Le Sénégal joue avec…la torture
Au moins trois cas de torture ont été notés cette année 2013 au Sénégal. Les victimes n’ont pu survivre à la folie haineuse de tortionnaires qui prennent de plus en plus galon au Sénégal. De l’urgence de repenser tout à la base.
‘’Aucune circonstance exceptionnelle, quelle qu’elle soit, qu’il s’agisse de l’état de guerre où de menace de guerre, d’instabilité politique intérieure ou de tout autre état d’exception, ne peut être invoquée pour justifier la torture’’. La convention contre la torture est on ne peut plus claire, la pratique demeure. Au Sénégal, la torture prend des tournures inquiétantes. Rien que pour l’année 2013, trois personnes connues ont péri suite à des actes de torture.
Le jeune caporal du Groupement national des Sapeurs pompiers Chérif Ndao, 36 ans, est la dernière victime, ce 6 décembre 2013. Il a rendu l’âme des suites de sévices corporels infligés lors de manœuvres militaires dans un centre de formation à Thiès. Auparavant, dans la nuit du 18 au 19 octobre 2013 à Mbacké, le jeune Ibrahima Samb âgé de 18 ans, croulait sous le poids de la haine policière.
L’autopsie révélera plus tard : ‘’la mort est due à un mécanisme d’hypoxémie-hypercapnie en atmosphère confinée ayant entraîné une détresse respiratoire et des troubles sanguins avec hémorragies pétéchiales poly-viscérales et tâches hémorragiques pulmonnaire de tardien’’. L’autopsie révèle encore ‘’des coups et blessures par objet contondant avec hématomes multiples des membres inférieurs, autour du hile du rein droit, de la pièvre pariétale gauche et du cuir chevelu temporel’’.
Le samedi 30 novembre 2013, Cheikh Maleyni Sané a été retrouvé mort à la prison de Rebeuss, torturé. Le certificat de genre de mort indique que le jeune garçon est décédé à la suite d’une ‘’asphyxie mécanique par strangulation dans un contexte de coups et blessures par objet contondant’’.
L’État, principal responsable
Pourtant les textes restent clairs : ‘’Tout traitement dégradant infligé par une autorité étatique à une personne sans défense, de façon intentionnelle, est une forme de torture’’. Même s’il a été noté l’arrestation des présumés auteurs du meurtre de l’apprenti-chauffeur Ibrahima Samb, en l’occurrence les policiers Almamy Touré, Mame Cor Ndong, Thiendella Ndiaye et Ousmane Ndao, il est important de noter que l’Etat est le premier responsable dans cette affaire.
Responsable parce que ses forces de défense et de sécurité ont d’autres missions que celles de torturer. Responsable également pour n’avoir pas mis à leur disposition une formation de qualité et en continue pour éviter de tels dérives. ‘’En dépit de l’engagement réel du gouvernement sénégalais à combattre l’impunité des actes de torture, des détenus meurent en prison avec une forte présomption ou de traitements cruels, inhumains et dégradants’’, a regretté le président du Comité Sénégalais des droits de l’homme (CSDH).
Selon Alioune Tine, ces actes constituent une violation de l’article 5 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et de l’article 2 alinéa 2 de la Convention des Nations-Unies contre la torture et autres peines à laquelle le Sénégal est partie prenante depuis le 21 août 1986.
Repenser tout à la base
Face à cette hémorragie, il urge d’agir. Chargé de la protection et de l’alerte d’urgence à la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (RADDHO), Oumar Diallo met l’accent sur la formation. Selon lui, il faut renforcer la formation des forces de défense et de sécurité du Sénégal. Il préconise également la mise en place d’un système de contrôle interne comme c’est le cas dans les grandes nations de démocratie.
Ce mécanisme interne est composé de policiers et de non policiers qui statuent en cas de bavure à travers une enquête rapide et objective. Ce qui n’est malheureusement pas le cas au Sénégal où bien souvent, la solidarité de corps prend le dessus sur bien des enquêtes. Oumar Diallo qui a beaucoup travaillé sur des cas de tortures perpétrés au Sénégal et un peu partout en Afrique, suggère aussi la mise à la disposition des présumés coupables d’un avocat dès les premières heures de la garde-à-vue. Il souligne que c’est souvent lors de la garde-à-vue que les actes de torture sont exercés.
AMADOU NDIAYE