Publié le 4 Jul 2014 - 12:36
ANALYSE DES RESULTATS ELECTORAUX

Macky Sall poussé à l'immobilisme

 

Fuite en avant, immobilisme, irresponsabilité. C'est la voix que des «experts» et membres du camp présidentiel qui sont en train de suggérer au président de la République, à l'aide de quelques éléments de langage disséminés dans les médias, afin qu'il passe les échecs de son camp aux locales de dimanche par pertes et profits.

 

Quarante-huit heures après les élections municipales et départementales du 29 juin, des responsables et «experts» de la mouvance présidentielle sont montés au créneau, concomitamment, en synergie, pour disséminer dans les médias une batterie d'éléments de langage visant à orienter les décisions attendues du président de la République après la tempête électorale de dimanche. 

Ces décisions là, c'est le chef de l'Etat lui-même qui les avait annoncées et promises à ses proches et collaborateurs en les théorisant sous l'angle du devoir pour les uns et les autres d'assumer politiquement et moralement leurs échecs – et leurs succès – dans l'exécution de leurs missions politiques, gouvernementales en particulier.

En clair, nous explique-t-on, il n'y a pas nécessité impérieuse de «sanctionner», car, au regard des résultats provisoires, le pôle présidentiel a quand même obtenu une «grande victoire» avec plus de 450 collectivités locales tombées dans le giron de Macky Sall lui-même. En outre, ajoutent-ils, «sanctionner» ne résoudrait pas essentiellement les problèmes qui ont engendré les conséquences contre lesquelles il faut se prémunir.

Principe d'irresponsabilité

La démarche est audacieuse, à défaut d'être convaincante. Mais elle cultive surtout en l'encourageant un principe fondamental qui est en totale contradiction avec la démocratie : l'irresponsabilité. Comment demander au président de la République de fermer les yeux sur des cas probants de défiance politique opposés à certains de ceux qui sont en charge de traduire en actes sa vision au quotidien auprès des populations que lui-même est censée servir ?

Sans doute, il y a quelque chose de vrai à tenir en compte : c'est l'obligation politique d'assurer et même de protéger les équilibres indispensables à toute architecture gouvernementale qui se veut cohérente, efficace et utile à la construction du développement. Mais ce qui est suggéré au Président Macky Sall est d'une tout autre nature. Le message d'immobilisme qu'on lui fait parvenir par médias interposés et/ou par notes écrites a davantage pour souci de sauver la peau de perdants tombés au champ de bataille que de lui promouvoir une image personnelle en rupture avec les capacités de reniement de son prédécesseur, théoricien du wax waxeet (reniement) décomplexé !

Aminata Touré, courageuse d'avoir osé batailler contre un «notable» de la trempe de Khalifa Sall au cœur d'une commune, Grand-Yoff, pauvre, miséreuse et déstructurée, miniature extrême du sous-développement national, le comprend mieux que quiconque. Premier ministre, elle a fait ce qu'elle a pu dans un contexte où les faiblesses d'un pouvoir qu'elle incarne à son niveau apparaissent plus visibles aux citoyens-électeurs que les promesses qui ont porté Macky Sall au palais de la République.

On ne peut être à la fois réceptacle d'une idée d'émergence qui structure désormais l'avenir du pays, et symbole de ce qui peut être la sanction électorale contre un régime qui besogne. Politiquement, c'est insupportable car justement la politique est l'antithèse des fragilités qui ont un dénominateur commun : le déficit de légitimité. Sa défaite de Grand-Yoff l'a fragilisée, mais elle n'est pas la seule. La dizaine de grands «blessés» de dimanche dernier, battus ou laminés dans leurs fiefs électoraux, sont désormais un handicap de taille pour le régime.

Au nom de quelle logique resteraient-ils à leurs postes s'ils doivent être un boulet pour la candidature de Sall en 2017 ? Que les «experts» interrogent leurs contre-performances, les raisons objectives de leurs défaites, la réalité de leur représentativité dans leurs localités respectives, les liens et degrés d'affectivité avec les populations, leurs capacités de mobilisation et d'entraînement en dehors de la variable «moyens logistiques et financiers», c'est-à-dire «argent», et ils auraient à peu près des réponses aux questions qu'ils refusent de se poser.

Carences

Comment expliquer que, en dépit des moyens colossaux déversés à Saint-Louis, Bambey, Dakar, Pikine, Parcelles assainies, Ziguinchor et ailleurs, les candidats de la majorité présidentielle aient eu tant de peine à sortir la tête de l'eau ? Comment des ministres de plein exercice, engagés ou non dans ces élections, mais présents d'une manière ou d'une autre pour la victoire du pouvoir, n'aient pu déloger des opposants dont certains sont désormais contraints de compter les sous avant de donner ? Il y a problèmes ! Et lorsqu'il y a problèmes, il y a carences.

Ce dont un certain conservatisme voudrait que le chef ne tienne compte qu'à minima. Comment des citoyens contraints de vivre avec des perspectives dans une situation dite de transition censée créer la rupture d'avec le régime précédent accepteraient-ils longtemps que le président de la République les snobe ?

Sans doute encore, le camp présidentiel a été loin d'être minable si l'on tient compte des statistiques brutes proches des résultats définitifs. On lui attribue environ 470 collectivités locales et peut-être un pourcentage de voix qui pourrait être compris entre 35 et 40%. En comparaison, on peut rappeler que la coalition Sopi était sortie des Locales du 22 mars 2009 avec près de 49% des voix, et contrôlait 237 (anciennes) communautés rurales sur 370 (64%).

Il n'y a pas donc de quoi pavoiser car, rappelons-le encore, l'intensité et la virulence d'une opposition arc-en-ciel et transpartisane au régime de Me Wade étaient sans commune mesure avec les alliances dites critiques qui, depuis mars 2012, jouent à cache-cache avec le pouvoir, après la dissolution des coalisés dans le régime. Les délestages d'électricité ne mobilisent plus car la situation s'est améliorée, les «imams de Guédiawaye» sont entrés dans les rangs, la corruption ne semble plus aussi visible qu'avant sur la place publique, la «monarchie» a été refoulée dans les strates locales, et Macky Sall n'a rien à voir avec Abdoulaye Wade...

Il n'y a pas quoi pavoiser car pour un pouvoir en place, gagner 30 départements sur 42 est loin d'être un exploit, au regard des liens quasiment «culturels» et de «sujétion» qui peuvent lier un pouvoir central et ses relais déconcentrés aux communautés et populations rurales. Et avec le «soutien» d'alliés, dont certains ont très tôt chanté l'hymne du renoncement, il y a forcément des marges à prendre...

En politique, comme aiment à le rappeler des pontes qui en ont fait une science (pas toujours exacte), la violation de certains fondamentaux s'avère très souvent mortelle. François Hollande avait été élu sur des éléments de gouvernance, de rupture et d'audace bien identifiés. Il les a «mangés» sitôt franchi le seuil de son bureau de l'Elysée, avec une «froideur» que beaucoup ne lui connaissaient pas. Macky Sall n'est pas Hollande, mais tous deux sont arrivés aux affaires dans des contextes, sénégalais et français, de puissant rejet de deux «monarques» puissants, experts en division des masses et des élites, légataires insouciants de désastres économiques à leur postérité immédiate.

Le Français a été durement et logiquement sanctionné aux élections...municipales de mars 2014 qui ont emporté son ami Premier ministre de trente ans. Le Sénégalais, lui, a la chance d'avoir obtenu des résultats électoraux encourageants qui le laissent, d'une certaine manière, maître de son destin politique. A condition qu'il ne prête pas l'oreille aux flagorneurs qui voudraient le neutraliser dans l'action pour que la cour poursuive sa folle fuite en avant.

MOMAR DIENG

 

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