Publié le 22 Feb 2025 - 15:55
QUESTIONS D'ACTUALITÉ

Le Gouvernement s’explique face aux députés

 

Hier, face aux parlementaires pour répondre aux questions d'actualité, le Premier ministre a largement évoqué les conclusions du rapport de la Cour des comptes, la reddition des comptes, ainsi que les mesures d'austérité annoncées par l'État.

 

Quel sort pour la loi de finances 2025, adoptée il y a à peine deux mois par l'Assemblée nationale, dont les vertus ont été vantées urbi et orbi ? Où est la transparence budgétaire que le nouveau régime prétendait avoir érigée en principe sacrosaint de sa gouvernance ? La question était au cœur des échanges entre Thierno Alassane Sall, un des rares députés de l'opposition à avoir pris la parole, et le Premier ministre Ousmane Sonko. Sur un ton provocateur, le député de “République des valeurs” s'interroge : “Le 28 décembre, vous avez imposé sans débat ni vote le budget 2025, lequel reflète votre appréciation de la situation économique et sociale du Sénégal, selon les meilleures informations à votre disposition et avec la contribution des meilleurs experts. Moins de deux mois plus tard, vous voilà sur le point de jeter ce budget à la corbeille pour appliquer un plan d’austérité drastique. La question est simple : ignoriez-vous l’état du pays au moment de faire ce budget, ou bien l'avez-vous fait sciemment sans tenir compte de la réalité ?”

De l'avis de l'opposant, avec cette nouvelle tournure, le régime semble tout bonnement fouler au pied le référentiel qu'il avait vendu aux Sénégalais il y a quelques mois. “L'agenda 2050 semble mort-né. Place au classique plan d'ajustement structurel que vous appelez pudiquement pacte national”, lance-t-il, suscitant des commentaires désapprobateurs des militants de Pastef mobilisés dans les tribunes. Selon lui, le Gouvernement de Sonko a perdu onze mois sans prendre de mesures significatives, malgré les réserves sérieuses émises dès leur accession au pouvoir.

“Vous auriez pu faire une loi de finances rectificative dès le premier semestre 2024. J'admets que la situation dont vous avez hérité est difficile, mais vous avez contribué à aggraver cette situation. Par exemple, vous avez trouvé une LFI 2024 qui fixait le déficit à 840 milliards. Vous l'avez porté à 2362 milliards, soit 1522 milliards supplémentaires. Vous auriez pu supprimer les agences depuis, mais vous ne l'avez pas fait. Vous avez toujours dit que les fonds politiques sont haram ; on s'attendait à ce que vous les supprimiez, mais vous continuez d'en jouir... Vous faites comme celui qui disait que la bière est certes interdite, mais dans son ventre, elle se transforme en lait”, provoque-t-il, laissant les militants hors d'eux.

Dans ses réponses, le Premier ministre a d'abord rejeté catégoriquement les accusations selon lesquelles son Gouvernement tend vers l'austérité. À Thierno A. Sall, il répond : “Il y a beaucoup d’amalgames dans votre interpellation. Je n’ose pas mettre cela sur le compte de la mauvaise foi. C'est vous qui parlez d'austérité, pas nous. Nous ne sommes pas dans l'austérité. J'ai l'impression que vous ne comprenez pas ce qu'est l'austérité. Nous ne voulons pas que le pays s'arrête malgré la situation difficile. Ce dont il s'agit, c'est de faire des efforts sur nous-mêmes, de travailler à dégager des marges budgétaires, tout en continuant à respecter nos engagements. La plupart des pays, lorsqu'ils se trouvent dans ce genre de situation, tombent dans le piège de l'austérité. Nous n'avons pas choisi cette option. Il faut donc réviser et revoir ces notions.”

Le Gouvernement annonce une LFR deux mois après la LFI

Revenant sur la sincérité du budget, il a estimé que c'est surtout à cause des délais courts entre l'installation de l'assemblée et la clôture de l'année budgétaire. Le budget 2025, selon lui, a été adopté dans des conditions connues de tous. “C’est un budget a minima qui a permis de sauver l’année budgétaire et d’éviter un blocage. Mais il était impossible de procéder à l’élaboration du budget dans le respect des standards. C'est pourquoi nous travaillons sur la LFR, qui sera conforme à notre orientation”, a-t-il expliqué.

Concernant les fonds politiques, il a nié avoir dit qu'ils sont haram. “Il faut écouter ce que j'ai dit. Je n’ai jamais dit que les fonds politiques sont haram. J’ai toujours dit que dans un pays, avoir des fonds laissés exclusivement à un homme est inadmissible. Par contre, dans tous les pays du monde, il existe des fonds secrets qui permettent de régler des situations, sous réserve d'un encadrement. Et cela sera matérialisé parce que nous faisons ce que nous promettons.”

Des agences et fonds seront supprimés au plus tard en juin

Cela dit, Ousmane Sonko a annoncé une série de mesures pour assainir les finances publiques. Parmi ces mesures, la réduction des subventions, qui, selon lui, coûtent cher à l'État et sont mal ciblées. Le Gouvernement compte les ramener à 2% du PIB ; la réduction des bourses qui doivent être bloquées à 80 milliards de francs CFA, contre 25 milliards pour un pays comme la Côte d'Ivoire. Le Premier ministre a invité les Sénégalais à faire preuve de compréhension. “Nous aurions pu faire comme les autres en masquant les chiffres, en faisant en sorte que les bailleurs nous financent pour réaliser des infrastructures. Nous avons dit la vérité parce que nous ne pensons pas au prochain mandat, mais à la prochaine génération”, a rétorqué le PM, assurant que l'État est le premier à faire des sacrifices.

Il a annoncé la suppression de plusieurs agences budgétivores avec une gestion clientéliste au plus tard fin juin. Concernant les structures concernées, il a cité la fusion du fonds d'impulsion de la microfinance, du Fonds national de la microfinance et du Fonds d'appui à l'économie sociale et solidaire, la fusion du Fonds d'appui aux Sénégalais de l'extérieur et du Fonds crédit femmes diaspora, ainsi que la fusion de l'Agence nationale pour les énergies renouvelables et de l'Agence pour l'économie et la maîtrise de l'énergie, la fusion de l'Office national de la formation professionnelle et du Centre national de qualification professionnelle, et la fusion de l'ASPT et de la SAPCO. La liste, selon lui, est loin d'être exhaustive.

Des efforts importants sont également attendus concernant les dépenses de personnel. D'ici à la fin du mois d'avril prochain, informe M. Sonko, un audit de l'effectif réel dans la fonction publique sera réalisé, avec identification des agents et leur catégorisation par hiérarchie, ainsi qu'une application rigoureuse des salaires et indemnités. Le Premier ministre a aussi insisté sur la problématique de l'acquisition des véhicules. Pour lui, le gouvernement va abaisser le standing des nouvelles acquisitions en privilégiant des berlines de moyenne gamme.

LE PM AUX SYNDICATS

“Nous serons flexibles, mais nous serons fermes et intransigeants”

Le Premier ministre a, par ailleurs, réagi à l'ébullition du front social avec les revendications de diverses organisations syndicales. Selon lui, la liberté syndicale est garantie par les lois de la République et il est hors de question de la remettre en cause. “Nous allons les écouter, discuter et essayer de trouver des solutions.

C’est dans ce cadre que nous avons retenu le 27 février pour lancer la première édition du dialogue social, qui doit aboutir à l'élaboration d'un pacte de stabilité. Nous ne cacherons rien aux Sénégalais, nous allons tout mettre sur la table pour leur permettre d'apprécier et de prendre leurs responsabilités. Maintenant, ce qui est sûr, c'est qu'un père de famille ne peut donner que ce qu'il a”, indique le PM, appelant à un sursaut citoyen et patriotique pour faire face à la situation.

“Nous serons flexibles sur toutes les demandes que nous sommes en mesure de satisfaire. Mais nous serons fermes et intransigeants sur ce que nous ne pourrons pas. Car il faut savoir raison garder”, s'est défendu le Premier ministre.

MOR AMAR

Section: 
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