Publié le 10 Jul 2025 - 20:00
USA-AFRIQUE

Les nouveaux termes de l’échange

 

Après avoir mis fin à plusieurs programmes d’aide, Trump vend aux Africains sa nouvelle vision basée sur le partenariat et non sur l’assistanat. 

 

C’est une rencontre qui ne laisse pas indifférent au Sénégal et en Afrique. Cinq chefs d’État dont Bassirou Diomaye Faye étaient, hier, à la Maison blanche, à l’invitation du Président Donald Trump. Comme annoncé par les services diplomatiques américains depuis le début, la question commerciale était au coeur des échanges. Selon le président Trump, les pays africains offrent “d’incroyables opportunités commerciales qui conduiront à une prospérité mutuelle”. Son approche, rapportait l’ambassade des États-Unis au Sénégal, “est axée sur le partenariat par le biais du commerce et de l’engagement du secteur privé”. 

L’administration Trump confirme ainsi ce que tout le monde lui connaissait déjà. Ce qui les intéresse en premier, c’est le business en mettant en avant les intérêts des États-Unis. Moins d’aide; plus de commerce et d’investissement; le tout pour une prospérité mutuelle, a tenté de développer Donald Trump lors des échanges. L’Amérique n’avance plus masquée sur ce plan. 

Plus d’investissement et de commerce, moins d’assistanat 

En prélude à cette rencontre, le secrétaire d'État Marco Rubio avait déclaré que “les États-Unis abandonnent le modèle d'aide étrangère basé sur la charité”. Ils favorisent désormais les nations qui démontrent “à la fois la capacité et la volonté de s'aider elles-mêmes". Dans le même esprit, Troy Fitrel, haut responsable du Bureau des affaires africaines soutenait que, désormais, “les envoyés américains en Afrique seront évalués en fonction des accords commerciaux conclus”. 

Hier, cette question commerciale et économique était donc au coeur des échanges à Washington. Et sous ce registre, il est beaucoup question de l’exploitation des ressources naturelles, en particulier des minéraux critiques qui, au-delà de la question commerciale, revêt un enjeu géostratégique majeur. 

Triés sur le volet, les pays conviés sont tous réputés très riches en ressources naturelles (pétrole, or, bauxite, terres rares…). Ils sont surtout francophones -à l’exception du Libéria et dans une moindre mesure de la Guinée Bissau dont le Président qui parle français est aussi proche de la France- et se situent dans des zones où la Russie ne cesse de gagner en influence.

Washington veut-il parer à un basculement de ces pays dans le giron de la Russie ou de la Chine ? 

Face au recul de la France et à la percée russo-chinoise, Washington se positionne aussi pour limiter les pertes

A lire cette contribution du spécialiste Aly Fary Ndiaye, on serait tenté de le croire.  Le Président américain ne cracherait pas sur une opportunité de “récupérer  les pays francophones ayant des ressources pétrolières, minières et gazières qui sont traditionnellement dans le pré-carré français et qui sont aujourd'hui en froid avec la France et/ ou qui n'ont pas encore basculé dans les bras de la Russie ou de la Chine”. 

C’est ainsi qu’il faudrait alors comprendre l’intérêt pour les pays comme le Sénégal, la Mauritanie, le Gabon, la Guinée Bissau -qui n’est pas francophone mais dont le président est proche de Macron- à côté des alliés traditionnels comme le Liberia, le Kenya, le Ghana etc…  L’objectif est double : d’une part mettre la main sur les ressources desdits pays, d’autre part barrer la route à la Chine et à la Russie. Cela est d’autant plus vital qu’il revêt également un enjeu sécuritaire important. 

Rappelant le rôle important de la National Security Council (Conseil à la sécurité intérieure) dans la définition de la Politique étrangère, le professeur Aly Fary Ndiaye relève l’attention particulière que cette entité accorde à l’Afrique dans la lutte contre la menace terroriste.  “Ces membres de la NSC pensent que le seul intérêt de l’Amérique en Afrique réside dans sa capacité de contenir les groupes terroristes, afin que le continent serve uniquement de rempart pour bloquer en métaphase des groupes djihadistes avant qu’ils ne touchent des intérêts américains”, ajoute le spécialiste. 

La sécurité, la migration: des enjeux majeurs peu évoqués en public 

S’il y a eu beaucoup d’annonces autour des ressources et du commerce, il y en a eu très peu sur les questions sécuritaire et migratoire. Des sujets brulants qui tiennent également à coeur Washington. Pour la question migratoire, il faut noter qu’elle intéresse aussi bien le Président des États-Unis que ses homologues africains, vu le nombre important de migrants africains aux États-Unis.

A ce propos, Aly Fary avait rappelé la vision du Président américain qui s’accommoderait mal avec les flux africains. “Trump croit à la suprématie blanche et veut empêcher ce que Pat Buchanan a théorisé dans son livre "the death of the west." C’est à dire la mort des valeurs occidentales face à l’émigration massive des non Blancs en Amérique qui, dans les projections de Buchanan, ferait de la WASP (White Anglo Saxons Protestant) une composante minoritaire aux USA à l’horizon 2050, si la vague de migrants des étrangers venant de la frontière Sud n'est pas réduite.”  

RESSOURCES NATURELLES, NUMÉRIQUE, TOURISME

Ce que le Sénégal attend de ce new-deal 

Lors de cette rencontre, les États africains ont surtout mis l’accent sur la nécessité d’un new deal qui mettrait en avant le partenariat gagnant-gagnant. Ils ont également, globalement, magnifié le rôle de Trump pour le retour de la paix notamment en RDC. Dans son intervention, le Président Faye a rappelé l’importance de la paix et de la stabilité pour le développement des affaires. “Comme vous le savez, on ne peut faire des affaires que lorsqu’il y a la paix et la sécurité, et vous (Trump) œuvrez à construire la paix partout dans le monde afin qu’il puisse y avoir de meilleurs investissements. Le monde entier vous en est reconnaissant”, a-t-il déclaré, non sans rassurer sur les conditions propices à l’investissement au Sénégal. “Je tiens à rassurer tous les investisseurs américains sur la stabilité politique de notre pays et sur notre environnement réglementaire favorable, que nous continuons d’améliorer pour attirer davantage d’investissements.”

De manière plus concrète, le Président Faye a présenté sur un plateau en or les possibilités pour une coopération dans le domaine des ressources naturelles et du Numérique. “Je parlerai tout d’abord de l’U.S. Ecological Survey, qui peut aider à évaluer le potentiel minier de notre pays. Grâce à des entreprises américaines, nous avons pu découvrir du pétrole et du gaz, soit environ 950 milliards de mètres cubes de gaz que nous pouvons exploiter pour soutenir notre économie. Et ici encore, nous avons pu le faire avec une entreprise américaine”, indique le Président sénégalais. 

A propos du Numérique, il a invité les investisseurs américains à participer à la mise en place d’une ville numérique au Sénégal. “Nous avons identifié un espace dans la ville de Dakar. Il a une vue sur la mer et s’étend sur environ 40 hectares. C’est une belle opportunité pour les entreprises américaines de venir et de faire de Dakar une ville technologique ouverte à l’Afrique.”

Bassirou Diomaye Faye est aussi revenu sur les opportunités importantes dans le domaine touristique, en mettant en exergue la proximité de Dakar, située à 6 heures de vol de New-York.

PAR MOR AMAR
 

Section: 
BABA AIDARA, JOURNALISTE : ‘’Wade avait obtenu le premier Compact, Macky le second, Diomaye…’’
CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES POUR LE DÉVELOPPEMENT : Le Sénégal Partage son Expérience en Financement Social
A Madrid : Un troisième sommet Afrique-Espagne pour continuer d'amplifier les échanges commerciaux
USA : Les Brics expriment leurs «sérieuses préoccupations» face aux droits de douane de Trump
AFGHANISTAN – UN RECORD DE 256 000 MIGRANTS REVENUS D’IRAN : L’OIM alerte sur une crise humanitaire et un grave déficit de financement
DONALD TRUMP CONVOQUE UN MINI-SOMMET AFRIQUE-USA À WASHINGTON : Enjeux minéraux, sécurité et diplomatie ciblée
ATTAQUES DU 1ER JUILLET : Bamako pointe des “sponsors étatiques” sans preuve  
MALI : Attaques jihadistes massives aux portes du Sénégal, une alerte ignorée ?
RÉPRESSION VIOLENTE AU TOGO : Trois jours de sang et de silence
L'AFRIQUE QUI BRULE ET CELLE QU'ON APAISE : Togo, Kenya, RDC-Rwanda, trois secousses, un même mépris
SONKO EN CHINE : Diplomatie active, accords concrets et nouvelle ère stratégique
CONFLIT IRAN-ISRAËL : Trêve fragile
CRISE NUCLÉAIRE : L’Ambassadeur d’Iran à Dakar interpelle la communauté internationale
RIPOSTE IRANIENNE CONTRE AL-UDEID : L'offensive de Téhéran bouleverse l’équilibre régional
ISRAËL-IRAN : Guerre préventive ou civilisationnelle ? 
EMPLOIS DANS LE MONDE EN 2025 : 53 millions seront créés, soit sept millions de moins que prévu
DIOMAYE PRESSENTI, BIO DÉSIGNÉ : Les coulisses d’un choix inattendu à la tête de la CEDEAO
YUVAL WAKS (AMBASSADEUR D’ISRAËL AU SÉNÉGAL) : ‘’S’il y a une réaction de l’État du Sénégal…’’
CRISE AU MOYEN-ORIENT ET ENVOLÉE DU BRUT : Le paradoxe pétrolier sénégalais
CONFLIT ENTRE ISRAEL ET L’IRAN : Péril sur l'ordre international