La quête de soi et l’exil selon Diary Sow
L'Institut français de Dakar a offert, jeudi, une scène de réflexion permettant au public sénégalais de rencontrer une écrivaine dont la plume autant que la parole inspirent la recherche de soi et l'affirmation de son identité. L’auteure Diary Sow a donc été l'invitée du débat d’idées intitulé ’’Écrire le soi’’ afin d'échanger et de partager son expérience sur la question.
Diary Sow, la jeune écrivaine sénégalaise, auteure du roman ‘’Je pars’’, explore avec une intensité rare les thèmes de la quête identitaire, de la quête de soi et de la recherche de soi. De ce fait, elle est revenue sur la notion ’’écrire le soi’’.
Selon l’auteure, l’être est toujours à la quête de soi. Et parfois, pour se découvrir ou pour se retrouver, il faut s’exiler. ‘’Quand on est écrivain, la première source d'inspiration, c'est nous-mêmes. C'est ce qu'on vit au quotidien et donc forcément la quête de soi revient (…) parce qu'on est toujours à la recherche de qui l’on est. On est toujours à la recherche de soi’’.
Elle nous a confié que son départ lui a permis de se voir, de découvrir le soi et cela lui a permis de voir les choses différemment. ‘’Je suis partie et j'ai appris à voir les choses différemment pour moi. C’était une sorte de technique, car ça m'a permis de m'en rendre compte, parce qu'avant, j'étais dans une forme de rejet total et tout ce qui m’entourait’’.
Elle poursuit : ‘’Je refusais catégoriquement, je refusais même de voir la beauté de ce qui m'entourait et je refusais d'être inspirée par ça. Je n'en voulais pas. Et c'est en partant que je me suis rendu compte de la beauté de ce que j’avais.’’
En outre, pour Diary Sow, la quête de soi, c’est aussi prendre du recul, prendre un nouveau départ pour se comprendre, pour se connaitre, mais aussi voir l’importance de ce qu’on possède. ‘’C'est en partant que j’ai appris à trouver de la beauté dans les petites choses simples du quotidien. Dans notre musique, dans nos aliments, j’ai trouvé quelque chose de particulier’’, insiste-t-elle.
S’exiler pour se trouver
Cependant, le simple fait d'être à la quête de soi n’est pas le seul outil qu’à suggérer l’écrivaine. Elle y ajoute également l’exil.
En effet, d’après elle, l’exil, malgré sa douleur, lui aurait permis de rencontrer la meilleure version d’elle moi-même. Cet événement a déclenché en elle un uniforme de nostalgie créatrice qui l’a inspirée. ‘’C'est important, certains auteurs ont découvert l'ouverture dans l'exil, ils ont découvert un univers où l’on s’exprime et c'est très important’’.
Elle a, par ailleurs, souligné que ‘’l’ailleurs ramène à soi’’, en expliquant que par le détour de l'ailleurs, de l'autre, de territoires étrangers on peut revenir à soi et se redécouvrir finalement à travers le regard extérieur qu’on porte. ‘’Quand on part, on se rend compte que c'est une rupture très douloureuse. On vit la douleur dans sa chair. On vit la douleur dans sa tête, c'est extrêmement difficile, plus qu’une rupture amoureuse et ça nous tue. Ça nous casse. Et une fois que la douleur est passée, quelque chose de bon se crée’’.
Rappelant que ce que l’on a laissé se crée une forme de lien entre ce qu'on découvre et ce qu'on a laissé. ‘’Je me souviens que quand j'allais chercher le bus, je courais et je me rendais compte que ça soulevait en moi des émotions parce que je me rappelais ce moment-là quant au Sénégal je courais pieds nus. Avec le sable, cette sensation me rappelait d’où je viens. Le Sénégal et tout ça m’a remplie et m’a nourrie’’.
Ainsi, elle a réitéré que l’exil met l’écrivain face à lui-même et pour elle cela est le plus important. Ajoutant que dans cette étape, on s'en rend compte que ‘’notre chez nous est plus qu'un lieu et plus qu'une culture. Il y a une seule culture. Donc, on se rend compte qu'on peut porter tout ça en soi. ‘Le monde s'effondre’ de Chinua Achebe le confirme. II va écrire sur le Nigeria quand il est allé en Occident’’.
C’est ainsi, dit-elle, qu’elle aura vécu cela. Ce fut comme un cadeau parce que ça lui a permis d'aller à la rencontre d'une nouvelle version d’elle. ‘’C’était un tiraillement entre ce que l'on quitte et ce que l'on emporte avec soi’’, lance-t-elle.
Ainsi pour elle, la quête de soi et la quête identitaire sont des questions qui reviennent dans le parcours d’un écrivain, car il est toujours à la recherche de soi.
Autour de ce débat, on a vu une jeune femme sénégalaise féministe, qui voudrait que la femme ait son mot à dire.
La question financière devrait être également laissée aux femmes
‘’Pour écrire, une femme a besoin de deux choses : elle a besoin d'une indépendance financière, mais aussi d'un espace personnel’’, dit Diary Sow.
Par ailleurs, selon elle, ces deux aspects ne sont pas super remplis, car ce ne sont pas des hypothèses qui s'appliquent à toutes. ‘’Malheureusement, dans nos sociétés, l’indépendance financière est plutôt réservée aux hommes. Parce que ce sont les hommes qui s'occupent de nous. Ce sont les hommes qui sont prêts à gérer les questions de finances’’. Soulignant que c’est très dommage parce que c'est en ayant conscience qu'on a une forme de liberté de temps, une liberté d'espace, une liberté géographique, une liberté émotionnelle, qu'on peut se permettre de faire des choix et d'être libre.
Par conséquent, elle a soutenu que la solitude est une réponse à se trouver, car à un moment donné, on a tous besoin de prendre du temps pour nous. ‘’Je crois fermement qu’à un moment donné, il faut que les femmes soient maîtresses de l'art, pour pouvoir choisir ce qu'elles écrivent, parce que c'est important’’.
Thecia P. NYOMBA EKOMIE