Soubassement politique, condamnation politique et enfin dénouement politique
Sur la liste des vingt-cinq personnes ciblées par la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), Karim WADE n’était-il pas le seul poursuivi et condamné ? Quel autre dossier la CREI a-t-elle géré depuis qu’elle a été ressuscité à part le cas de Karim Meissa WADE ? Combien l’Etat du Sénégal a-t-il récupéré au titre de l’enrichissement illicite sur le dossier Karim WADE ? Combien de nos maigres ressources ont été dépensées par l’Etat du Sénégal dans l’affaire Karim (honoraires Avocats, frais de voyage) ? Quelle a été la finalité de la sanction à l’égard de Monsieur Karim Meissa WADE ? Autant de questions qui méritent d’être soulevées pour justifier et expliquer le caractère arbitraire et politique de la poursuite, de la condamnation et de la privation de Karim WADE de ses droits civiques et politiques.
Condamné définitivement à six ans de prison ferme pour enrichissement illicite et d’une amende de cent trente-huit milliards, deux cent trente-neuf millions, quatre-vingt-six mille, trois cent quatre-vingt-seize francs (138.239.086.396) FCFA par la Cour de répression de l'enrichissement illicite (CREI), Karim WADE se voit ainsi priver de ses droits civiques et politiques en application de certaines dispositions pertinentes du Code électoral (arts.29, 30 et autres). Le 24 juin 2016, Karim WADE fut libéré, gracié et exilé au Qatar. Lors du Conseil des Ministres du 28 septembre 2022, le Président de la République, Macky SALL, demande au Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, d’examiner, dans les meilleurs délais, les possibilités et le schéma adéquat d’amnistie pour des personnes ayant perdu leurs droits de vote.
Quelle était la finalité de la sanction infligée À Karim Meissa Wade par la Crei ?
En matière de répression de l’enrichissement illicite et de détournement de deniers publics, la sanction prononcée par une juridiction poursuit trois finalités parfois cumulatives. Lorsque la décision judiciaire est dénuée de ces finalités, à défaut, elle devient arbitraire, subjective ou politique.
Premièrement, une sanction judiciaire dans le domaine précis, vise la réparation d’un préjudice subi. Par exemple, X a causé un préjudice à la société, le préjudice doit être réparé. Deuxièmement, la sanction a une finalité pédagogique. Par exemple, X a causé un préjudice à la société, toute autre personne qui fera la même chose subira la même sanction. La troisième et dernière finalité de la sanction est symbolique. Par exemple, X a causé un préjudice à la société, tant qu’il n’est pas sanctionné, il n’y’aura pas de développement ou de bonne gouvernance dans le pays.
Mais lorsqu’on analyse en profondeur la sanction prononcée à l’égard de Karim WADE, aucune trace de ces finalités n’apparaît dans le dossier. En premier lieu, le préjudice qu’aurait subi la société du fait des agissements de Karim, n’a fait l’objet d’aucune réparation et en plus, le montant à recouvrer ou à rembourser par Karim WADE n’est jamais effectif. En second et troisième lieu, après le cas Karim WADE, aucune personnalité politique qui gère des affaires publiques n’a été poursuivie devant une juridiction compétente en dépit de l’existence de nombreux collaborateurs du Président qui sont incriminés par les Institutions publiques de contrôle.
En plus, l’extradition de Karim WADE au Qatar et la privation de ses droits civiques et politiques prouvent à suffisance que c’est sa présence dans l’arène politique sénégalaise qui constitue une menace pour les nouveaux dirigeants au lendemain de leur accession au pouvoir en 2012.
L’Etat du Sénégal, grand perdant devant les juridictions et instances etrangeres saisies par karim wade.
La Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, créée en 1981 puis rapidement mise en léthargie a été ressuscitée par le Président Macky SALL en 2012 au lendemain de son élection. Considérée comme une arme pour éliminer et liquider certains adversaires politiques, cette juridiction spéciale après avoir régler la cas Karim WADE retourne en hibernation.
Condamné au niveau national par la CREI, Karim WADE gagne tous les procès devant les juridictions et instances internationales, reconnues pour leur neutralité et leur objectivité. Karim Meissa Wade a ainsi remporté toutes les procédures judiciaires engagées contre lui par l’Etat du Sénégal, au moins, devant six juridictions et instances internationales : Cour de justice de la CEDEAO, Tribunal de Monaco, Tribunal de Grande Instance de Paris, Parquet National Financier de Paris, Groupe de Travail des Nations-Unies contre la Détention Arbitraire et le Comité des Droits de l’homme de l’ONU.
Au niveau Communautaire, cet arrêt rendu par la Cour de Justice de la CEDEAO le 22 février 2013 considère sans ambages que « l’interdiction de sortie du territoire national décidée (…) par le Procureur de la République et le Procureur Spécial est illégale parce que ne reposant sur aucune base juridique. » La Cour communautaire de justice remet également en cause la légitimité de la cour de répression de l’enrichissement illicite car, soutient-elle, le rôle de poursuite d’anciens ministres pour actes présumés d’enrichissement illicite commis dans l’exercice de leurs fonctions incombe à la Haute Cour de justice. Enfin, la Cour a pointé du doigt les sorties médiatiques du Procureur Spécial qui, selon elle, constituent une violation de la présomption d’innocence. En conséquence, la cour avait ordonné à l’Etat du Sénégal, la levée de la mesure d’interdiction du territoire national des requérants.
Saisi par Karim WADE, le Comité onusien des Droits de l’Homme estime en effet que le droit à un procès équitable de Karim Meïssa Wade, condamné pour enrichissement illicite en 2015 a été violé. En conséquence, il déclare que « la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim WADE doit être réexaminée ».
Au cœur de la saisine du Comité des Droits de l’Homme, figure le paragraphe 5 de l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dont le Sénégal est signataire. Celui-ci prévoit que « toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ». A ce titre, la CREI est incompatible avec les engagements internationaux du Sénégal.
D’ailleurs c’est dans ce sens que les avocats de Karim WADE soutiennent que la Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite, créée en 1981 puis ressuscitée rapidement en 2012, n’a pas respecté ce droit. Ainsi, après sa condamnation par la CREI, Karim Wade n’a pas eu la possibilité d’interjeter appel du jugement. Il a dû se contenter d’un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême qui l’a rejeté tout en sifflant définitivement la fin de la procédure et confirmant ainsi la décision de la CREI.
Enfin, l’instance onusienne conclut que l’État sénégalais doit accorder « une réparation intégrale » à Monsieur Karim Meissa WADE, ce qui se traduirait par un réexamen de l’affaire.
Dans la même dynamique, concernant le recouvrement de biens jugés mal acquis par Karim WADE, la justice monégasque n’a pas du tout été favorable à l’Etat du Sénégal qui réclamait la saisie de 24 comptes bancaires dans la banque Julius Baer. Pour rappel, le 19 octobre 2015, les autorités sénégalaises avaient formulé une demande de saisie de ces comptes auprès de la justice de la principauté. Mais selon la juridiction monégasque, «les faits d’enrichissement illicite et de complicité d’enrichissement illicite ne sont constitutifs d’aucune infraction assimilable prévue dans la législation monégasque, de sorte qu’il convient de rejeter les demandes de confiscation formulées par les autorités sénégalaises .». La Cour d’appel de Monaco avait rejeté le lundi 7 janvier 2019, l’appel de l’État du Sénégal contre le jugement du 10 juillet 2018 du tribunal correctionnel de Monaco.
En conclusion, l’instrumentalisation de la CREI pour liquider un jeune adversaire politique na’ fait que jeter le discrédit sur la justice sénégalaise, dernier rempart dans une démocratie. Cette justice qui regorge d’hommes et de femmes valeureux ne doit pas être à la solde des magouilles politiciennes. C’est par des manipulations politiques que Karim WADE a été condamné et privé de ses droits civils et politiques pendant des années ; ce sera aussi par des manœuvres politiques qu’il sera réhabilité et que son honneur lavé.