Publié le 3 Mar 2023 - 23:52
ACTIVITÉS DE PÊCHE ILLÉGALE D’UN NAVIRE RUSSE AU SÉNÉGAL

 La lettre de la Cellule d’alerte et de veille à Macky

 

Les activités de pêche illégale d’un navire battant pavillon russe dans les eaux sous juridiction du Sénégal inquiètent la Cellule d’alerte et de veille pour la protection des ressources halieutiques nationales. Pour que cela cesse, elle a fait état de ses souhaits, à travers une lettre adressée au président de la République.

 

Les activités de pêche illégale d’un navire battant pavillon russe dans les eaux sous juridiction du Sénégal inquiètent les membres de la Cellule d’alerte et de veille pour la protection des ressources halieutiques nationales. Réunis autour de l’Unapas, du Gaipes, du Réseau national des CLPA, du Réseau des quais de pêche, du Conipas, de l’Unams, de l’ACPRCG, de l’ONG Greenpeace Afrique, la cellule alerte, à travers une lettre, le président de la République. Elle demande l’implication de Macky Sall pour la clarification de la présence du navire ‘’Vasiliy Filippov’’ dans la période du 7 au 18 février 2023, dans les eaux sénégalaises.

La Cellule d’alerte et de veille réclame aussi la publication de la liste des navires (nationaux et étrangers) autorisés à pêcher au Sénégal, la non-attribution de nouvelles licences de pêche industrielle sur les stocks surexploités, la tenue du Conseil présidentiel pour la pêche, la publication du rapport d’audit du pavillon sénégalais et l’évaluation de l’arrêté de gel de l’immatriculation des embarcations de pêche artisanale.

En effet, selon ces acteurs, le secteur de la pêche au  Sénégal est  confronté,  depuis  plusieurs  années, à une grave crise biologique et sociale marquée par la rareté du poisson et des conflits multiples entre les parties prenantes, à laquelle se sont ajoutées les récentes crises sanitaires de la Covid-19 et économiques consécutives à la guerre russo-ukrainienne.

En effet, d’après la lettre qui cite les rapports du CRODT et de la FAO, la majeure partie des ressources démersales côtières ainsi que les ressources de petits pélagiques comme la sardinelle sont en situation de surexploitation et il est recommandé une baisse de l’effort de pêche dans tous les segments.

Les petits pélagiques représentent  environ  70 %  des  débarquements  nationaux  et  constituent  la principale matière première pour les femmes transformatrices et les mareyeurs. Ils contribuent également  à  la  sécurité  alimentaire  nationale  et  à  la  démocratisation  de  l’accès  au  poisson, notamment pour les couches défavorisées et le milieu rural. ‘’Cette situation découle, pour l’essentiel, de la gestion opaque du secteur des pêches et une faible application et adaptation de la loi en vigueur’’, dénoncent-ils.

Selon les organisations signataires, ‘’pour faire face à la rareté du poisson, les pêcheurs sont obligés d’aller pêcher plus loin et rester plus longtemps en mer à la recherche de poisson, dans des conditions difficiles et très risquées. L’État, pour sa part, a mis en place une série de mesures telles que la signature d’accords de pêche permettant aux pêcheurs sénégalais d’opérer en Mauritanie (pour la pêche artisanale), en Guinée-Bissau et  d’autres  pays, la mise  en  place  de  la  cogestion  des  pêcheries  artisanales, de  plans d’aménagement des pêcheries, le gel de l’immatriculation de nouvelles pirogues, etc. Toutes ces mesures visent principalement à réduire la pression de pêche et ont nécessité la mobilisation de beaucoup de ressources. C’est dans ce contexte de surexploitation des ressources de petits pélagiques et de précarité des acteurs de  la  pêche que  nous  avons  appris  avec  surprise  et  désarroi  qu’un  navire-chalutier-usine de 120 m de long sur 19, dénommé ‘’Vasiliy Filippov’’ (Imo : 8607191, MMSI : 273299470) battant pavillon russe est entré dans les eaux sous juridiction du Sénégal et a pêché pendant une semaine sans être inquiété’’, lit-on dans le document.

‘’Nous n’avons pas eu écho d’un quelconque accord de pêche en vigueur entre le Sénégal et la Russie’’

D’après toujours la lettre, la cellule a souhaité porter à l’attention du président de la République qu’au regard de la loi en vigueur, pour qu’un navire obtienne une licence de pêche au Sénégal, il faut soit l’existence d’un accord de pêche entre le Sénégal et l’État de pavillon du navire, soit le navire appartient à une société de droit sénégalais. Mais en tout état de cause, la demande de licence, selon eux, doit être examinée obligatoirement par la Commission consultative d’attribution des licences de pêche maritimes (CCALP) avant la décision finale du ministre des Pêches.

 ‘’Nous n’avons pas eu écho d’un quelconque accord de pêche en vigueur entre le Sénégal et la Russie, et la CCALP, dont nous sommes membres, n’a jamais examiné une demande de licence pour ce navire russe. Alors, dans quel cadre ce navire russe a pêché dans les eaux du Sénégal ? Au cas où il s’agirait d’une pêche illégale, pourquoi le navire n’a pas été arraisonné et son propriétaire sanctionné par les services compétents, conformément à la loi ? Voilà autant de  questions  que  les professionnels de  la  pêche  se  posent  et  souhaitent votre implication personnelle pour avoir des réponses de la part des services compétents’’.

Ils poursuivent : ‘’Nous espérons qu’aucune nouvelle licence de pêche ne sera donnée sur des stocks de poisson en situation de  surexploitation,  au  même  titre  qu’il  est interdit l’entrée  de  nouvelles  pirogues  de  pêche artisanale. Par ailleurs, depuis plus de trois ans, les organisations professionnelles du secteur des pêches, la société civile, ainsi que certaines ONG n’ont cessé de demander à l’autorité compétente la publication et une mise à jour régulières de la liste des navires de pêche industrielle autorisés à opérer dans les eaux sous juridiction du Sénégal, ainsi que l’État du pavillon.

En retour, aucune suite n’a  été  donnée par  l’autorité  compétente à  cette  requête  que  nous  considérons  comme légitime. C’est à cause de cette crise du secteur des pêches que vous aviez pris la décision de tenir un Conseil présidentiel sur la pêche, lors du Conseil des ministres du 31 mars 2021. Cette décision avait suscité beaucoup d’espoir parmi les professionnels de la pêche. Depuis, nous attendons toujours la tenue de ce Conseil présidentiel pour  ‘relancer le secteur de la pêche’, pour utiliser vos propres termes’’.

Les signataires d’indiquer que si ce Conseil présidentiel avait eu lieu, peut-être que ce navire ne serait pas entré au Sénégal pour prendre le peu de poisson qui restent dans les eaux sénégalaises et mettre en danger les métiers de la pêche artisanale et la sécurité alimentaire nationale.

CHEIKH THIAM

Section: