Les pépites perdues de la RD Congo
Alors qu’elle n’est aujourd’hui qu’une nation quelconque sur la scène footballistique africaine, la sélection de la République Démocratique du Congo aurait pu afficher un visage bien plus séduisant à quelques mois de la CAN 2015. Constituée principalement de joueurs locaux, ou de ‘’stars’’ évoluant dans des clubs européens de seconde zone, l’équipe des Léopards n’a eu de cesse de voir ses binationaux les plus talentueux lui tourner le dos. Focus.
La fuite des talents
Lukaku, Kompany, Mangala, Mandanda,… autant de joueurs qui font aujourd’hui le bonheur des Bleus, ou de l’ancienne puissance coloniale belge, que la République Démocratique du Congo aura fatalement vu passer sous son nez. Confirmés ou prometteurs, ces talents choisissent presque automatiquement de s’engager en faveur de leur pays natal, qui est parfois leur terre d’adoption, au détriment d’une RDC double championne d’Afrique, qui rayonnait sur le football africain au début des années 70 ; une éternité. Ces choix, s’ils sont relativement compréhensibles d’un point de vue sportif, portent un sérieux coup à la compétitivité des Léopards, au grand dam des inconditionnels du football africain.
C’est dans cet ordre d’idées que le camerounais Samuel Eto’o déplorait en début d’année le fait de ne pas voir de joueurs de la trempe de Vincent Kompany, capitaine de la Belgique d’origine congolaise, évoluer sous les couleurs africaines : ‘’C’est un leader naturel et un des meilleurs défenseurs au monde, indiquait le buteur camerounais. J’aurais aimé le voir porter le maillot d’un pays africain. L’Afrique a besoin de leaders comme lui, plaidait-il, tout en assurant comprendre le choix des binationaux. Dommage pour nous, Africains, et pour notre joli continent, parce que ce sont d’excellents joueurs. Mais je comprends leur choix’’.
Une opération séduction infructueuse
Face à une situation proche de celle de la Jamaïque, qui voit ses meilleurs éléments (Sturridge, Sterling, …) opter pour l’Angleterre, le Congo, ainsi dépouillé de ses pépites, cherche à s’en remettre aux cadres de son vestiaire pour tenter de convaincre les binationaux encore éligibles à la sélection nationale. Ainsi, le capitaine Youssouf Mulumbu, formé au PSG, avouait au printemps dernier aux médias congolais qu’il avait contacté certains joueurs passés par les équipes de France de jeunes pour les inviter à jouer pour leur pays d’origine, sans succès : “Le coach est en train de faire les démarches pour atteindre Jirès Kembo-Ekoko, Cédric Bakambu et aussi Chris Mavinga, expliquait le joueur de West-Bromwich Albion.
En tant que capitaine de la RD Congo, j’ai eu ces joueurs par téléphone ou par message. J’ai beaucoup discuté avec eux et d’autres, qui pensent encore à l’équipe de France, comme Eliaquim Mangala. Certains ont refusé ou veulent attendre, comme Granddi Ngoyi et Fabrice N’Sakala de Troyes. J’en ai aussi parlé avec le frère de Romelu Lukaku, Jordan, mais on attend de le voir vraiment à l’œuvre chez les professionnels“.
Un environnement dissuasif
Si les congolais d’origine, qu’ils soient belges ou français, montrent si peu d’enthousiasme à défendre les couleurs de leurs pères, leurs motivations sont aussi à chercher bien au-delà du seul aspect sportif. Corruption, primes non versées, institutions mal structurées, autant de dysfonctionnements et d’anomalies qui caractérisent malheureusement la fédération congolaise de football.
C’est dans ce contexte qu’en 2011, Robert Nouzaret, alors entraîneur des Léopards, décidait de claquer la porte d’une sélection minée par des problèmes d’organisation et de primes non payées, le tout en pleine phase de qualifications pour la CAN 2012. Le chaos ambiant autour des institutions du football congolais, qui tranche radicalement avec les modes de fonctionnement européens, ne cesse à lui seul de constituer un élément dissuasif de taille pour des binationaux qui trouvent plus de sécurité et de garanties en France ou en Belgique.
L'exemple algérien
Cette fuite des talents congolais contraste avec la ruée d’autres binationaux vers leur pays d’origine. C’est ainsi que les Fennecs algériens, auteurs d’un Mondial 2014 historique, se sont distingués par la présence dans leurs rangs de 17 joueurs nés en France sur les 23 sélectionnés, une véritable équipe de France-bis. Entre les joueurs ayant perdu tout espoir de réussite avec les Bleus et les patriotes convaincus, le football algérien aura réussi là où les congolais auront échoué, en étant capables de reconquérir des binationaux qui le leur auront dignement rendu, en faisant de l’Algérie une nouvelle figure dominante du football africain.
Entre les clichés véhiculés sur l’Afrique et l’implacable réalité du football congolais, la République Démocratique du Congo pâtit d’un mode de fonctionnement qui oscille depuis bien des années entre corruption, petits arrangements entre amis, et manque d’un projet sportif ambitieux. Habitués au cocon de Clairefontaine et attirés par l’explosion sportive et médiatique que pourraient offrir les sélections nationales européennes, c’est un véritable essaim de talents qui continue d’échapper au Congo, sans que rien ne semble en mesure d’inverser la tendance pour le moment.
Au-delà même des questions d’identité et du sentiment d’appartenance à une nation plus qu’à une autre, c’est tout une batterie de garanties et un arsenal de professionnalisme qu’il faudrait déployer pour donner un sens au retour des ‘’enfants du Congo’’, comme on aime à les appeler. A 6 mois de la CAN 2015 qui se tiendra au Maroc, les Léopards, emmenés par Trésor Mputu, Dieumerci Mbokani et Youssouf Mulumbu, continuent d’espérer le renfort de binationaux, pourtant définitivement rayés de l’équipe de France, pour enfin défier leurs homologues africains à potentiel égal… Tout un programme.
(foot-sur7.fr)