Une nouvelle narration en mouvement

La scène culturelle est en pleine effervescence, portée par des événements initiés par des femmes qui ne se font plus attendre. Elles ont trouvé leur place et affirment avec brio leur créativité et leur engagement. Des Cultur’Elles, salon du Livre féminin aux initiatives comme le CinéFemFest et le festival Films Femme Afrique, en passant par l’initiative Écrire la femme, on en fait une lecture encourageante. Que d’œuvres en pleine expansion qui mettent en avant la créativité des femmes et qui, en plus, les célèbrent.
L’agenda culturel national s’est enrichi, depuis quelques années, de manifestations qui célèbrent le génie féminin et met en avant la diversité des expressions artistiques portées par les femmes. Elles viennent enrichir les débats sur les inégalités de genre prennent de plus en plus d'ampleur, de nombreuses initiatives culturelles émergent pour mettre en lumière le rôle crucial des femmes dans la création artistique et le développement culturel. Plutôt que de se concentrer uniquement sur les problèmes, ces projets adoptent une approche proactive, en célébrant les talents, la créativité et l'impact des femmes dans différents secteurs culturels.
Dans cette dynamique, des voix féminines s'élèvent pour défendre et promouvoir la création littéraire des femmes. Parmi ces figures engagées, la romancière et scénariste sénégalaise Amina Seck, qui se démarque par son engagement en faveur de la valorisation des femmes dans les industries créatives et culturelles. Fondatrice de l'agence les Cultur'Elles dédiée à la promotion des arts, des cultures et des industries créatives au profit des femmes, elle est également l'initiatrice du Salon du livre féminin de Dakar (SLFD), une plateforme unique en Afrique de l'Ouest. Elle présente la mission qu’elle s’est donnée vis-à-vis de cette initiative. ¨Le Salon du livre féminin de Dakar a été créé en 2022, mis en place pour montrer et défendre la production littéraire féminine¨, dit-elle. Elle souligne que l’objectif de ce salon était ¨de créer un cadre où les actrices du livre (autrices, éditrices, illustratrices, libraires, bibliothécaires, distributrices) pouvaient s’exprimer, vendre et mettre la lumière sur leur création¨.
En outre, d’après elle, le SLFD porte en lui un engagement fort envers la littérature féminine sénégalaise, africaine et mondiale. Mais il fait plus que valoriser.
En effet, d'après Amina Seck, il n’y a pas plus beau moment que de voir des femmes réunies pour parler de leur art. ¨Chaque moment est fort et exceptionnel au Salon du livre, tant sur la qualité des panels, des interventions que le choix des intervenantes. La dernière édition (du 20 au 22 décembre 2024) a inclus deux prix littéraires pour les femmes, premiers du genre en Afrique : Prix Ken Bugul du livre et le Prix des lycéennes du premier livre féminin. C’est des moments inédits qu’on se veut de faire partager aux femmes de lettres¨, félicite-t-elle.
Soulignons que c’est l'unique événement littéraire qui se tient sur trois jours et qui est exclusivement réservé aux femmes. ¨Chaque année, en marge du salon, une résidence de création et d'écriture de nouvelles est organisée pour dix femmes. Les résidences font suite à un recueil de nouvelles collectif, écrit par les participantes et édité par une maison d'édition créée par une femme¨. Telle est la résultante de cet événement qui promeut le talent féminin et qui, en plus, est initié par une femme.
Parlons des résultats. Pour la deuxième édition du Prix littéraire Ecrire la femme, lancée le 24 février dernier pour ¨encourager la création littéraire sur les thématiques liées à la condition de la féminine et aux discriminations subies par les jeunes filles. D’après le comité d’organisation, ce prix vise à ¨sensibiliser la jeunesse à travers l’écriture, pour promouvoir l’équité et l’égalité de genre. Inciter les médias à intégrer dans leurs contenus la lutte contre les stéréotypes sexistes et les inégalités de genre¨.
En outre, il promeut, l’évolution des mentalités en organisant des débats publics et des campagnes de sensibilisation sur les inégalités sociales, mais surtout ce prix met en lumière la promotion et l’autonomisation des femmes. En peu de mots, Ecrire les femmes se veut un outil de réflexion et d’action. Une action de plus, qui ne laisse pas indifférent.
Des festivals pour la promotion du cinéma féminin
À côté du Salon du livre féminin organisé par l’agence les Cultur’elles, il y a le Festival africain du film et de la recherche féministes (Cinefemfest) ¨Gëstu Nataal i Jigeen¨. L'événement, qui a pour directrice docteure Rama Salla Dieng, est une plateforme de réflexion et de promotion des œuvres féminines dans l'industrie cinématographique et artistique. Dans ce sens, le 7 février dernier, à la place du Souvenir africain, s’est tenue la cérémonie de restitution de sa résidence d’écriture 2024. ¨L’objectif de ce festival est non seulement de faire de la recherche, mais aussi d'éduquer. À travers, ce qu'on produit comme recherche, on voudrait que cela soit utile à la société, que d'autres personnes le lisent¨, a dit dans, une interview avec ‘’EnQuête’’ en février dernier, docteure Rama Salla Dieng. En outre, elle précisait qu’il ne s'agit pas seulement de publier des articles académiques qui seront lus par un petit nombre, mais de montrer des films qui ont une portée intergénérationnelle et qui peuvent être utiles aux générations actuelles. ¨Donc, c'est ça vraiment l'objet du CinéFemFest. Réaliser qu'il y a aussi aux côtés de grands cinéastes que nous avons eus, comme Ousmane Sembène ou Mambety, d'autres, des femmes, qui ont aussi créé et réalisé des choses importantes¨.
Ainsi, le Cinefemfest avait initié dans sa démarche le projet de résidence d'écriture et de création "Intersections : Selebeyoon¨. Une initiative pour créer un projet multidisciplinaire, à l'intersection des arts, de la recherche académique et du militantisme féministe.
Selon Rama, l’intérêt de cette restitution est de montrer qu'il est tout à fait possible, pour différentes disciplines, de se mettre en commun et surtout de dialoguer, car nous avons souvent tendance à évoluer en solo. ¨Un moment privilégié qui a permis à chaque discipline et à chaque spécialiste d'échanger avec ses pairs, tout en favorisant une approche de partage et de collaboration. L'événement a été rehaussé par la présence de figures féminines éminentes telles que l'écrivaine de renom Ken Bugul, la photographe et écrivaine Amina Jules Dian ainsi que la juriste et cinéaste Jocelyne Tithiam Faye. Et une fois encore, cet événement a célébré la richesse des voix féminines, en mettant en avant leur rôle essentiel dans la création artistique et la réflexion sociétale.
De ce fait, on ne peut parler de festival sans citer le festival Film Femme Afrique (FFA), qui se tiendra du 26 avril au 4 mai prochains à Dakar. Selon l'organisatrice Martine Ndiaye, cet événement annuel a pour objectif de mettre en avant les œuvres cinématographiques réalisées par des femmes. "Le festival vise à promouvoir les films réalisés par des femmes, mais ce n’est pas tout. Au cours de cet événement, des panels, des ateliers créatifs, des projections de films et des activités centrées sur le bien-être seront organisés", explique Martine Ndiaye lors d’un échange téléphonique.
En effet, d'après elle, le festival FFA est une initiative qui sert de pont entre la formation, la créativité et la valorisation des œuvres cinématographiques. Des espaces innovants sont également dédiés à des discussions féministes sur la construction du patrimoine cinématographique africain. Cependant, Mme Ndiaye souligne que l'appel à films n'est pas exclusivement réservé aux réalisatrices. Le festival accepte également des films réalisés par des hommes, car l'équipe d'organisation prône la parité. "On est souvent sceptique de constater que les femmes s'engagent beaucoup plus dans les œuvres documentaires. On aimerait aussi voir cet engagement dans les longs métrages de fiction, ce serait bien", confie-t-elle.
Un festival pour valoriser les cultures urbaines
L’artiste rappeuse, Fatim Sy, connue sous le nom de Fatim 44, animatrice télé et militante engagée dans la promotion des cultures urbaines, avec une longue expérience dans l'univers du rap et du hip-hop, a mis sur pied le festival Cultur’Elles. Une rencontre qui met en avant les artistes féminines et la culture urbaine. Elle revient sur le déclic : ¨J'ai lancé ce festival parce que j’ai constaté depuis longtemps que, malgré un talent indéniable, les femmes étaient trop souvent marginalisées dans les milieux des cultures urbaines¨, relate Fatim 44. Donc, il était nécessaire, pour elle, de créer un espace dédié pour valoriser la créativité, favoriser l'échange d'expériences et permettre un développement professionnel adapté aux besoins de ces femmes qui évoluent dans ce milieu. Des objectifs nous ont été énoncés. L'objectif était double, déjà dans un premier temps : renforcer les compétences techniques et artistiques, offrir aux participants des ateliers sur le self-management, la technique vocale, la maîtrise de l'instrument voix, l'expression scénique et bien d'autres domaines essentiels à une carrière réussie’’.
Elle poursuit : ‘’Favoriser également, la diversité culturelle et l'élargissement des marchés, créer un lieu de rencontre pour des créatrices lieux d'horizons différents afin de stimuler un échange culturel riche et de permettre aux femmes d'accéder à de nouveaux débouchés dans l'audiovisuel, la phonographie et les spectacles, tant en Afrique qu'à l'international¨, a souligné de façon claire Fatim 44.
Pour elle, ce festival est un levier qui marque par des actions fortes. ¨Il y a des moments forts. Des ateliers inspirants animés par des professionnels reconnus ont permis aux participantes de se former sur des techniques essentielles et de découvrir des approches innovantes dans leur art. Également, il y a eu des performances mémorables avec des scènes vibrantes où l'énergie, la passion et le talent de chaque artiste ont su captiver le public. Et pour finir, les échanges enrichissants qui sont marqués par des moments de réseautage et de partage d'expériences qui ont renforcé la solidarité et la collaboration entre femmes créatrices.
Ainsi, ces quelques initiatives, qui regroupent et promeuvent les femmes, représentent l’un des rares moments où l’on met en lumière des talents féminins trop souvent relégués dans l'ombre, malgré leur contribution essentielle aux cultures urbaines.
¨C'est pourquoi il est crucial de multiplier les initiatives comme ce festival, qui permettent de rééquilibrer la représentation et d'offrir une plateforme valorisante pour toutes¨, souligne Fatim Sy.
Cependant, la principale difficulté reste le financement. Les idées ne manquent pas, l'énergie est là, mais les moyens d'accompagnement peinent à suivre. Pourtant, investir dans ces projets serait investir dans une société plus juste et inclusive. Car sans ces femmes, les cultures urbaines, la richesse littéraire et la force de la cinématographie perdraient une partie essentielle de leur âme, celle qui transforme la résilience en patrimoine et l'ombre en lumière.
Thecia P. NYOMBA EKOMIE