Ousmane Sonko tranche face aux députés de la 15e législature
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À l’Assemblée nationale, le Premier ministre Ousmane Sonko a présenté un plan ambitieux de réduction du train de vie de l’État, marqué par la fusion et la suppression de plusieurs agences et fonds publics jugés redondants ou inefficaces. Cette annonce, faite lors d’une séance de questions écrites avec les députés de la 15e législature, a suscité des réactions contrastées, entre espoirs de rationalisation et scepticisme quant à la mise en œuvre effective de ces réformes.
Devant les représentants de la nation, Ousmane Sonko a détaillé les contours de cette réforme structurelle, qui s’inscrit dans une dynamique de gouvernance vertueuse. Le Premier ministre a insisté sur la nécessité d’une gestion rigoureuse des ressources publiques, affirmant que l’exemplarité devait commencer par l’État lui-même. Parmi les mesures phares figurent la fusion de certaines agences et la suppression pure et simple d’autres, considérées comme des doublons ou des structures inefficaces.
Ce vaste programme de rationalisation vise également à encadrer strictement les recrutements, les rémunérations et les dépenses publiques. Des restrictions seront imposées sur l’acquisition de véhicules administratifs ainsi que sur les dotations en carburant. Le chef du gouvernement a assuré que des mesures d’accompagnement seraient mises en place pour protéger les travailleurs concernés par cette restructuration.
La question du député Thierno Alassane Sall a mis en lumière les défis auxquels fait face le gouvernement. Depuis avril, l’Exécutif affirme avoir trouvé les caisses vides. L’audit des finances publiques, confirmé par la Cour des comptes, révèle une situation budgétaire préoccupante, avec un déficit excessif et une dette publique inquiétante.
Pourtant, depuis près d’un an, les actions du gouvernement semblent avoir aggravé la situation. Le déficit, qui s’élevait à 840 milliards de francs CFA, est passé à 1 600 milliards, avec une augmentation des dépenses et une baisse des recettes.
Cette situation paradoxale a été soulignée par plusieurs députés, qui ont critiqué l’absence de mesures concrètes pour réduire le train de vie de l’État. Au contraire, des recrutements politiques massifs ont été observés, avec la nomination de chargés de mission, de conseillers et d’autres postes jugés superflus.
Pape Mamadou Diop, vice-coordinateur de Gox Yu Bees, a exprimé son scepticisme quant à l’efficacité de ces annonces. Pour lui, la suppression d’agences publiques, annoncée après près d’un an d’exercice, ne constitue en rien un exploit. ‘’Ce qui aurait dû être fait il y a dix mois ne peut être présenté aujourd’hui comme une avancée majeure’’, a-t-il déclaré. Les Sénégalais attendent des actes concrets et immédiats pour réduire le train de vie de l’État et non des effets d’annonce.
De son côté, l’opposition a appelé à un débat de fond, loin des postures populistes et des calculs politiciens. Elle réclame une refonte structurelle incluant la réduction du nombre de ministres, la suppression des privilèges exorbitants de certains responsables et une meilleure allocation des ressources vers les secteurs prioritaires comme la santé, l’éducation et l’emploi des jeunes.
Des réformes annoncées depuis février
Il convient de rappeler que le Premier ministre avait déjà évoqué la nécessité de rationaliser les dépenses publiques, lors du Conseil des ministres du 12 février. À l’époque, Ousmane Sonko avait mis en avant la nécessité de réorganiser les agences d’exécution, dont le nombre a explosé au fil des années, s’éloignant ainsi de la philosophie initiale qui avait guidé leur création en 2009. Il avait annoncé la réactivation de la Commission d’évaluation des agences d’exécution (CEAE) chargée de formuler rapidement des propositions en vue de leur restructuration.
Dans la foulée, Alamine Lo avait déjà donné le ton à la RTS, précisant que les réformes seraient mises en œuvre pour réduire drastiquement le train de vie de l’État. Parmi les mesures envisagées figuraient la suppression de certaines agences, la révision des exonérations fiscales (qui avoisinent les 1 000 milliards de francs CFA) et un réajustement salarial pour les hauts fonctionnaires.
Pour de nombreux observateurs, comme le suggèrent certains députés, plusieurs défis doivent être relevés pour que ces réformes portent leurs fruits. Tout d’abord, il est essentiel d’améliorer la mobilisation des recettes à travers l’impôt foncier, l’impôt sur le revenu et un élargissement de la base fiscale. Des réformes sont en cours sur le Code fiscal, le Code des impôts et le Code des douanes, mais leur mise en œuvre effective reste à prouver.
Ensuite, la lutte contre la corruption doit être renforcée et toutes les procédures de perception des impôts doivent être modernisées et digitalisées. Enfin, les subventions sur l’électricité et le carburant devront bénéficier exclusivement aux populations vulnérables.
L’annonce de la fusion et de la suppression d’agences et fonds publics par Ousmane Sonko marque une étape importante, mais les Sénégalais attendent surtout des actes.
Place aux réformes concrètes !
Par Amadou Camara Gueye