Une «foire» aux désolations
Les pluies torrentielles qui sont tombées à Dakar hier ont causé une panique au quartier de la foire. Des maison englouties par les eaux, des voitures qui pataugent et une brigade de gendarmerie prise en otage.
Devenu célèbre à cause de ses rendez-vous commerciaux, ce quartier qui accueille chaque année une kyrielle de visiteurs était complètement envahie par les fortes pluies tombées sur Dakar hier. Les lieux sont méconnaissables. Maisons inondées, voitures sous des trombes, des personnes désœuvrées et tristes, une gendarmerie entièrement engloutie. C'est là le décor inhabituel de la foire et de ses environs.
Trouvé dans sa maison construite en bois avec un toit couvert d'imperméable ruisselant d'eau, le vieux Lamine Diallo, la cinquantaine révolue, n'en revient pas. Il est ébahi. «J'étais au marché syndicat de Pikine, c'est ma femme qui m'a appelé pour me dire que la maison est inondée.» Sous la tristesse, il essaie tant bien que mal de refouler son amertume. «On s'en remet à Dieu, c'est Sa volonté. Toutes les maisons que vous voyez là sont devenues inhabitables, même les voitures sont actuellement irrécupérables», se désole le vieux Diallo.
Tout près de lui, deux jeunes garçons sont assis dos à dos sur une pierre qu'on aperçoit à peine, les mains accrochées aux joues, en signe de désolation. L'un est face à une maison qui a elle aussi subi les affres de la pluie. Anxieux, Omar se confie : «nous habitons cette maison-là, mais actuellement, il est impossible d'y entrer car elle est toujours en construction, dit-il. Et puis, on n'a rien mangé depuis ce matin parce que nos ustensiles de cuisine sont toutes dans le bâtiment, nos habits, mouillés, il ne m'en reste que ceux que je porte avec moi. Même le boutiquier est parti, ses marchandises sont endommagées, c'est vraiment dur !».
L'ambiance qui règne en ces lieux est loin de celles connues avec la Foire internationale ou la Fiara. Écœurée par une situation catastrophique, une famille chassée de chez elle campe dehors. Papa, maman, enfants et des amis sont contraints de constater les dégâts, impuissants. Lamine, pantalon plié jusqu'aux cuisses et visage dégoulinant de sueur, est à terre, solidaire. «Je suis venu assister mon frère dès que j'ai su la mauvaise nouvelle», dit-il. A une dizaine de mètres de lui, d'autres personnes sont regroupées. Elles sont toutes membres de la famille...
«La pluie fait évacuer la brigade de gendarmerie»
Awa Ndiaye, 1,80m, teint clair, body rouge et pantalon noir dépassant peu les genoux, est accrochée sur une voiture qui semble avoir échappé à la furie des eaux. A première vue, on ne la croirait pas touchée par le sinistre. Pourtant, elle l'est. «Je suis l'épouse du propriétaire de cette maison, dit-elle. Là, il est impossible de sauver même quelques bagages. Tout est à l'intérieur. Cette voiture devant la maison, c'est celle de mon mari mais on n'y peut rien. On a appelé les sapeurs pour nous aider, mais depuis lors, on ne les a pas vus. Les gendarmes sont venus jusque-là, mais ils ont rebroussé chemin car ils ne peuvent pas atteindre la maison.» Pour la nuit, rien n'est sûr. «Si l'eau n'est pas évacuée, on sera obligé de traverser pour aller là-haut, car il y a des chambres», explique-t-elle.
Les victimes de cette pluie, il y en a aussi à la gendarmerie du Cices. Un local entièrement évacué à cause les eaux. De force. Devant la porte d'entrée, deux camions de pompage et une voiture des pandores, entourés par des individus. Ces derniers négocient les pièces de leurs véhicules saisis par un élément de la brigade préposé sur la Voie de dégagement nord (VDN). «On est ici pour récupérer les papiers de nos voitures. Car par ignorance, on a emprunté un sens interdit à cause des pluies, et du coup, le gendarme nous a arrêtés et verbalisés», dit le propriétaire d'une des voitures...
ISIDORE A. SÈNE