L'ANC défile et obtient la censure du portrait "sexuel" de Zuma
Le Congrès national africain (ANC), au pouvoir en Afrique du Sud, a fait défiler ses troupes mardi après avoir obtenu le retrait d'une galerie de Johannesburg d'un tableau controversé caricaturant le président Jacob Zuma sous les traits d'un Lénine exhibant son sexe. "La Goodman Gallery a accepté d'enlever la peinture de son site web", a annoncé, triomphant, le secrétaire général de l'ANC, Gwede Mantashe, qui s'adressait à un millier de manifestants venus marcher sur la galerie, qui a selon eux offensé leur chef.
Le tableau proprement dit est quasiment détruit, puisqu'il a été maculé de peinture le 22 mai, et il a été décroché (officiellement pour être mis en lieu sûr). La galerie est d'ailleurs fermée depuis cet attentat, pour une durée indéterminée.
La Goodman Gallery s'était déjà excusée lundi. Et l'hebdomadaire City Press, qui avait le premier publié une reproduction du tableau, avait aussi accepté de le retirer de son site internet, dans un souci d'apaisement et par "peur" de la tournure prise par la polémique. "Vous pouvez aussi acheter City Press, maintenant!", a lancé M. Mantashe à la foule mardi, levant l'appel au boycott qu'avait lancé l'ANC.
L'un des deux barbouilleurs du tableau était présent à la manifestation, où il a été ovationné par la foule. Le parti dominant a ainsi réussi en moins de quinze jours à faire plier la galerie et le journal, qui refusaient de retirer l'oeuvre au nom de la liberté de création artistique et de la liberté d'expression. Quand bien même des reproductions du tableau ont fait le tour du monde, l'affaire ayant été très médiatisée. Pour ce faire, il a attaqué en justice, appelé ses alliés à la rescousse, et organisé trois manifestations. La commission des oeuvres cinématographiques et littéraires s'est parallèlement demandé si le tableau ne devrait pas être déclaré pornographique.
"La victimisation est une stratégie"
La manifestation de mardi n'a toutefois pas rassemblé les 15.000 personnes annoncées. Un millier de sympathisants ont défilé dans le calme, portant les couleurs de l'ANC (jaune, vert, noir) et exhibant des portraits de Jacob Zuma, jusqu'aux abords de la galerie, qui avaient été bouclés par la police. Des manifestants portaient des tee-shirts avec des messages tels que "Le président a le droit à la dignité humaine et à la vie privée" et "Nous disons non à l'abus de l'expression artistique". "Nous nous battons pour ses droits (de Zuma). Ce n'est pas une question de politique, c'est une question de respect", notait le jeune Linda Mphahlele, l'image d'une automitrailleuse sur son tee-shirt. "Le tee-shirt résume tout. La galerie doit être fermée définitivement!" . "Il ne faut pas oublier que l'Afrique du Sud est une société plutôt conservatrice, en dépit de notre Constitution libérale. Une peinture comme ça peut offenser des gens toutes les races", constate Olmo von Meijenfeldt à l'Institut pour la démocratie en Afrique (Idasa). "La victimisation est une stratégie politique forte. Je pense qu'il (Zuma) se saisit de cette occasion pour mobiliser derrière lui", ajoute-t-il, alors que l'autorité du président est contestée au sein de l'ANC. "The Spear" (la lance), le tableau de Brett Murray, un artiste coutumier des détournements provocateurs, est perçu comme une atteinte à la dignité de la fonction présidentielle et de la personne de M. Zuma.
Il est aussi jugé raciste car il fait allusion à la polygamie de M. Zuma et à sa sexualité débridée. La galerie avait fait disparaître mardi toute référence à son exposition, au profit d'un message indiquant dans ses vitrines "La Goodman Gallery respecte votre droit de protester". Sa porte-parole Lara Koseff était incapable de dire si l'exposition rouvrirait ses portes. Sa soixantaine d'oeuvres se jouant des canons du réalisme socialiste et son titre "Salut au voleur II" étaient autant d'allusions aux affaires de corruption qui minent le parti qui a libéré l'Afrique du Sud de l'apartheid.