La grande offensive américaine
Jusque-là très discrètes sur le marché sénégalais dominé par les Français et les Chinois, les compagnies américaines déclinent leurs nouvelles ambitions et saluent la dynamique de transparence du nouveau régime.
C’est peut-être le début d’une nouvelle ère dans les relations commerciales entre les États-Unis et le Sénégal. Depuis quelques jours, une importante délégation d’entreprises américaines est au Sénégal pour faire du business. Ils sont venus avec l’assistante au secrétaire d’État chargée des Affaires africaines, Mme Molly Phee. La cheffe du Bureau Afrique au sein du département d’État ne cache pas son enthousiasme d’enfiler ce boubou pas du tout habituel au pays de l’oncle Sam. ‘’C’est un plaisir de faire quelque chose d’inhabituel, c’est-à-dire se faire accompagner par des compagnies. Nous avons voulu présenter au nouveau gouvernement l’expertise dont sont porteuses les compagnies américaines’’, a-t-elle commenté lors d’une rencontre avec la presse.
Très présente en matière diplomatique et d’appui des politiques du gouvernement, les États-Unis étaient jusque-là très loin des autres partenaires comme les Français et les Chinois sur le marché sénégalais. Dans le domaine des marchés publics, ils sont quasi absents, devancés par les Turcs (4 % selon le rapport ARMP 2021), les Marocains, les Allemands, les Émirats qui sont autour de 3 %, confiait l’ancien DG de l’ARMP. Selon l’assistante au secrétaire d’État, elles sont évaluées à 50 compagnies les Américaines présentes au Sénégal. Des compagnies qui généralement se caractérisent par leur grande discrétion. ‘’Nous convenons que c’est un nombre très restreint. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme et de plaisir que je suis là avec cette délégation d’entreprises américaines qui reflètent très bien l’avantage comparatif dont disposaient les États-Unis’’, a ajouté Mme Phee.
Avec cette visite, les deux pays espèrent renverser la tendance et booster définitivement leurs relations commerciales. Chez le privé américain, l’optimisme semble le sentiment le mieux partagé. À en croire les membres de la délégation, c’est ‘’une opportunité pour partir sur de nouvelles bases, en s’appuyant sur l’excellence des relations entre les deux pays. Nous sommes en tout cas très engagés pour entrer de plain-pied dans cette nouvelle ère, pour des relations commerciales plus développées. C’est une opportunité non seulement pour le gouvernement américain, mais aussi pour nous qui représentons le secteur privé’’ ont-ils plaidé.
Très enthousiastes, les investisseurs ont soutenu que l’intérêt de beaucoup de puissances pour le Sénégal est un signe positif ; cela ne saurait être un obstacle pour les compagnies américaines prêtes pour une concurrence dans des conditions de transparence. ‘’C’est très bien de noter la présence de plusieurs pays. Cela permet certes d’envisager un avenir radieux pour le Sénégal, mais c’est encore plus radieux avec des partenaires fiables. En tant que États-Unis, je pense que nous sommes un partenaire fiable pour accompagner le développement du Sénégal’’, ajoute un des investisseurs qui est dans le domaine de la technologie.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les politiques jusque-là mises en œuvre par le nouveau régime pour renforcer la transparence dans la gouvernance sont de nature à rassurer les investisseurs américains. Ils saluent non seulement la politique d’ouverture, mais aussi le renforcement de la transparence. ‘’C’est quelque chose que nous saluons vraiment. Le Sénégal est porteur d’une économie très dynamique. Et c’est un réel plaisir d’être là pour voir comment nouer des partenariats, créer des emplois pour les jeunes, mais aussi pour lutter contre les inégalités, en permettant aux femmes d’accéder aux ressources’’, soutiennent les chefs d’entreprise.
Dans la même veine, ils ont salué la volonté du nouveau régime de promouvoir les partenariats public-privé, mais aussi d’œuvrer pour plus de souveraineté. Pour eux, c’est quelque chose de fondamental et ils comptent accompagner le gouvernement dans cette dynamique. ‘’Nous sommes prêts à travailler ensemble dans des domaines comme la technologie, l’agriculture, l’énergie…’’, ont-ils plaidé, non sans assurer que les chemins ont déjà été balisés par les autorités respectives.
Concrètement, des négociations ont été entamées et sont en bonne voie pour des partenariats gagnant-gagnant. Parmi les entreprises accompagnant l’assistante au secrétaire d’État, il y en a une qui s’active dans la fabrication des drones et qui a eu des discussions très avancées avec les autorités chargées de l’agriculture et de la santé.
‘’Personnellement, je suis dans la fabrication des drones. Nous intervenons dans les domaines de l’agriculture, de la santé… Nous envisageons de travailler avec le ministère de l’Agriculture à travers l’Isra, pour collecter un maximum de données que nous pouvons analyser, pour la mise en œuvre de politiques agricoles efficaces’’, s’est réjoui un membre de la délégation qui a aussi annoncé des négociations avec le ministère de la Santé.
Dans le même sillage, des partenariats sont également attendus pour renforcer l’infrastructure technologique du Sénégal, en vue d’améliorer la connectivité des différentes localités, la digitalisation de l’Administration, mais aussi en développant un important programme dans le domaine de la sécurité transfrontalière.
Les investisseurs américains ont, par ailleurs, manifesté une réelle volonté de collaborer avec le secteur privé local qui a l’avantage de connaître le contexte et les priorités nationales. Déjà, ont-ils assuré, il y a pas mal de contacts dans ce sens.
Madame Molly Phee est venue au Sénégal pour aussi représenter son pays à la cérémonie d’ouverture de la Biennale de Dakar dont les États-Unis sont cette année l’invité d’honneur.