Publié le 16 Jul 2025 - 14:00
VERS UN NOUVEAU SOUFFLE OUEST-AFRICAIN

Diomaye Faye en visite officielle au Bénin

 

En déplacement à Cotonou les 15 et 16 juillet 2025, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye effectue sa toute première visite officielle au Bénin depuis son investiture. Accueilli avec les honneurs par son homologue Patrice Talon, le chef de l’État sénégalais entend resserrer les liens entre deux pays membres de la CEDEAO et de l’UEMOA, dans un contexte régional tendu mais porteur d’opportunités. Sécurité, coopération économique, intégration sous-régionale : cette rencontre marque un tournant diplomatique pour deux nations qui aspirent à peser davantage dans la refondation ouest-africaine.

 

À peine revenu d’un périple américain remarqué, le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye poursuit son marathon diplomatique sur le continent africain. Cette fois, c’est à Cotonou qu’il pose ses valises pour une visite officielle de deux jours, les 15 et 16 juillet 2025.

Accueilli à l’aéroport international Cardinal Bernardin Gantin par le ministre béninois des Affaires étrangères, Olusegun Adjadi Bakari, le dirigeant sénégalais est reçu le soir-même par son homologue Patrice Talon, au palais présidentiel de la Marina. Une rencontre hautement stratégique, dans un contexte ouest-africain traversé par des turbulences politiques, économiques et sécuritaires, mais aussi des velléités de recomposition géopolitique.

Une visite sous le sceau du réalisme diplomatique

En entamant ce déplacement à Cotonou, Diomaye Faye inaugure un nouveau cycle de coopération inter-africaine, centré sur le pragmatisme économique, l’intégration régionale et la stabilité politique. Cette visite au Bénin — sa toute première dans ce pays depuis son investiture en avril 2024 — n’est pas un simple acte protocolaire : elle s’inscrit dans une stratégie plus large de repositionnement du Sénégal comme moteur de l’Afrique de l’Ouest démocratique.

Le Bénin, dirigé depuis 2016 par Patrice Talon, se distingue par sa stabilité relative, ses performances macroéconomiques et son rôle croissant dans les dynamiques sous-régionales. Les deux chefs d’État partagent un objectif commun : renforcer la souveraineté de leurs pays tout en consolidant les mécanismes d'intégration portés par la CEDEAO et l’UEMOA. La rencontre entre les deux présidents s'annonce donc dense, tant les enjeux sont nombreux : sécurité régionale, libre circulation des personnes et des biens, coopération douanière, agriculture, énergie, transition numérique et diplomatie économique.

Convergence économique mais faibles échanges commerciaux

À première vue, le Sénégal et le Bénin incarnent deux trajectoires économiques dynamiques. Avec des taux de croissance respectifs de 6,6 % pour Dakar et 8,4 % pour Cotonou au premier trimestre 2025, les deux pays figurent parmi les locomotives de l’espace UEMOA. Cette performance repose sur des secteurs en expansion : infrastructures, logistique portuaire, agriculture modernisée, énergies renouvelables, mais aussi une attractivité accrue des investissements directs étrangers (IDE).

Cependant, malgré cette convergence économique, les échanges commerciaux bilatéraux demeurent modestes. D’après les dernières données de l’International Trade Centre, ils s’élevaient à 21,93 millions USD en 2023, avant de chuter légèrement à 16,93 millions USD en 2024. Le potentiel est pourtant immense, notamment dans les secteurs des produits agricoles, des services numériques, de la logistique portuaire et du textile.

À Cotonou, les équipes techniques de Diomaye Faye devraient explorer les possibilités de partenariat logistique entre le port de Dakar et celui de Cotonou, deux plateformes régionales complémentaires sur le Golfe de Guinée et l’Atlantique. La volonté partagée de diversifier les exportations intra-africaines pourrait aussi donner lieu à des accords-cadres en matière de transport maritime, de digitalisation des procédures douanières, et de mutualisation des zones économiques spéciales.

Dans une Afrique de l’Ouest fracturée par les replis souverainistes et les incertitudes sécuritaires, cette séquence diplomatique en terre béninoise redonne un souffle d’unité à la CEDEAO, à rebours des discours de rupture. Reste à savoir si ces engagements politiques se traduiront par des résultats concrets pour les peuples, véritables bénéficiaires attendus de cette diplomatie de proximité.

Bénin : L'émergence douloureuse d'un nouvel épicentre du terrorisme

Longtemps épargné par les affres du terrorisme qui ravagent une partie de la bande sahélo-saharienne, le Bénin est aujourd'hui confronté à une réalité brutale et sanglante. Les attaques jihadistes dans le nord du pays se multiplient, avec une intensité et une létalité inédites, transformant cette région frontalière en un nouvel épicentre de la violence extrémiste. Les forces de sécurité béninoises, malgré un renforcement significatif de leurs moyens, paient un lourd tribut face à une menace qui s'enracine et prospère, exacerbée par l'absence criante de coopération régionale.

Le Bénin n'avait jamais connu un tel niveau de violence. Après une attaque dévastatrice sur une base militaire près de Banikoara, qui a coûté la vie à près d'une trentaine de membres des Forces de Défense et de Sécurité béninoises, un nouveau palier a été franchi le 17 avril dernier. Ce jour-là, deux bases de l'opération « Mirador », situées dans le parc du W, ont été la cible d'une offensive coordonnée et d'une ampleur inédite. L'attaque, rapidement revendiquée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), a fait un bilan effroyable de 54 morts parmi les soldats béninois, selon le dernier décompte officiel.

Ce « choc » pour le Bénin est d'autant plus retentissant que le pays « n’avait jamais connu un tel niveau de violence depuis la toute première incursion terroriste, en 2019 », comme le souligne François Soudan, directeur de la rédaction de Jeune Afrique, lors de « La Semaine de JA » sur RFI. Ces deux offensives récentes s'inscrivent dans un contexte général de « montée en puissance et en létalité des attaques, avec un mode opératoire rassemblant plusieurs centaines de jihadistes motorisés » dans les départements de l'Atacora et de l'Alibori.

Ces régions, situées à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger, sont devenues les cibles privilégiées des groupes armés.

Une armée béninoise face à une asymétrie fatale

Face à cette menace grandissante, les autorités béninoises ont pourtant redoublé d'efforts. Dès janvier 2022, le Bénin avait déployé près de 3 000 soldats pour sécuriser ses frontières dans le cadre de l'opération « Mirador ». Par la suite, 5 000 soldats supplémentaires ont été recrutés afin de renforcer la sécurité dans le Nord du pays. Les investissements en hommes et en équipements dans cette zone ultrasensible sont considérables, mais le combat reste profondément asymétrique.

Comme l'analyse François Soudan, l'armée béninoise se trouve « contrainte de subir les assauts, puisqu’elle ne peut ni agir de façon préventive au-delà de ses frontières ni réagir en exerçant un droit de poursuite ». La menace provient en grande partie de l'extérieur, et plus particulièrement de ce que François Soudan qualifie d'« open space » pour groupes terroristes qu'est devenu le Burkina Faso.

En l'absence de la possibilité de mener des opérations transfrontalières ou de poursuivre les assaillants sur leur repli, les forces béninoises sont condamnées à une posture défensive, rendant difficile toute initiative pour prendre le dessus.

Le poids accablant de la crise diplomatique régionale

La situation est d'autant plus préoccupante que les relations diplomatiques entre le Bénin et ses voisins du Burkina Faso et du Niger sont au plus bas. Les liens entre le président Patrice Talon et les régimes militaires au pouvoir, représentés par Ibrahim Traoré au Burkina Faso et Abdourahamane Tiani au Niger, « sont à ce point dégradées qu’il n’y a aucune coopération sécuritaire, malgré les demandes répétées du Bénin en ce sens », explique François Soudan.

Le président Patrice Talon a lui-même déploré à la mi-mars les relations « dégradées » avec ses voisins et l'absence de coopération sécuritaire, qu'il juge être un frein majeur à la lutte contre le terrorisme. De leur côté, Ouagadougou et Niamey accusent Cotonou d'abriter des bases militaires étrangères dans le but de les déstabiliser, des allégations que le Bénin nie catégoriquement.

Cette méfiance mutuelle et cette absence de dialogue sécuritaire créent un vide béant dont profitent pleinement les groupes jihadistes. En l'absence de coordination des efforts et d'échanges de renseignements transfrontaliers, les terroristes peuvent se déplacer et opérer avec une relative impunité, utilisant les frontières poreuses comme sanctuaires et bases arrière.

Vers un avenir incertain

L'escalade de la violence au Bénin est un signal d'alarme majeur pour la stabilité de l'Afrique de l'Ouest. Le pays, autrefois considéré comme un havre de paix dans une région agitée, est désormais confronté à un défi existentiel. Le lourd tribut payé par les forces de sécurité et l'augmentation des attaques témoignent de la gravité de la situation.

Pour le Bénin, la nécessité d'une réponse robuste et multidimensionnelle est plus pressante que jamais. Au-delà du renforcement militaire, la capacité à rétablir un minimum de dialogue et de coopération avec ses voisins, malgré les tensions politiques, pourrait s'avérer cruciale pour endiguer la menace terroriste. Sans une approche régionale coordonnée, le Bénin risque de s'enfoncer davantage dans le cercle vicieux de la violence, transformant durablement son nord en une zone de conflit et d'instabilité.

La communauté internationale observe avec inquiétude cette nouvelle dynamique. Le Bénin, naguère un modèle de démocratie et de stabilité, se retrouve aujourd'hui en première ligne d'une guerre asymétrique, payant le prix fort des défaillances sécuritaires et des fractures diplomatiques régionales.

AMADOU CAMARA GUEYE

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