Publié le 10 Jul 2025 - 23:16
AÏSSA MAÏGA (ACTRICE-RÉALISATRICE)

Un modèle pour les femmes noires

 

Réalisatrice et actrice ayant réussi à se faire une place dans le cinéma français, Aïssa Maïga est perçue comme un modèle pour les femmes noires. Marraine du Fonds Maïssa, elle accorde une importance capitale à la formation des femmes noires. Elle a annoncé son prochain film, un documentaire sur son père.

 

Née au Sénégal et ayant grandi en France, l’actrice et réalisatrice Aïssa Maïga est sans conteste une star internationale. D’un père d'origine malienne et d’une mère sénégalaise, elle a gravi les échelons jusqu’à s'imposer en tête d’affiche. Aujourd'hui, elle est devenue un très grand modèle, notamment pour les femmes noires dans bon nombre de métiers du secteur du cinéma et de l'audiovisuel.

« C'est un rôle modèle déjà pour moi à titre personnel, mais pour toute une génération de femmes. Elle incarne à travers ses engagements, à travers aussi sa carrière, ce plafond de verre que parfois certaines femmes pensent qu'on leur impose. Aïssa, à chaque fois qu'elle passe ses étapes, on ne voit pas de limite. Et elle donne des ailes aux femmes », a témoigné l'attachée audiovisuelle régionale à l’ambassade de France au Sénégal, Séraphine Angoula, lors d’une conférence de presse sur le Fonds Maïssa.

En effet, Aïssa Maïga a été choisie en tant que marraine de ce fonds dédié au leadership et à la création au féminin dans le secteur du cinéma et de l’audiovisuel en Afrique de l’Ouest. Séraphine Angoula estime d’ailleurs qu’il devrait y avoir plus d'Aïssa, dans plein de secteurs d'activité, en casting, en réalisation. Car Aïssa Maïga, ne se focalisant pas sur la France, travaille sur des projets internationaux avec un regard sur le continent africain.

Le réalisatrice et actrice a fait ses premières armes sur les planches de la comédie musicale. « J’étais au collège et c’est une enseignante qui m’a vraiment fait goûter à la scène. Je me suis retrouvée dans une comédie musicale qu’elle a écrite pendant trois ans », renseigne la Franco-Sénégalo-Malienne. C’était à Paris. Par la suite, elle s'est inscrite en cours de théâtre dans son quartier, avant d’aller à la Fac de Théâtre après le Bac. A la suite de ses études supérieures, elle a effectué des stages. « Ce qui m’a donné envie, c’est que j’avais l’impression que les films pouvaient changer les mentalités, le monde », déclare Aïssa Maïga à EnQuête.

A l’affiche dans la série King Shaka

Dans sa carrière d’actrice, elle a joué plein de rôles qui l’ont marquée. C’est le cas du rôle qu’elle a joué, en 2007, dans Bamako d'Abderrahmane Sissako. Elle a interprété le rôle d'une chanteuse. Et c'était au Mali, un pays cher à son cœur. D’ailleurs, elle a été nominée dans la catégorie meilleur espoir féminin aux César. Ce film d'Abderrahman Sissako, très engagé, dénonce l'emprise des institutions financières internationales sur le continent africain.

Aïssa Maïga confie qu’il y a également une série qui n'est pas encore sortie et qui s'appelle King Shaka, sur Shaka Zulu, dans lequel elle joue le rôle de la reine Nandi.

Elle a été récompensée au Festival de Bastia pour son rôle dans Bianco e Nero, un film italien réalisé en 2008. Celui-ci relate l’histoire de Carlo, un informaticien amoureux d’une Sénégalaise mariée à un collègue de sa femme. Il parle des relations interraciales et des préjugés.

Elle est à l'affiche du film Promis le ciel, le troisième long métrage de la Franco-Tunisienne Erige Sehiri. Elle y joue le rôle de Marie, une femme pasteur ivoirienne et ancienne journaliste vivant à Tunis. Cette année au Festival de Cannes, l’ouverture d’Un certain regard s’est déroulée avec la projection de ce film. Engagée, Aïssa Maïga est aussi marraine d’une ONG formant du personnel médical en Afrique.

Incursion dans la production

Aujourd'hui, Aïssa Maïga s’intéresse beaucoup plus à la production. Elle est d'ailleurs en train de renforcer et structurer sa société dont le lancement est prévu l’année prochaine. Elle produit un film documentaire sur son père. « Je prépare un documentaire sur mon père, qui était un journaliste malien. Il s'appelait Mohamed Maïga. C'était un journaliste très engagé, qui était un des très proches de Sankara. Et mon père a beaucoup œuvré pour la Révolution, mais il est mort au tout début, le 1er  janvier 1984, d'un empoisonnement », renseigne-t-elle. Ce documentaire, dit-elle, est à la fois un travail de mémoire, une enquête, un hommage, et puis une exploration au-delà de la figure de son père, de cette époque et de l'héritage. « Il y aura forcément un petit peu de tournage au Sénégal et dans d'autres pays de la sous-région », confie-t-elle.

Aïssa Maïga a réalisé son premier film Marché sur l'eau, qui parle du manque d'eau et du réchauffement climatique en Afrique de l'Ouest, mais à l'échelle d'un village au Niger. Pour elle, c'est une manière d'« apporter un regard sensible sur une question angoissante, très anxiogène, et de montrer aussi la voix des sans-voix ».

Interpellée sur les obstacles auxquels elle a dû faire face en tant qu'actrice noire d’abord, elle déclare : « C'est le côté stéréotypé des rôles, surtout quand on est jeune. On a peu accès à des rôles consistants. Je pense qu'en tant qu'actrice noire en France, évidemment, la question de la discrimination raciale a été quelque chose de très important, contre lequel je me suis beaucoup battue et je continue à me battre ».

En outre, elle estime qu’il y a les barrières qu'on intègre soi-même. « Mais bon, moi j'ai quand même la chance d'avoir été élevée dans une famille très progressiste, d'être très soutenue par mon mari, mes enfants, ma famille, mes amis. Ça donne beaucoup de force. Quand on est dans des situations où il y a beaucoup d'obstacles, il faut savoir quels sont nos endroits de force sur lesquels on peut vraiment s'appuyer, dans lesquels on peut respirer », ajoute-t-elle.

La question de la formation des femmes afro

Aïssa Maïga se préoccupe des formations des femmes afro qui souhaitent travailler dans ce secteur. À travers différents voyages dans le cadre de ses projets, elle a pu constater que les opportunités de formation sont rares en Afrique. « Une question qui me vient très souvent, c'est : “Est-ce que tu connais une réalisatrice afro-descendante, une réalisatrice noire, qui vient d'ailleurs des Caraïbes ou du continent africain, qui aurait déjà fait plusieurs courts-métrages ?” Et c'est très frustrant parce qu'on est vraiment trop peu nombreuses », déclare-t-elle, en se réjouissant de cette initiative.

Elle s’appuie sur des chiffres pour étayer son propos. « Ici, je ne les connais pas. En France, j'ai vraiment l'occasion de beaucoup les observer, notamment grâce au travail d'un collectif qui a œuvré beaucoup dans ce sens-là, qui est le Collectif 50-50, et les chiffres sont souvent très têtus. En général, dans les écoles de cinéma, il y a autant de filles que de garçons. Et puis, à la sortie, les femmes disparaissent. Et ça, c'est valable quasiment partout dans le monde. Et malheureusement, le cinéma africain ne fait pas exception. Dès qu'on arrive sur le marché du travail, tout à coup, il y a moins de femmes, alors qu'il y a des prétendantes », déplore-t-elle.

Elle soutient également que le budget reçu par les femmes pour faire un film est souvent bien inférieur à celui donné aux hommes. Et selon elle, c’est pareil pour la promotion des films, avec des budgets alloués au marketing, inférieurs quand il s'agit des femmes.

Ainsi, le Fonds Maïssa est pour elle un luxe. « C'est presque un dû, je dirais. Non pas qu'on soit dans une logique d'exigences vis-à-vis de l’ambassade de France, mais ce fonds a vraiment sa raison d'être parce qu'il va permettre à toute une génération, mais peut-être même à plusieurs générations, de s'appuyer sur une structure qui est là pour elles… », se félicite-t-elle.

« C’est aussi un espace d'expertise où on peut trouver des relais déjà au sein de la cohorte. J'imagine que ça a dû être assez riche parfois d'échanger avec les consœurs. Mais le fait d'être lue par des professionnels, d'avoir des retours, c'est quelque chose de très précieux aussi », dit-elle.

 

BABACAR SY SEYE

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