aux travaux champêtres. Nous avons eu beaucoup de missions en Espagne et on a plaidé pour qu'on leur trouve des formations, des travaux comme routiers. Et nous avons eu quelques résultats, mais c'est infime par rapport à tous ceux qui partent.”
Mais pourquoi donc le titre “Le dîner de la Maison-Blanche attendra’’ ? Madiambal pourra peut-être y apporter plus d'éclairages, mais il nous apprend déjà les passages de son personnage principal devant la Maison-Blanche, ce grand temple de liberté qui devrait inspirer nos États. “Nous questionnons notre rapport par rapport à la démocratie, par rapport à notre histoire. Nous sommes devant la Maison-Blanche où dort l'homme le plus puissant du monde. Sur la pelouse, il y a des gens qui disent ce qu'ils veulent. C'est aussi un clin d'œil par rapport à l'exercice de la démocratie dans nos pays”, plaide le journaliste.
Il résulte, des nombreux témoignages, que pour son premier roman, Madiambal a réussi un grand coup littéraire. Certains n'ont pas manqué de lui demander d'arrêter et la politique et le journalisme, et de se consacrer au roman.