Plaintes et satisfactions des Sénégalais
La digitalisation des amendes forfaitaires par la Police et la Gendarmerie nationale a permis de générer 941,9 millions FCFA. Si cette initiative est saluée pour sa transparence et son efficacité, des Sénégalais réclament des corrections au niveau de la plateforme pour la rendre encore plus performante.
Un an après son lancement, que pensent les Sénégalais de la digitalisation des amendes forfaitaires par la Police et la Gendarmerie nationale ? Habitant aux Parcelles assainies, Oumar Talla a eu une expérience malencontreuse avec le paiement dématérialisé des amendes forfaitaires. Un jour, alors qu'il roulait en voiture avec sa femme, il a été stoppé au niveau de la VDN 3, vers 23 h. Il pensait que c'était un simple contrôle de routine, mais ce n'était pas le cas. Après avoir fourni tous les papiers que l'agent lui demandait, il était surpris de voir ce dernier le quitter sans lui notifier une quelconque infraction.
Au bout de trois minutes sans nouvelle dans sa voiture, il a rejoint l'agent qui était en train de délivrer des attestations à d'autres camarades d'infortune pour lui demander pourquoi il avait été arrêté. « Il m’a indiqué que c'était pour avoir pratiqué le Yango. Que les conducteurs de ce genre de voiture le font. Je lui ai répondu que ce n’est pas une raison, d’autant plus que cette voiture consomme de l'essence », a expliqué Oumar Talla. Qui lui a rétorqué qu’il pouvait lui prouver qu’il était en compagnie de sa femme et donc qu’il n’était pas avec un client. « Vous n’avez aucun élément de preuve attestant que je suis un chauffeur de Yango… », a-t-il souligné à l’agent de la circulation routière.
Ce dernier lui a demandé son numéro de téléphone. Après lui avoir communiqué son numéro, il a reçu sur le champ un message de la police (daté du 4 janvier à 23h 56 mn). On lui a attesté une contravention de 6 000 FCFA, à payer dans 48 heures au plus tard. Après plusieurs minutes de discussion avec l'agent, il est parvenu à lui démontrer qu'il ne faisait pas du transport, mais c'était déjà trop tard. « Quand je lui ai dit que je suis un agent de la Senelec et que s’il m’avait attesté une contravention fondée, je paierais sans aucune contestation. Il m’a répondu : La Senelec donne des factures de courant déraisonnables et pourtant le client est obligé de payer. Sa réponse m'a paru très ridicule. Parce que même quand Senelec donne une facture, le client a le droit de contester. Alors là, on ne peut pas contester », a expliqué Oumar Talla. Malheureusement pour lui, la cause était perdue d'avance parce que la plateforme ne prévoit pas de possibilité de correction.
« Il sait qu’il a tort, mais il ne pouvait revenir sur sa décision. Il m’a dit qu’une fois que le processus est lancé, il ne peut plus l’annuler. Avant la validation du paiement, l’agent devrait pouvoir annuler la requête. Si le conducteur a déjà payé, c’est normal qu’il ne puisse y avoir annulation pour éviter le vol ou la correction. Mais quand la transaction n’a pas encore été lancée, elle doit pouvoir être annulée », a-t-il analysé. Le jeune homme soutient que lorsqu’il a vu l’intensité avec laquelle les agents arrêtaient les voitures ce jour-là, il a compris qu’ils avaient un quota (nombre d’arrestations à faire par jour).
Trouvé à Yoff, un conducteur de taxi a, dans l'anonymat, donné son avis sur la plateforme de paiement dématérialisé des amendes forfaitaires de la police et de la gendarmerie. Depuis que cela existe, il n'a pas encore été confronté à cette situation, mais il note qu’il a des collègues qui ont eu à payer à travers le digital. « Ce n’est pas tout le monde qui a l'habitude de garder de l’argent sur leur téléphone. Donc, cela peut être source de conflit entre agent et conducteur. J’invite donc les agents à faire preuve de compréhension. De plus, il faut revoir le délai de paiement. On ne peut pas arrêter un chauffeur et lui demander de payer sur le champ, je l’ai vu. C’est un peu incorrect pour moi. Même s’il a commis une infraction, il faut au moins lui donner un délai de 24 heures. »
D'un âge avancé, Tanar Thiombane est lui aussi conducteur de taxi. Trouvé dans sa voiture à la gare de Yoff, il a, pour sa part, vivement salué cette initiative. « C’est mieux pour tout le monde. Cela arrange aussi bien les hommes de tenue que les conducteurs. Ce qui est génial, c’est que l’argent va directement dans la caisse de l’État. » De son côté, Ameth, un banquier, considère que ce système est une bonne chose. Néanmoins, il recommande qu’il y ait une possibilité de contester.
941,9 millions FCFA collectés via les plateformes dématérialisées
La Police nationale et la Gendarmerie nationale ont publié leur bilan conjoint de 2024 sur la digitalisation des amendes forfaitaires. "Cette collaboration institutionnelle a permis une modernisation accélérée du processus, avec des résultats tangibles en matière d’efficacité et de transparence", a-t-on indiqué dans un communiqué. 164 014 amendes ont été traitées (cumul police + gendarmerie). Le pic mensuel a eu lieu au mois de mai (12 401 amendes) et en septembre (9 032 amendes). 941,9 millions FCFA ont été collectés via les plateformes.
Par rapport au déploiement, 50 points de digitalisation des amendes (PDA) ont été installés sur l’ensemble du territoire. 47 brigades ont été mobilisées (18 pour la Gendarmerie, 29 pour la Police). L'analyse sectorielle a montré qu'en ce qui concerne la police nationale, 98 074 attestations ont été générées, pour un total de 518,7 millions de CFA. Le pic a été enregistré au mois de mai (64,9 millions de FCFA encaissés). Concernant la gendarmerie nationale, 65 940 attestations ont été générées, pour 323,2 millions de CFA. Le pic d’activité a été noté au mois de septembre (42,9 millions de CFA).
BABACAR SY SEYE