‘’Niasse et Tanor ne sont plus à un gâteau près’’
On aurait dit un disciple qui croit profondément à l’irréprochabilité de son maitre. Le ton ferme, le discours toujours très engagé, le président du Collège des délégués de l’Autorité de régulation des télécommunications et des postes (Artp), Abou Abel Thiam, démonte les critiques contre le régime du président Sall, dont les réalisations du septennat, à l’en croire, seraient bien au-delà des espérances. Le ‘’journaliste’’ revient également sur les difficultés de la presse, la cherté des services de télécoms, entre autres.
Comment se porte le secteur des télécommunications au Sénégal ?
Le secteur des télécommunications, de l’économie numérique en général, se porte très bien. J’en veux pour preuve le nombre de détenteurs de téléphones. On peut dire que le Sénégalais est aujourd’hui un homme connecté. Nous avons quelque chose comme 2 millions 500 mille détenteurs de comptes Facebook. Cela se traduit aussi par une présence très importante de ces Sénégalais. En même temps, l’infrastructure se développe. Les trois opérateurs sur le marché se portent très bien. Le processus d’acquisition de la licence 4G par Tigo en est une illustration parfaite. Peut-être, le troisième opérateur, aussi, ne va pas tarder à en faire la demande, si le besoin se fait sentir à son niveau. On peut donc affirmer que le secteur du numérique est en très bonne santé dans notre pays.
Les Sénégalais, souvent, se plaignent de la cherté des services de télécommunications. Que fait l’Artp pour une baisse des prix dans ce secteur ?
Cet état d’âme des Sénégalais peut se comprendre. D’un autre côté, l’utilisation des télécoms étant de plus en plus accrue, le chapitre téléphone est devenu très important dans le panier de la ménagère. Il faut désormais inclure dans le budget des ménages ce chapitre téléphone. Et compte tenu de la fréquence de l’utilisation, le consommateur, naturellement, peut être enclin à trouver le prix très cher. Ce qui n’est pas forcément le cas. Il y a, toutefois, à abaisser les prix de la communication téléphonique et de la connexion Internet, j’en conviens. De toute façon, la loi du marché forcera les opérateurs à rendre leurs tarifs compétitifs. L’Etat s’inscrit dans cette logique à travers différentes mesures.
En attendant, les opérateurs continuent de drainer des milliards sur le dos des Sénégalais. Dans un pays pauvre comme le nôtre, n’est-ce pas un peu indécent ?
On ne peut parler d’indécence. Peut-être un caractère exorbitant. Mais cela est lié à la consommation effrénée des services du numérique. Il faut se dire que nous sommes dans une révolution où il y a un changement radical de l’environnement. Aujourd’hui, le numérique touche à tout. Il a profondément changé nos habitudes. Comme je le disais tantôt, la part du numérique dans le panier de la ménagère est de plus en plus importante. C’est peut-être ce qui explique ces bénéfices importants. Avant, le téléphone était utilisé juste pour parler à quelqu’un. Ce n’est plus le cas, maintenant. Le téléphone, aujourd’hui, sert de télévision, de radio, à parler, à payer des factures, à recevoir de l’argent… Cette révolution va continuer. Et c’est quelque chose à saluer.
Parlons maintenant de la situation de la presse. Quel regard portez-vous sur les difficultés de ce secteur qui vous a vu éclore ?
Les difficultés de la presse ne sont pas spécifiques au Sénégal. La presse, dans sa compréhension traditionnelle, vit des moments difficiles, mais c’est universel. Le développement du numérique dont on parlait en est pour quelque chose. Avant, pour s’informer, il fallait avoir un poste radio ou téléviseur. Ce n’est plus le cas. L’information est maintenant en continu sur la toile. Et même la fonction de journaliste connait une profonde mutation. Avant, pour véhiculer une information, il fallait un vecteur : radio, papier ou télévision. Aujourd’hui, n’importe quel détenteur de téléphone peut s’ériger journaliste. Il est en même temps son propre rédacteur en chef, son collecteur d’informations, de publication… Et cette information est à la portée de milliers et des milliers de personnes. L’une des conséquences est que la presse traditionnelle n’est plus lue, écoutée comme auparavant. La presse, dans ce contexte, doit donc s’adapter. Mais cela veut dire aussi qu’il y a de nouveaux acteurs qui doivent avoir des responsabilités. Car l’information est éminemment importante, mais également dangereuse.
N’est-ce pas ce qui effraie le régime au point de vouloir restreindre les libertés des citoyens à travers la révision du Code des télécommunications ?
Non, il n’en est rien. C’est une très fausse querelle qui est faite au gouvernement. L’Etat n’a pas attendu la modification du Code des télécoms pour réprimer ceux qui commettent des dérives à travers Internet. Les gens, en cherchant la petite querelle, font de l’amalgame. Avec l’article 27 du nouveau code, l’Etat se dote simplement de moyens pour pouvoir réguler le trafic… Le trafic est aujourd’hui surchargé. Surchargé par des données, par des communications, par l’utilisation qui relève de la sûreté de l’Etat, de la médecine… Si le régulateur voit que des gens qui échangent des vidéos obstruent une voie de communication Internet, alors que pendant ce temps, il y a des gens qui sont dans la télémédecine qui veulent utiliser la même voie pour sauver des vies, un Etat responsable devrait se donner des moyens pour leur donner la priorité. L’Artp, c’est comme le gendarme qui régule la circulation.
Ce qui dérange, c’est surtout le fait d’accorder à une autorité non juridictionnelle cette faculté de restreindre un droit constitutionnel…
Là, vous parlez de l’article 27. Mais il n’y a aucune restriction par rapport aux libertés. En plus, avant cet article, il y a l’article 25 qui dit : ‘’L’Etat du Sénégal garantit la neutralité de l’Internet.’’ Cela veut dire que chacun d’entre nous est libre d’entrer sur Internet et de partager ce qu’il veut. A priori, il ne saurait y avoir de sanctions. Je pense qu’il n’y a pas plus fort comme engagement dans la sauvegarde des libertés. La neutralité, édictée par l’article 25, n’existe plus aux Etats-Unis avec Trump. Cela veut dire que nous sommes même en avance par rapport à des pays réputés être beaucoup plus développés. Il ne faut donc pas dire qu’il y a une restriction de libertés.
Les Etats-Unis de Trump peuvent-ils être une référence pour le Sénégal ?
Ça reste quand même les Etats-Unis. C’est-à-dire un pays de démocratie, un pays de liberté d’expression, de lobbying et d’Etat de droit. Je pense que les gens avertis devraient plutôt applaudir, parce que c’est une grande avancée que nous avons noté avec ce code. Maintenant, la liberté va de pair avec la responsabilité. Nous avons tous vu des gens utiliser Internet pour accomplir des choses malveillantes. Il ne doit pas y avoir de moyens de communication qui échappent au contrôle de l’Etat. Et comme je l’ai dit, la faculté, pour l’Etat, de sanctionner toute personne qui commet des violations a toujours existé. Vous voyez qu’il y a des jeunes qui sont en procès…
Ils ont quand même été appréhendés par les autorités policières et jugés par les tribunaux. Le problème, ici, c’est que l’Artp s’arroge une partie de ces prérogatives.
La police, c’est toujours l’Etat. Savez-vous que l’Artp est plus indépendante que ces administrations dont vous parlez ? C’est une autorité administrative indépendante. C’est pourquoi ceux qui disent que l’Artp doit être placée sous la tutelle du ministère des Télécommunications n’ont rien compris. L’Artp ne peut être sous la tutelle du gouvernement. Quand elle prend une décision, le seul recours possible, c’est la Cour suprême.
Pour en revenir à la presse, vous êtes nombreux, les journalistes, dans l’entourage du président de la République. Mais beaucoup estiment que vous n’avez pas fait grand-chose pour la profession. Pourquoi ce désintéressement ?
Je ne comprends pas ce reproche. Moi, je peux parler en mon nom personnel. Je suis un produit de la presse sénégalaise et je suis fier d’avoir fait ‘’Le Témoin’’, ‘’Wal Fadjri’’, ‘’Jeune Afrique’’ et La Voix de l’Amérique. Après cela, je suis entré dans la communication institutionnelle. Je me soucie toujours de ce qui se passe dans la presse. J’ai gardé de très bons rapports avec mes confrères. Je ne vois pas de querelle qu’on pourrait nous faire. Notre régime a quand même démultiplié l’aide à la presse. C’est sous notre magistère également que le nouveau code a vu le jour.
Un des grands noms de cette presse, en l’occurrence Sidy Lamine Niasse, vient de nous quitter. En tant qu’ancien de Wal Fadjri, comment entrevoyez-vous l’avenir de ce groupe, avec le décès de son fondateur ?
Permettez-moi d’abord de m’incliner devant la mémoire de ce grand combattant de la liberté d’expression et de la démocratie. Sidy Lamine a été mon patron pendant 17 ans. Je dois témoigner, aujourd’hui, devant l’opinion que jamais feu Sidy Lamine Niasse ne m’a demandé d’écrire ou de ne pas écrire quelque chose, dans un sens ou dans un autre. Sauf lorsqu’il me demandait de lui faire des éditos. Ou de l’aider à corriger, à lui relire quelque chose. Je n’ai donc jamais été l’objet de censure à ‘’Wal Fadjri’’ et c’est très méritoire. Maintenant, les difficultés de la presse n’épargnent aucun organe. Je souhaite, en tout cas, que l’œuvre de Sidy soit perpétuée, parce que c’est une œuvre importante pour la vie démocratique sénégalaise. Et je sais que des gens qu’il a laissés là, comme Abdourahmane Camara, le gardien du temple, peuvent bien le réussir.
Parlons maintenant politique. A quelques mois de l’élection présidentielle, pourquoi les Sénégalais devraient-ils voter Macky Sall ?
Que de raisons ! Mon seul regret est que les pages de votre journal ne pourraient suffire pour évoquer tout ce que Macky Sall a fait pour le Sénégal. Et c’est pourquoi les Sénégalais vont le reconduire au soir du 24 février 2019. Moi, je n’ai aucun doute là-dessus. Son bilan est celui d’un chef de chantier qui a reconduit un pays en ruine. Lorsque Macky Sall arrivait au pouvoir, nous étions dans une situation de rationnement de l’énergie électrique. Le Sénégal connaissait des centaines d’heures de coupure par année. Ne serait-ce que sur ce plan, il mérite largement un second mandat, parce que l’énergie est fondamentale. A partir du moment où vous donnez l’eau et l’électricité aux populations, vous avez fait un grand pas vers le développement. Je ne parle pas maintenant du bilan social, des infrastructures qui ont été construites, les c