Addis-Abeba, le sommet de tous les dangers ?
Le nouveau sommet de l'Union africaine qui s’est ouvert jeudi 12 juillet à Addis-Abeba s’annonce sous tension, à commencer par la question épineuse de la réélection du président de l'organisation. Le sommet devra également aborder les crises et conflits qui ont cours sur le continent (Mali, est de la RDC et Soudans). Six mois et pas de miracle… L’Union africaine (UA) est apparue divisée, le 12 juillet à Addis-Abeba, à l’ouverture de la réunion des ministres des Affaires étrangères, en préalable au sommet des chefs d’État qui se tiendra les 15 et 16 juillet.
En janvier, l’organisation avait échoué à départager le Gabonais Jean Ping et la Sud-Africaine Nkosazana Dlamini-Zuma, tous deux candidats à la présidence de la commission de l’UA. Les chefs d’État avaient jugé plus sage de reporter l’élection. Six mois, plus tard, tous campent encore sur leurs positions : ni l’Afrique centrale, ni l’Afrique australe n’ont accepté de se désister, pas plus qu’ils n’ont décidé de modifier les règles du vote qui, début février, avait mené à l’impasse. « Il va encore y avoir des consultations de dernière minute, bien sûr. Mais les présidents Jacob Zuma et Ali Bongo Ondimba se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises et cela n’a rien donné, regrette un diplomate ouest-africain. À ce rythme-là, nous allons nous retrouver dans la même situation qu’en février. »
Dans le siège – flambant neuf – de l’UA, les spéculations vont bon train. Que faire en cas de nouveau blocage ? « Il faut étudier toutes les pistes, insiste un observateur panafricain. On pourrait par exemple envisager de choisir un outsider, quelqu’un qui n’a pas fait acte de candidature, originaire d’Afrique du Nord par exemple. On pourrait aussi imaginer, si l’UA tient au principe de rotation régionale, qu’une autre personnalité d’Afrique australe soit choisie, mais qui ne serait pas originaire d’Afrique du Sud. »
Jean Ping, malgré tout, est apparu confiant. Devant les ministres, ambassadeurs et délégués réunis à Addis-Abeba, celui qui est resté président de la Commission n’a pas évoqué la délicate question de sa réélection, mais a dressé le bilan des activités de l’organe qu’il dirige, pour l’année écoulée. Mais « cette situation pose un problème à (notre) organisation et c’est un défi pour les États membres », a reconnu Nassirou Bako-Arifari, le ministre béninois des Affaires étrangères, dont le pays assure actuellement la présidence tournante de l’UA. A noter que, le 10 juillet, Jean Ping a, dans un long communiqué, réaffirmé sa candidature à sa propre succession et redit qu’il avait le soutien de son pays - un communiqué qui portait le sigle de l’UA et, le 12 juillet, dès l’ouverture des travaux, le ministre botswanais des Affaires étrangères s’en est bruyamment indigné.
Rébellions au Mali et en RDC… bien d’autres sujets à traiter
Ce ne sont pourtant pas les sujets d’actualité qui manquent. La crise au Mali doit être évoquée lors d’une réunion du Conseil de Paix et de sécurité (CPS), le 14 juillet. Bamako est suspendu depuis le coup d’État du 22 mars, mais plusieurs chancelleries africaines ont émis le souhait d’accueillir a Addis-Abeba, et à titre exceptionnel, le président malien par intérim, Dioncounda Traoré, réfugié à Paris depuis la violente agression dont il a été victime, le 21 mai.
Autre sujet brûlant, la situation dans l’est de la RDC, où les mutins du M23 ont fait reculer l’armée congolaise et pris une demi-douzaine de localités, début juillet. Les Nations unies ont accusé de hauts responsables rwandais d’avoir directement aidé le M23 – ce que Kigali a toujours démenti. L’UA parviendra-elle à rassembler autour d’une même table les présidents rwandais, Paul Kagamé, et congolais, Joseph Kabila ? Rien n’est moins sûr, d’autant que la présence de Joseph Kabila à Addis n’a pas été confirmée, mais une réunion de haut niveau, exclusivement consacrée à la situation dans les Grands lacs, doit être organisée le 14 juillet. À cette occasion, des pressions – « amicales », assure-t-on à l’UA – devraient être exercées sur Kigali. En attendant, Jean Ping a appelé à « l’éradication définitive de toutes les forces négatives dans la région, en particulier le M23 et les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda, NDLR) ».
Les ministres des Affaires étrangères de la région des Grands Lacs, réunis le 11 juillet, semblent avoir fait avancer les discussions. Louise Mushikiwabo, la Rwandaise, et Raymond Tshibanda N’tungamulongo, le Congolais, auraient donné leur accord pour la mise en place d’une force internationale neutre, censée éliminer les rébellions du M23, mais aussi des FDLR. Avant la tenu du mini-sommet sur les Grands Lacs en présence des chefs d’État, rien n’a filtré sur la composition d’une telle force (extension du mandat de la Monusco ? troupes africaines ?). Dans les jours qui viennent, il sera aussi question de la tension très forte qui règne entre les deux Soudans, au bord de la guerre un an tout juste après l’indépendance du Sud. L’UA s’est réjouie de la reprise des négociations entre Khartoum et Djouba, notamment sur la question des frontières… A moins, bien sûr, que la rivalité qui oppose Ping et Dlamini-Zuma n’éclipse, cette fois encore, tous les autres sujets.
JeuneAfrique