Ces menaces pas du tout physiques contre la presse
Les manquements à l'éthique et à la déontologie ne sont-ils pas aussi dommageables aux journalistes que les atteintes à la liberté de la presse ? C'est la question que se pose notre chroniqueur.
Il viendra un temps où les organisations de défense de la liberté de presse (Odlp) devront se persuader que les atteintes à la liberté de la presse ne sont pas que physiques, ni les violences et violations que l’on dénonce et déplore dans les rapports annuels.
Il y a de ces atteintes aussi – voire plus – graves qui font faire à la presse des contre-performances. Ces obstacles, c’est une certaine presse et une certaine façon de faire du journalisme qui les dressent devant la presse elle-même.
La nouvelle ère que vit la presse est des plus paradoxales, contradictoires, diraient d’aucuns. Par ces temps de l’Internet, la presse a vu décuplées l’efficacité et la diversité de ses moyens de production pour traiter et diffuser l’information.
Mais la réalité est que ces opportunités peuvent parfois être un handicap. Le journaliste professionnel a perdu son monopole de collecte, de traitement et de diffusion de l’information, face à des dilettantes peu soucieux de rigueur, de précaution, de démarche et de procédures professionnelles.
‘’De plus en plus de citoyens anglo-saxons s’informent non plus par l’intermédiaire de la presse institutionnelle, mais via les réseaux sociaux comme Twitter ou Facebook, dont les utilisateurs ne sont pas soumis à la déontologie journalistique, notamment à la règle de vérification des faits, et peuvent donc véhiculer impunément de grandes quantités de mensonges’’, écrit l’encyclopédie en ligne www.wikipedia.org.
Et voguent les fake-news, les fausses informations, à la faveur du boom des médias sociaux, des réseaux sociaux numériques et autres qui sont à la presse ce que le Canada Dry est au gin, c’est-à-dire la saveur sans l’authenticité.
Les fake-news ont toujours existé, certes, mais il y a comme si c’est de nos jours qu’ils sont le plus répandus, fréquents, spectaculaires et multiformes. Les moyens de diffusion et les opportunités qui s’offrent à la presse en sont la cause, justement.
Rarement les Odlp ont dénoncé ou, au moins, émis des alertes contre cette vague portée par les médias sociaux, les réseaux sociaux numériques et assimilés. Autant que la liberté de son exercice, la crédibilisation de la presse mérite un combat, un engagement des Odlp.
Elles mettent plus l’accent sur les obstacles à la liberté de la presse que ceux que la presse, soutenons-nous, dresse devant elle-même, à travers certains de ses acteurs, par le fait de journalistes qui veulent être considérés ainsi sans accepter les rigueurs de la déontologie et de l’éthique.
Il est incongru de réclamer la dépénalisation du délit de presse en sachant qu’une telle disposition pourrait profiter à des journalistes concussionnaires et/ou maîtres-chanteurs qui, dans l’exercice de leur profession, rançonnent des citoyens ou commettent des manquements qui auraient valu la prison à tout autre citoyen.
Au Sénégal, un journaliste a été mis en prison, pour avoir tenté de faire chanter une citoyenne, sous la menace de publications scandaleuses, pour obtenir des faveurs indues.
Jamais la diffusion de l’information n’aura eu de si nombreuses et si intéressantes opportunités. Malheureusement, des journalistes en font un mauvais usage et pas seulement eux. L’âge d’or de l’Internet n’a pas offert que de nouveaux outils et de nouvelles possibilités à la presse. Il a aussi apporté des opportunités, pour ainsi dire, nuisibles parce que de nature à décrédibiliser la presse.
Dans leurs rapports annuels respectifs, les Odlp listent les atteintes et violations en négligeant les maux qui se commettent au sein de la presse, au nom d’elle. La vénalité de certains journalistes est de ces maux-là qui méritent de figurer dans des alertes et dénonciations des Odlp.
Copyright : www.africacheck.org