‘’Notre génération a été celle de la guerre…’’
Consacré ce samedi, monseigneur Jean-Baptiste Walter Manga est le nouvel évêque de Ziguinchor. Il a déclaré qu’il compte inscrire son épiscopat sur le triptyque miséricorde, paix et développement.
La communauté diocésaine de Ziguinchor, l’Église dans son ensemble ainsi que les communautés musulmanes et d'autres religions se sont rassemblées hier matin à la cathédrale Saint-Antoine de Padoue de la capitale méridionale pour accueillir, selon la liturgie, leur nouvel évêque monseigneur Jean-Baptiste Walter Manga. Le cinquième prélat du diocèse de Ziguinchor a franchi, pour la première fois, les portes de sa cathédrale en tant qu’évêque. Il a été reçu à la porte principale de l’église par le nonce apostolique monseigneur Walter Stanislaw Sommertag, accompagné de l’administrateur diocésain monseigneur Fulgence Coly et du curé de la cathédrale Saturnin Oscar Manga.
Avant d’occuper le siège laissé vacant après le transfert de monseigneur Paul Abel Mamba Diatta au siège épiscopal de Tambacounda, le 4 novembre 2001, il a été consacré la veille évêque de Ziguinchor au séminaire Saint-Louis, en présence d’une foule immense et joyeuse ainsi que des hautes autorités de l’État, dont la délégation officielle était conduite par le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique le général de corps d’armée Jean-Baptiste Tine.
À cette occasion, Mgr Manga a révélé son intention d’inscrire son épiscopat sur les pas de la miséricorde, de la paix et du développement. Citant Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, il a rappelé que ‘’sur le chemin de la paix, Dieu fait grâce’’, ce qui signifie ‘’Dieu fait miséricorde’’. La miséricorde, clame-t-il, paraphrasant encore Sa Sainteté Jean-Paul II, ‘’n’élimine pas la justice, mais la surpasse. C’est pourquoi l’Église proclame la miséricorde comme la plus haute forme de justice dans l’amour. Jésus est venu dans le monde pour révéler le visage miséricordieux de Dieu’’.
Le nouvel évêque de Ziguinchor croit fermement, reprenant le pape Benoît XVI, que ‘’seule la miséricorde peut mettre fin à la cruauté, au mal et à la violence’’.
Pour un Sénégal paisible et prospère
À son avis, ‘’l’homme d’aujourd’hui a besoin de miséricorde’’, principalement l’homme casamançais. ‘’Notre terre de Casamance est rassasiée du sang de nos frères et de nos sœurs’’, a clamé haut et fort monseigneur Jean-Baptiste Walter Manga. Il a invité au ‘’respect de la vie de nos frères et à renverser le mur de la haine, s’il se dresse encore’’.
‘’Vous devez construire ici la demeure de la paix. Vous ne pouvez pas le faire que tous ensemble. Vous ne pourrez pas avancer que si vous entrez en dialogue les uns avec les autres’’, a-t-il fait savoir, citant encore Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II lors de son séjour à Ziguinchor.
Il a précisé que s’il a ‘’tenu à rappeler ces paroles du pape qui résonnent encore dans la mémoire de notre peuple, c’est parce que 32 ans après, l’église de Ziguinchor porte le même souci de la stabilité de la région et compte s’engager davantage avec tous les acteurs politiques, universitaires, religieux, coutumiers, la société civile et les populations pour qu’enfin la page du conflit soit tournée et que nous passions à une nouvelle page de notre région, celle du développement et du rétablissement de la dignité humaine’’.
‘’Notre génération a été celle de la guerre. Laissons à la nouvelle génération une demeure pacifique’’, a-t-il exhorté. Pour lui, nous devons vivre ensemble avec nos différences.
Soulignons enfin que le Premier ministre Ousmane Sonko s’est invité à la cérémonie. Il est arrivé après la messe eucharistique élevant monseigneur Jean-Baptiste Walter Manga au rang d’évêque, mais a pris part au banquet organisé à cet effet.
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Qui est Monseigneur Jean Baptiste Walter Manga ?
Monseigneur Jean Baptiste Walter Manga est né le 18 juin 1972 à Oussouye. Originaire du village de Carounate, son père, Ampa Éloudia Manga, né dans la religion traditionnelle, s’est converti au catholicisme en France lors de son service militaire, prenant alors le prénom d’Étienne. Sa mère, Lucie Assine, provient d’une des premières familles catholiques d’Oukout. La famille s’installe à la fin des années soixante à Carounate, où Étienne travaille comme agent des eaux et forêts à Oussouye, tandis que Lucie est ménagère à la mission évangélique à Siganar puis à Oussouye.
Le jeune Jean Baptiste grandit dans un environnement multiconfessionnel : un village largement dominé par la religion traditionnelle et une maison catholique où les protestants ont tenu pendant des années leurs activités pastorales. Il passe une enfance ordinaire, comme tous les autres enfants, occupée par l’école et le pâturage durant les vacances. Il était particulièrement passionné par cette activité, s’occupant longtemps du troupeau familial. À partir de l’adolescence, le travail dans les rizières devient la principale activité des vacances.
En 1986, en classe de CM2 à l’école de Carounate, il passe le concours d’entrée en 6e au Séminaire Saint Louis de Ziguinchor, par l’intermédiaire de la paroisse Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus d’Oussouye. Admis, il entre alors en octobre 1986 au Séminaire. Après avoir obtenu le BFEM en 1990, il rejoint le Moyen Séminaire Notre Dame du Perpétuel Secours pour l’internat et les cours au Collège Saint Charles Lwanga. Il obtient son Baccalauréat en 1993 et entre alors en octobre de la même année au Grand Séminaire Saint Jean Marie Vianney de Brin pour le cycle de philosophie, où il prend la soutane en 1995. À la rentrée d’octobre 1995, il part pour le cycle de théologie au Grand Séminaire François Libermann de Sébikhotane.
En juillet 1996, il perd son père, Étienne Manga, décédé dans son village de Carounate, où il est enterré. Deux ans plus tard, en octobre 1998, il est affecté pour le stage pastoral au Séminaire Notre Dame et au Collège Saint Charles Lwanga comme surveillant général. Durant ses années de Séminaire, Jean Baptiste a toujours aimé l’écriture et le journalisme. Il crée avec son compagnon de route au Séminaire, Habib Ampa Dieng, plusieurs journaux satiriques, dont « Ukaanaal Bu » (Que faire en joola) à Notre Dame, « La Lorgnette » à Brin et « Wagaan le téméraire » à Sébikhotane.
Le 2 janvier 2000, à l’occasion du jubilé de Mgr Augustin Sagna, il est ordonné diacre avec les abbés Jean de Dieu Sambou, feu Serge Otis Sambou et Joseph Coly. Ils seront ordonnés prêtres le 28 décembre de la même année dans la cour du Séminaire Saint Louis par Mgr Maixent Coly. L’abbé Jean Baptiste est alors affecté au Séminaire Saint Louis comme formateur, enseignant les mathématiques et les sciences naturelles. Il anime également des émissions religieuses catholiques sur les radios locales et, pendant deux ans (2004 - 2006), il est responsable de la commission des vocations.
En octobre 2006, il est profondément marqué par le décès de son oncle, l’abbé Jean Pierre Assine. Il assiste à ses obsèques avant de rejoindre la France pour une mission d’étude. En France, l’abbé Jean Baptiste est accueilli dans le diocèse de Pontoise. Il obtient une licence canonique en théologie biblique au Collège des Bernardins (2008) avec un mémoire sur « Le salut des Nations dans l’épître aux Romains. » Il entame ensuite des études en ethnologie et anthropologie au Centre d’Études africaines de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) à Paris, où il soutient une thèse en février 2015 intitulée « Une monarchie dans un État postcolonial. Anthropologie de la royauté à Oussouye (Sénégal). »
Un mois après sa soutenance, il rejoint son diocèse et la paroisse Saint Benoît de Néma, où il est nommé curé en octobre 2015 par Mgr Paul Abel Mamba. Deux ans plus tard, il est nommé curé doyen de Ziguinchor. Il enseigne en même temps l’anthropologie au Grand Séminaire Saint Jean Marie Vianney de Brin, à l’UCAO-Ziguinchor et à l’Université Assane Seck de Ziguinchor. En octobre 2021, l’abbé Jean Baptiste quitte la paroisse Saint Benoît pour le Grand Séminaire de Brin comme professeur résident. Il est nommé la même année vicaire épiscopal chargé de la pastorale d’ensemble et de la formation permanente des prêtres. Il est vicaire dominical à la paroisse de Nyassia (2021 - 2023) et à la paroisse du Bon Pasteur d’Enampore (2023 - 2024). En octobre 2023, il est nommé vice-recteur du Grand Séminaire Saint Jean Marie Vianney de Brin, poste qu’il occupe jusqu’à sa nomination par le Saint-Père, le Pape François, comme évêque de Ziguinchor, le 20 juin 2024.
HUBERT SAGNA (ZIGUINCHOR)