Publié le 11 Oct 2024 - 15:41
CHANGEMENT CLIMATIQUE - JUSTICE CLIMATIQUE

25 pays africains lancent la Contre-Cop

 

Les peuples africains ne se retrouvent pas dans les actions et les solutions proposées dans le cadre de la Cop. En effet, ils estiment que les propositions faites ne prennent pas en compte les réalités spécifiques des pays africains. C’est dans ce cadre que plusieurs organisations de la société civile venues de 25 pays africains se sont retrouvées à Saly Portudal pour peaufiner une stratégie pour contrecarrer la Cop29 prévue le mois prochain.

 

Après les Émirats arabes unis où s’est tenue la 28e édition de la Conférence des parties sur les changements climatiques, la Cop29 est prévue du 11 au 22 novembre 2024 à Bakou, capitale de l'Azerbaïdjan, dont l'économie dépend fortement des exportations de pétrole et de gaz. À ce titre, les pays africains ne se sentent pas impliqués dans les activités de cette conférence en matière de prise en charge réelle de leurs préoccupations respectives.

Les peuples veulent être impliqués dans les prises de décisions concernant leur survie. De ce fait, les organisations de la société civile de ces pays veulent contrecarrer les travaux de la Cop29 en lançant la Contre-Cop. Elles se sont retrouvées au Sénégal, à Saly Portudal, pour affiner leur stratégie. Dans ce sens, Nahounou Dibala explique que le concept de Contre-Cop a été créé pour permettre aux peuples victimes d’agressions climatiques et d’exploitation abusive de leurs ressources, qui produisent moins d’émissions de gaz à effet de serre et qui en subissent plus les affres, de faire eux-mêmes leurs propres propositions sur les changements climatiques. C’est la Cop des peuples qui va s’opposer à la Cop des élites.

‘’On perd beaucoup de choses avec les terres arables qui sont envahies par la mer et nos parents ne maîtrisent plus les saisons, et pourtant il faut s’adapter. On perd toutes ces connaissances et les variétés des cultures ne sont plus conformes à la saison à cause du changement climatique. On perd aussi des cultures et vous voyez qu’il y a des villages entiers qui disparaissent. Vous voyez le cas de Bargny au Sénégal où des maisons sont englouties par les eaux de mer. Avec de telles conséquences, c’est une âme qu’on perd’’, a décrit d’emblée le jeune volontaire pour l’environnement en Côte d’Ivoire et responsable de la justice climatique et sociale.

Selon lui, ‘’la Cop, comme elle a été organisée, c’est la conférence des parties. Ce sont les parties et les pays qui prennent part à cette conférence. Donc, durant les Cop, il n’y a pas de possibilité de donner la parole aux communautés. Ceux qui ont droit à la parole sont les États membres et non les communautés et les organisations de la société civile. Vous savez que dans ces circonstances, on ne peut pas faire le bonheur de quelqu’un malgré lui. Pourtant, ce sont ceux qui vivent les conséquences du changement climatique qui peuvent donner des solutions selon leur réalité. Donc, il est important de donner la parole aux peuples. C’est pourquoi nous disons que c’est une Cop des peuples ou Contre-Cop, parce qu’elle vient non seulement s’opposer, mais donner la parole aux personnes qui sont impactées par les changements climatiques. Voilà la réalité du Contre-Cop ou la Cop des peuples qui est différente de la Cop des élites ou une Cop des États’’.

Pour Fatou Dia, l’organisation de cette rencontre répond à un besoin particulier et pressant : ‘’C’est de parler au monde entier, de donner la voix à ces communautés, mais aussi d’associer ces dernières aux prises de décisions, d’autant plus que c’est nous qui vivons ces impacts. On ne peut pas prendre des décisions sans nous. Quand les pays du Nord prennent des décisions et proposent des solutions, ça peut être faux, alors que c’est nous qui subissons l’impact des changements climatiques.’’

Sur cette lancée, la chargée de mission à LSD Sénégal soutient : ‘’Nous considérons que leurs solutions sont fausses, parce qu’on n’implique pas les communautés qui vivent l’impact des changements climatiques. Venez au Sénégal, allez à Bargny, cette année, la mer a ‘dévoré’ une très grande partie des maisons qui se trouvent sur le littoral. Allez au niveau du delta du Saloum, la mer avance et beaucoup de terres sont salées. Donc, il est impossible de faire de l’agriculture. C’est pourquoi nous nous sommes réunis ici à Saly pour contrer cette Cop29.’’

Pour M. Dibala, cette rencontre est une occasion de discuter et de proposer des solutions : ‘’Il y a plusieurs thématiques, dont la souveraineté alimentaire. Vous savez que les changements climatiques, avec leurs conséquences, font perdre des choses à l’humanité et surtout aux personnes vulnérables. Donc, nous parlerons de ce que ces personnes perdent de façon définitive et de ce qu’on perd et qu’on devrait retrouver. Quel est l’impact des changements climatiques sur nos conditions de vie ? L’essentiel est de savoir ce qu’on propose pour faire face à ce phénomène.’’

La marche des femmes leaders contre la Cop29

Parallèlement à la tenue de cette Contre-Cop, 300 femmes leaders venues de 22 pays africains ont battu le pavé à Saly Portudal pour exprimer leur opposition à la Cop29. Pour ce qui les concerne, elles estiment que l’Afrique est injustement traitée dans la lutte contre les changements climatiques. ‘’On a organisé cette marche parce qu'en Afrique, on a constaté qu'il y a beaucoup d'injustices que vivent les communautés. Donc, plusieurs pays sont présents aujourd'hui pour s'organiser et dire au monde entier les problèmes que vivent les femmes d'Afrique. D'ici quelques jours, nous allons tenir la Cop29. Malheureusement, à cette rencontre, ce sont les chefs d'État qui y participent pour prendre des décisions sur la régulation de l'environnement. Les impactés ne sont pas conviés et parmi eux, les femmes et les jeunes restent les plus vulnérables. Dans ces décisions, les impactés ne sont pas pris en compte. C'est pourquoi, au Sénégal, nous avons décidé de tenir une Contre-Cop pour faire connaître nos doléances comme les pays le feront à Bakou’’, a indiqué la présidente des femmes transformatrices des produits halieutiques à Bargny, par ailleurs vice-présidente de Lumière Synergie et Développement.

Dans cette même mouvance, Fatou Samba poursuit : ‘’Avec cette marche, nous disons au monde entier de tenir compte de nos préoccupations en impliquant les femmes dans les prises de décisions. Nous sommes 22 pays au total et plus de 300 participants. Il y a l'Assemblée climatique et le Contre-Cop qui regroupent tous les deux 300 participants venant de 22 pays d'Afrique. Aujourd'hui, le Sénégal est l'épicentre du message que nous porterons avec l’avancée de la mer détruisant plus de 100 maisons à Bargny.’’

Venu présider cette activité, l’adjoint au préfet de Mbour a précisé que le réchauffement climatique est un phénomène mondial, mais malheureusement, estime Babacar Dièye, ‘’l'Afrique fait partie des continents qui subissent le plus les conséquences désastreuses de ce phénomène et paradoxalement, notre continent n'est pas le plus grand pollueur. Les pays européens et américains produisent plus de gaz à effet de serre qui détruit l'environnement et la planète. Malheureusement, notre continent africain, dont les pays dégagent moins de gaz, subit les effets néfastes de cette pollution. On constate maintenant un cycle déréglé des saisons avec des sécheresses et des inondations. Donc, nous avons tenu à venir assister à cette rencontre pour encourager les ONG qui luttent contre les changements climatiques’’.

D’ailleurs, au Sénégal, assure M. Dièye, ‘’le gouvernement s'est toujours engagé à lutter contre le réchauffement climatique à travers plusieurs protocoles qui ont été signés et au niveau local, la préfecture s'est engagée à soutenir les associations qui œuvrent pour la protection de la planète’’.

IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)

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