Un amoureux des Tic
On l’appelle le ‘’Berger high tech’’, en référence à ses origines peulhs et sa maitrise des technologies de l’information et de la communication. EnQuête vous le fait découvrir davantage.
Abdoulaye Ly, son nom à l’état civil, ne dit rien au grand public. Mais, quand vous dit le ‘’Berger high tech’’, il sort de l’anonymat. Agé de 33 ans, Abdoulaye Ly est un jeune Sénégalais qui donne des trucs et astuces aux usagers des Tic. Ingénieur informaticien spécialisé en transmission de données et sécurité de l’information (cryptologie), il fait de petites vidéos sur les réseaux sociaux dont TikTok pour aider ceux qui le suivent à savoir mieux utiliser les applications sur leurs téléphones ou gérer les paramètres de sécurité. Il est également chroniqueur dans une émission diffusée à la télévision. La rubrique qu’il anime est baptisée Tech 2.
Jeune, l’évolution rapide des Tic a été chance pour lui. Car, son amour pour les technologies de l’information et de la communication n’a fait que croitre. Alors qu’il était encore à l’école primaire, un de ses oncles vivant aux USA lui a envoyé un ordinateur portable. Peu de gens avait internet, à cette époque. Il a demandé, malgré tout, à son père de s’abonner à internet. ‘’J’ai commencé à faire partie des foras. Vu qu’il n’y avait pas de moteur de recherches, on était obligé d’écrire nos problèmes dans des foras et, à partir de là, on recevait des réponses de la part de nos aînés. C’est à ainsi que j’ai découvert des sites comme du zéro qui est devenu open classroom et, hop ! le virus de la recherche orientée ‘’hitech’’ m’a contaminé. J’ai toujours été en avance par rapport à ma génération. D’ailleurs, c’est ce qui m’a valu mon orientation en série technique, parce que le principal et certains de mes professeurs au collège avait détecté ce potentiel technique en moi, très tôt. J’ai grandi avec cet esprit de partage, en quelques sortes. C’est ce qui a fait de moi un berger high tech’’, confie Abdoulaye Ly.
En effet, après l’obtention de son Brevet de fin d’études moyennes (Bfem), en 2005, il a été orienté en série technique au lycée Seydina Limamoulaye de Guédiawaye où il a eu son bac, en 2008. ‘’C’est à ce moment que j’ai commencé à faire l’informatique au CFPT (Sénégal Japon). Après l’obtention de mon BTS en informatique industriel et réseaux, je suis parti faire téléinformatique (télécom et informatique) à l’Ecole supérieure multinationale des télécoms (ESMT), pour suivre une formation en ingénierie télécom. Après trois ans de travail dans l’administration, je me suis inscrit en cours du soir à l’UCAD, au département de mathématiques, pour faire un master en transmission de données et sécurité de l’information que j’ai finalement eu. Depuis lors, je suis des cours en ligne pour obtenir des certifications, afin de suivre l’évolution des choses’’, explique-t-il.
Cela ne le lasse pas. Au contraire, ça le passionne. En plus, cela lui fait plaisir de rencontrer des personnes qui le remercient souvent et l’encouragent au quotidien. Souvent, ça va même au-delà des remerciements. Certains lui font des facilités dans leur travail. ‘’Pour moi, c’est plus fort que le salaire. Même si cela requiert d’avoir des téléphones pour les tester, par exemple. C’est grâce à mon boulot d’ingénieur que j’arrive à satisfaire ces dépenses. Pour vivre de son métier d’influenceur au Sénégal, il faut arriver à un certain niveau, on pourra ainsi gagner des pubs, des placements de produits, …, parce que YouTube a durci les règles de monétisation. ‘’TikTok’’ ne paye pas les créateurs africains ; les autres plateformes, n’en parlons même pas. Et pour arriver à ce niveau même, il y’a des types de contenus qui sont beaucoup plus convoités tel que l’humour, les sketchs. Déjà, on ne voit pas assez de créateur de contenus tech au Sénégal. Donc, mieux vaut avoir parallèlement un métier. Nous avons globalement une connaissance de surface, c’est-à-dire l’utilisation basique quotidienne qu’on en fait. Le Sénégalais se dote des dernières technologies, ce qui fait de nous des consommateurs passifs. Malheureusement, on ne maîtrise pas le fond des choses, c’est-à-dire l’architecture, la sécurité… Et c’est là où se trouve le véritable problème’’, confie-t-il. Pour étayer ses propos, il prend l’exemple de la gestion de l’administration.
Selon lui, on peut dématérialiser l’ensemble des procédures comme la gestion des états civils, les amendes forfaitaires, les impôts, entre autres. Une chose qui pourrait faire gagner du temps et de l’argent. ‘’Si par exemple on pouvait automatiser la gestion des jugements dans les tribunaux avec des systèmes d’alerte, ça allait alléger le travail des greffiers, des juges et cela va éviter les longues détentions. Je peux citer des centaines de cas. Ce métier ne nourrit pas son homme, comparé aux autres communautés. Ceci s’explique par le fait que, plus de la moitié de la population est, disons, analphabète. Ce qui fait qu’ils ne comprennent pas trop l’utilisation des Tic et pratiquement tout le monde possède un smartphone. Ce dernier est un océan avec les applications souvent qui peuvent devenir un danger pour un utilisateur non averti. Et vu que je recevais pas mal de questions concernant les téléphones, je me suis dit pourquoi ne pas créer une chaîne YouTube et une page Facebook, pour faire de petits tutoriels en wolof avec un langage terre à terre. C’est comme ça que c’est parti et, vraiment, je suis surpris de l’ampleur que ça a pris. Je vois mes vidéos dans plusieurs groupes WhatsApp. Ça fait vraiment plaisir. C’est un sentiment de fierté et de satisfaction’’, indique l’expert en Tic.
‘’Mon plus grand rêve c’est de voir l’informatique et l’anglais intégrés dans l’enseignement primaire’’
Dans le futur, Abdou Ly, aimerai avoir un centre de formation orienté ‘’Tech’’ et une plateforme E-learning (qui est en cours de développement) pour les profanes. Une chose qui relèvera, selon lui, un peu le niveau high tech. Aussi, il souhaite attirer l’attention des autorités sur l’importance des Tic, parce que ça peut être un vecteur de développement économique. C’est un grenier d’emplois, affirme-t-il.
‘’Mon plus grand rêve, c’est de voir l’informatique et l’anglais intégrés dans l’enseignement primaire. De ce fait, on aura une génération très au diapason de ce qui se fait dans le monde. On parle de fintech, de data, de néo banque, d’intelligence artificielle, etc. Le chiffre d’affaires de Google seulement représente le budget de plusieurs pays africains réunis, donc, il faut qu’on s’y intéresse, pour ne pas être laissé en rade’’, suggère Abdoulaye Ly.
CHEIKH THIAM