Du pain maison, de qualité et à bon prix, selon Le chef Ali Baba Guèye
Manger bien, sain, et à base de produits locaux. Le chef cuisinier Ali Baba Guèye en a fait sa tasse de bissap. Ce formateur en boulangerie, pâtisserie, épicerie qui a vécu au États-Unis et en Europe met, depuis son retour au pays, son savoir-faire à la disposition des Sénégalais, notamment pour faire face à la hausse intempestive du prix de la farine de blé.
Comment comptez-vous aider les Sénégalais à faire face à la hausse intempestive du prix de la farine de blé qui influe sur celui du pain fait avec cet intrant de base ?
J'ai mis en place une association appelée ''Les métiers de bouche'' avec de jeunes Sénégalais que j'ai trouvés ici, au Sénégal. Nous intervenons dans la cuisine, la pâtisserie, etc. Nous concoctons des recettes que nous proposons aux Sénégalais. Quand vous regardez bien, tous les pays au monde ont leurs façons de faire leur pain, alors pourquoi pas le Sénégal ? Nous voulons aider les Sénégalais à faire leur propre pain à la maison tel qu'on le fait dans d'autres pays comme l'Arabie Saoudite qui est pourtant un pays très riche. Aujourd'hui, même en France, les gens ont commencé à faire leur propre pain à la maison. Rien ne nous l'empêche au Sénégal, car nous avons du maïs, du mil... donc, nous pouvons faire du pain avec nos céréales et de bonne qualité. On peut même en faire avec du son. Et si on le fait, le prix du pain va considérablement baisser. Nul n'est responsable de la hausse du prix de la farine, si celui-ci augmente dans les pays de provenance, c'est sûr que cela va se répercuter sur le prix du pain. On peut faire du pain à base de céréale produite dans notre pays. Regardez, par exemple en Italie, ils ont créé un pain qui, avec 400 F Cfa, peut nourrir 16 personnes. D'ailleurs, on peut adopter au Sénégal ce système que j'apprends à mes élèves dans mon école de formation (Ndlr, ''Ceci-Cela'', sise aux Almadies). Aux États-Unis, pour manger, il fallait pas moins de 40 dollars (environ 20 000 F Cfa). Mais ils ont cherché des solutions et aujourd'hui, ils ont leur repas juste avec 5 dollars (environ 2 500 F Cfa). Au Sénégal, on ne doit pas baisser les bras, il faut s'y mettre.
Étant donné que dans leur majorité, les Sénégalais n'ont pas de fours chez eux, que proposez-vous à la place ?
Je propose que l'argent que les Sénégalais gaspillent dans les mariages et autres cérémonies familiales, qu'ils le prennent pour acheter des fours. Si j'avais les moyens, je ferais importer des fours moins chers du Danemark. Il faut que les gens aient l'habitude de faire leur pain eux-mêmes, cela les fera bouger. Ici, les gens sont trop oisifs. Les Japonais disent que rester toute la journée sans rien faire constitue un crime. A défaut, ils peuvent continuer à acheter leur pain à la boulangerie.
Est-ce que vous travaillez avec les boulangers locaux ?
Oui ! Je travaille avec les boulangers du Sénégal. Dans mon école, je reçois beaucoup de boulangers qui viennent suivre la formation. Et je leur montre comment faire du pain bien sénégalais à base de nos céréales. Je pense que c'est plus intéressant, car c'est plus avantageux de développer un autre type de pain à côté de celui fait à base de farine de blé. Lorsque le prix de la farine de blé augmente, ils n'auront qu'à mettre le pain local sur le marché.
A part le pain, que proposez-vous aux Sénégalais pour leur petit-déjeuner ?
Mais il y a le ''fondé'' (bouillie à base de farine de mil) que nous pouvons prendre au petit déjeuner. Je peux vous dire que si les autres pays avaient cette bouillie que nous négligeons, ça serait formidable pour eux. C'est meilleur que le pain beurré rempli de cholestérol et donc mauvais pour la santé.
Comment comptez-vous faire adhérer les Sénégalais à votre projet ?
Nous sommes des formateurs. Nous avons pour objectif de partager notre savoir-faire avec nos compatriotes. Pour cela, nous allons ouvrir des centres de formation dans toutes les régions du Sénégal. Par ailleurs, nous faisons des démonstrations sur certaines chaînes de télévision pour faire connaître nos produits et sensibiliser les gens sur la possibilité de manger mieux avec nos produits locaux.
Comptez-vous associer les gouvernants, l’État à votre projet ?
Le pouvoir ne peut pas tout régler, il faut l'aider. Mais nous avons aussi besoin de l'appui du gouvernement. C'est une collaboration mutuelle. Quand nous formons les jeunes, ils pourrons créer leurs propres activités et par la même occasion créer des emplois. Ainsi, nous participons à la lutte contre le chômage. Je dois travailler pour mon pays, j'ai réglé des problèmes alimentaires aux États-Unis. La première dame Michèle Obama a lancé un mouvement intitulé ''Let’s Move'' - c’est-à-dire ''Allez, on bouge'' - qui se donne entre autres buts d’offrir de meilleurs repas dans les cantines scolaires pour lutter contre l'obésité. Elle m'a sollicité avec le partenariat culinaire du Département d’Etat, du ministère de l’Agriculture et des producteurs américains de soja en compagnie de Victor Albisu, un autre chef d’origine cubaine, pour montrer aux élèves du Lycée TC Williams, en Virginie, tous les ingrédients d’une bonne cuisine. Alors pourquoi pas dans mon pays qui en a tant besoin. Nous ne sommes pas des businessmen, nous mettons la main dans la pâte pour trouver des solutions. Mais je ne laisserai personne me dire ce que je dois faire. C'est moi qui crée et innove, donc je décide. Je refuse d'être conduit par le bout du nez.
Louis Georges DIATTA
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