Publié le 5 Jun 2012 - 10:04

Adresse au Président de la République et au Ministre de la Culture

 

La participation sénégalaise aux deux rendez vous du cinéma mondial que sont le festival de Berlin en février 2012 avec le film «TEY» d’Alain Gomis et la 65ème édition du festival de Cannes où «La Pirogue» de Moussa Touré figurait à la sélection officielle ‘Un certain regard’, au-delà de la fierté légitime de compter des compatriotes présents à ce niveau, ne doit pas nous pousser cependant à occulter la situation, somme toute fort peu reluisante de notre cinéma national.

 

Cette morosité qui commence réellement à s’éterniser, se retrouve tant au niveau de la production où les films se font de plus en plus épisodiquement et ce grâce, surtout, à la pugnacité des créateurs et aux apports des partenaires étrangers qui se raréfient dangereusement, qu’au niveau de l’exploitation cinématographique où ne subsiste qu’un réseau de salles, moribond et sans attrait, se défendant, avec peine, pour garder encore ses rares spectateurs.

 

 

Stop aux sempiternelles professions de foi

 

Le secteur n’a bénéficié dans les deux décennies passées que des sempiternelles professions de foi des pouvoirs publics sur la place à donner au cinéma et à l’audiovisuel dans notre politique culturelle. Cette litanie de bons sentiments servie à chaque fois devant micro et caméras, était rangée aux oubliettes systématiquement, attendant la prochaine manifestation. Et les mesures hardies et décisives qui auraient pu concourir à maintenir le niveau atteint jadis par notre cinéma, attendaient toujours alors que les acteurs culturels abandonnés à eux-mêmes s’engageaient dans des stratégies de survie qui ont éclaté le secteur et accentué la paupérisation de ses acteurs.

 

Nous souhaitons que l’année 2012, déjà riche en symboles, avec à la clé les multiples changements déjà opérés ici et ailleurs, serve de pivot pour amorcer la mise en place d’un environnement propice à l’éclosion d’un embryon d’industrie cinématographique et audiovisuel dynamique, créateur de richesses et capable d’assurer une rémunération décente à ses acteurs. Les mesures en ce sens ont été repérées par les professionnels et partenaires au développement et, elles sont à notre portée.

 

Elles regroupent un ensemble de recommandations fortes, parmi lesquelles nous mettrons en exergue les points suivants : Création d’un environnement juridique propice à l’investissement par la mise en œuvre effective de la réglementation. Pour rappel, un code organisant les activités de la cinématographie et l’audiovisuel a été voté depuis 2002 et ses décrets d’application promulgués depuis 2004 ; ils attendent depuis, de manière in-explicative, leur mise en application ; Création d’un Centre national de la cinématographie : le rôle essentiel de cette institution serait de prendre en charge la gestion du processus de développement du secteur apte, à terme, d’aboutir à la production régulière de films et d’en assurer la diffusion au Sénégal et ailleurs. Son érection aiderait à autonomiser, par rapport aux activités du ministère, la gestion de la production, de la distribution et de l’exploitation cinématographique et audiovisuelle. Ses missions ne se substitueraient pas ainsi à l’existence de la direction de la cinématographie chargée d’assurer la tutelle de l’état sur le secteur, de définir et veiller à l’application des orientations de politique nationale, ainsi que de l’application effective du code ; Définition des modalités d’une convention devant servir de cadre de référence pour une coopération entre les diffuseurs (télés publiques, télé privées, et internet) et les professionnels du cinéma et de l’audiovisuel en vue de la production et de la diffusion des contenus nationaux ; Soutien à la formation des cadres du secteur ; Lutte hardie contre le piratage des œuvres audiovisuelles source d’insécurité pour l’investissement qui prive les acteurs et l’état de ressources importantes.

 

 

«Installer une atmosphère d'échanges»

 

Nous invitons sans tarder son Excellence Monsieur le Président de la République et notre nouveau ministre de la Culture à accorder une attention toute particulière à cette invite pour nous donner les moyens de sortir de l’informel qui a étouffé les énergies et d’assumer la relance de notre secteur afin que les acteurs puissent enfin vivre de leur art. Il est à se réjouir du choix porté sur un entrepreneur culturel confirmé pour diriger le département ; il augure, certainement, de la prise en compte de la culture comme outil de développement, ce qui signifierait une attention renouvelée sur l’appui à la créativité et le soutien à l’accès effectif et licite des biens et services culturels au marché national et international.

 

Les associations du secteur devraient, pour leur part, participer à installer une atmosphère propice d’échanges avec l’administration pour jouer pleinement leur partition dans l’accompagnement des autorités publiques sur ce chantier essentiel. Elles devront, conformément au credo de bonne gouvernance, promue et magnifiée actuellement dans notre pays, s’évertuer à se plier aux exigences de bonnes pratiques en matière de démocratie. En effet, le refus de renouvellement des instances malgré l’expiration du mandant du bureau actuel et le blocage des nouvelles adhésions de membres doivent connaitre un terme sans délai, pour offrir à notre pays le dynamisme de regroupement professionnel fort, conforme au rôle que les cinéastes sénégalais ont jadis joué auprès des pouvoirs publics. La dernière édition du Festival de Cannes a donné l’occasion à l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) de présenter l’état d’avancement du projet de Fonds panafricain du cinéma et de l’audiovisuel qui est une recommandation de l’Union africaine et de la FEPACI. Pour l’alimentation en ressources de cet instrument de soutien, quelques États africains, dont le nôtre, ont annoncé leur participation. Le démarrage des activités de ce fonds est annoncé pour 2013.

 

Les professionnels présents ont tous insisté sur l’importance de la création de mécanismes nationaux pour accompagner et amplifier les effets escomptés de l’activité de cet instrument de souveraineté africaine. L’action prioritaire à laquelle nous appelons nos autorités va dans ce sens et aidera notre pays à favoriser activement la création d’un marché des biens et services culturels.

 

Clarence Thomas Delgado

Réalisateur – Producteur

 

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